Par Carl-Alexandre Robyn (Expert international) Contrairement à une idée largement répandue (notamment dans la presse économique et financière), l'amélioration de la perception par le public de la qualité des services bancaires ne passe pas forcément par une compression des marges d'intérêts ou encore par une réduction des commissions de la part des banques. En effet, en s'inspirant des enseignements de la finance comportementale, on peut démontrer que la politique tarifaire d'une banque ne peut pas être la pierre angulaire d'un outil de conquête commerciale. Les banques de niche le savent et ne se profilent jamais comme des «casseurs» de prix. Les clients sont plutôt sensibles au binôme «bon conseil et prix convenable», ils ne sont pas attirés par une banque moins chère sur tout mais alors sans conseil. En France et dans le Benelux, la plupart des banques commerciales l'ont bien compris et l'on assiste actuellement sur leurs marchés domestiques, «surbancarisés», et donc malgré un contexte de concurrence féroce et acharnée, à une multiplication des commissions et à une flambée des tarifs (ce phénomène a commencé bien avant la crise des subprimes). La plupart de ces banques ont simplement adopté une autre approche, plus subtile, plus durable, de leur stratégie marketing. Elles ont calibré différemment leurs systèmes de mesure de la qualité. Les quelques banques les plus performantes se sont rendu compte que pour s'engager dans une vraie démarche de management de la qualité (et également pour pouvoir mieux mesurer la performance de leur système de management de la qualité), elles ne pouvaient se contenter uniquement de surveiller les informations relatives à la perception du client sur le niveau de satisfaction de ses exigences par la ou les banque(s) concernée(s). Aux méthodes classiques de mesure de la qualité perçue permettant d'obtenir et d'utiliser ces informations, elles ont rajouté une méthode, opérant plus en amont dans le processus de prestation de service et qui permet en outre de nuancer les résultats du contrôle de la satisfaction des clients. Il s'agit ainsi d'un procédé complémentaire aux classiques sondages d'opinion, aux habituelles enquêtes de satisfaction, à la gestion des réclamations. Cette méthode que l'on nomme indifféremment «client mystère», «témoin anonyme»ou «visite mystère» est rapidement opérationnelle, précise, efficace et objective (quand elle est pratiquée par une équipe externe à la banque). Elle permet de révéler où, quand, comment et par qui se manifestent les anomalies et dysfonctionnements d'un réseau bancaire. Les résultats de cette technique peu répandue et/ou mal appliquée dans le monde bancaire expliquent, en grande partie, la différence entre la qualité offerte par la banque et la qualité perçue par le client. La qualité offerte désigne les caractéristiques techniques observables du service. Ce sont des faits, recueillis par des mesures, des sondages sur le terrain. Tandis que des informations sur la qualité perçue s'obtiennent en interrogeant le client (questionnaire, interview ou en le laissant s'exprimer), les informations recueillies (opinions, réclamations, suggestions…) sont des perceptions et de nombreux biais sont possibles. D'ailleurs, constatons que la connaissance de la perception du client sur le service ne suffit pas pour gérer la qualité du service, pour deux raisons : 1) En cas de dégradation de la perception du client, il n'est pas possible de dire si elle provient d'une dégradation du service offert proprement dit ou si elle est liée à des phénomènes subjectifs propres aux mesures de perception : mauvais timing, mauvaise image du service (ou de la banque suite à une crise, à un scandale, etc.),situation du client à un moment donné… 2) Si le service et son processus sont relativement compliqués (plusieurs lieux, plusieurs canaux, plusieurs étapes) et si le questionnaire délivré au client ne distingue pas ces différentes étapes, il ne sera pas possible de savoir où et pourquoi le service s'est détérioré. La connaissance de la perception du client ne permettra pas l'action au sein de l'organisation. Le caractère peu opérationnel des mesures de qualité perçue commence d'ailleurs à être signalé dans des travaux de recherche en marketing. Les résultats obtenus par cette méthode concrète de mesure de la qualité offerte sont synthétisés dans un rapport qui analyse les forces et les faiblesses de la banque intéressée par un état des lieux de son réseau commercial. On y recense les anomalies qui persistent et on propose les solutions idoines pour y remédier. Ainsi, il existe un outil capable d'expliquer pourquoi le degré de satisfaction de la clientèle est, globalement ou spécifiquement, loin d'atteindre les résultats escomptés par le Comité de direction malgré sa volonté affichée, moult efforts et plusieurs campagnes publicitaires… Il y a presque toujours une différence entre la qualité de service espérée et prônée par le «Board», la qualité réelle prestée par le personnel de contact et la qualité perçue subjectivement par les clients.