C'était probablement l'un des moments forts des Journées de la danse contemporaine, organisées du 21 février au 8 mars à Mad'Art. Samedi dernier, c'était tout simplement fort, très fort. Devant un public venu en nombre, Malek Sebaï a interprété B-Ticino, une pièce chorégraphique d'une grande puissance expressive et d'une captivante beauté. Elle joue le personnage, fictif, d'Ava-Na, une femme enfermée dans une cellule qui raconte son quotidien à travers ses lettres. A partir de cette trame, Malek structure son solo. Mais cette idée narrative n'était qu'un prétexte au travail. Le souci principal de l'artiste étant, au départ, de chercher une identité chorégraphique et trouver une manière d'exprimer quelque chose avec son corps de danseuse-interprète. Une occasion aussi d'interroger son potentiel créatif, elle, qui avait toujours utilisé son corps comme outil pour la danse, qu'elle soit classique ou contemporaine, au service d'autrui, c'est-à-dire les chorégraphes avec qui elle travaillait. Pari gagné, puisque Malek Sebaï a pu démontrer, encore une fois, ses talents de danseuse, mais aussi de chorégraphe. Seule sur les planches, avec un grand charisme, une étonnante présence scénique et une parfaite esthétique gestuelle, elle a fait parler son corps, donné voix à son souffle et laissé parler les silences. Tout est étudié, maîtrisé à l'extrême : mouvement, regard, expression du visage et respiration. Un rapport avec le corps, l'espace, mais aussi avec le costume même de l'artiste, un tablier turquoise de l'usine italienne B-Ticino (dont le spectacle porte le nom) s'installe. La force se mêle à la fragilité, l'ambiance un peu tragique traduisant l'idée d'emprisonnement se conjugue à un souffle jovial, le tout dans une écriture universelle avec un subtil ancrage. A vrai dire, B-Ticino n'est pas une nouvelle production. Elle a été créée en 2004 pour le Dama (Danser dans la Méditerranée arabe) et elle a été jouée une bonne trentaine de fois dans le cadre de festivals européens, méditerranéens et arabes. Pour la représentation de samedi dernier, la gestuelle et la danse sont restées les mêmes. La seule transformation réside dans les rajouts narratifs projetés qui viennent renforcer l'ambiance visuelle construite avec les images (photos et séquences vidéo). L'histoire d'Ava-Na se trouve ainsi racontée dans B-Ticino avec des supports différents. Le résultat n'est pas pour déplaire au public qui, totalement pris sous le charme, a applaudi très fort et longtemps à la fin de la performance. Et il avait bien raison ! Pour ceux qui ne la connaissent pas, Malek Sebaï est l'une des rares pros, dans le vrai sens du terme, de la danse en Tunisie. Sa carrière? Elle l'a passée — même si c'est un peu réductif — entre le Théâtre Stanislavsky à Moscou, l'Opéra de Munich, l'Aterballetto en Italie, le Ballet du Nord en France et la compagnie Elisa Monte à New York, avant de venir, en 1998, s'installer définitivement en Tunisie où elle enseigne et continue à porter des projets autour et pour la danse. Actuellement, notre danseuse-chorégraphe est en train de monter un duo avec la chorégraphe marseillaise Caroline Bo, dont la première sera donnée cet été à Tunis. En même temps, elle prépare Miniatures, un grand spectacle qui réunira une quarantaine de chorégraphes des rives Nord et Sud de la Méditerranée, et qui sera présenté dans le cadre de Marseille capitale culturelle 2013". Cela, et sans oublier sa participation, novembre prochain, au festival "Dream City" (s'il aura lieu!), avec Patricia Triki et Sondos Belhassen. Mais la grande nouvelle, c'est que Malek est sur un projet d'une école de danse qui, selon elle, ouvrira ses portes d'ici début 2011.