Tout un chacun ne peut-il pas, comme on a tendance à le croire, «d'un simple clic» produire les images qu'il veut et dont il peut retoucher à son aise les couleurs et les volumes sur l'ordinateur ? Mouna Jemal-Siala est maître assistant, enseignant le dessin à l'Institut supérieur des Beaux- Arts de Tunis depuis 2002. Date de son retour de Paris où elle décrocha son doctorat après avoir longuement travaillé sur «L'ombre trace des temps par une approche photographique». Elle s'intéresse au Land Art, touche à l'objet dans ses différents matériaux, tissus, verre soufflé, ferronnerie d'art…et même la glace ! Ne participe-t-elle pas en 2006, en compagnie de la talentueuse artiste et designer Sadika Keskes, au Festival de la sculpture sur neige au Québec, où le travail des deux femmes ne passa point inaperçu? Elle choisit toutefois de s'exprimer par l'outil photographique et expose dans des regroupements d'artistes à Sfax, Sousse, Ghar El Melh, à l'Espace d'art Sadika, avec l'Union des plasticiens tunisiens, à la galerie Amar Farhat à Sidi Bou Saïd, à Anvers en Belgique, à Alger.... Le passage du temps est un thème de prédilection pour la photographe. Elle commence à l'étudier sur ses autoportraits d'étudiante, sur ses jeux de déguisement à Paris. Puis, un jour, la jeune femme connaît un heureux événement : elle devient d'un seul coup la maman de trois bébés… «L'arrivée de mes triplés a fait que je prenne plus conscience de la vie qui passe, qui pousse et qui presse. L'urgence s'impose que c'est ici et maintenant que des images doivent être prises. Mon propos est de convertir les rituels quotidiens, les activités les plus basiques, les plus banales, celles du commun des mortels en un processus plastique. Les œuvres que je présente illustrent l'évidence avec laquelle la vie et l'art sont indissociablement liés», explique Mouna Jemal-Siala. Le Kaléidoscope familier, travail qu'elle a développé dans l'exposition collective «Femmes d'images» organisée par l'Institut français de coopération (novembre 2007) rappelant à la fois l'arabesque et la mosaïque, par l'utilisation du procédé de la pixellisation de la photo et exploitant les techniques numériques, l'a réconcilié avec ses dures responsabilités familiales. Dans l'espace privé, qui bouffe désormais tout son temps, elle se réserve des tranches d'émotion artistique. Elle continue à explorer l'intime et les clichés de ses triplés démultipliés à l'infini dans la série «Bains en couleurs» et également à travers les photos «Intérieur, Extérieur» avec lesquelles elle participe en novembre dernier aux Rencontres de Bamako, la Biennale Africaine de Photographie, au Mali, organisée sous le signe des «Frontières». Elle explique : «J'ai tenté d'immatérialiser les frontières en m'inspirant d'une vieille tradition bien de chez-nous qui consiste à placer les enfants dans la fenêtre de la maison. Une façon, maligne du reste pour la maman de se réserver un moment de répit pour vaquer à ses tâches quotidiennes. L'enfant s'y sent libre. Il est à l'intérieur tout en regardant l'extérieur. Il s'évade, ne fut-ce qu'un instant. Il émigre, ne fut-ce qu'un moment, vers un monde plus vaste que le sien, vers le dehors, vers l'extérieur. Il ne sait pas qu'il est sur une frontière. Il est entre les barreaux en fer forgé et la vitre. «Play on scarf» est un instant de mon quotidien, une photo prise, reprise jusqu'à la surprise». Mouna Jemal-Siala cherche actuellement une galerie intéressée par ses œuvres. Elle se sent totalement prête pour une exposition personnelle. L'autre projet qui l'attend pour décembre 2010: une exposition collective de photos sur le thème de «L'enfance en partage»…au siège des Nations unies à Genève.