Par Ahmed HOSNY* (Universitaire et écrivain) Beaucoup d'entre nous ont tendance à voir dans l'ordre l'ennemi de la liberté, et dans la liberté une menace pour l'ordre, il va s'agir ici de comprendre comment s'articulent ces deux notions, en les ramenant à deux «vertus de citoyens», «la résistance» et «l'obéissance». L'obéissance, c'est d'abord le respect des lois valant pour tous : c'est elle qui «assure l'ordre», la résistance, c'est en revanche la tendance à ne pas se soumettre aux lois, à ne jamais les admettre comme des commandements allant de soi et réclamant de nous une soumission aveugle. Si on résiste sans cesse à la loi au nom de notre liberté, cette liberté ne sera plus garantie par quoi que ce soit : si chacun ne fait que ce qu'il veut, sans que nulle sanction ne l'entrave jamais, alors chacun demeure libre…tant qu'un autre, plus puissant, ne décide pas de le réduire à l'esclavage. C'est pourquoi «la liberté ne va pas sans ordre». Le rôle de la loi, c'est de garantir la liberté de chacun, en mettant fin au règne de la force. C'est pourquoi «la liberté ne va pas sans ordre. En effet, être libre, ce n'est pas s'affranchir de toute loi, être libre, c'est voir sa liberté garantie par la loi. Quand le pouvoir fait de l'ordre une fin en soi, il se met à ne plus tolérer non seulement la désobéissance face à la loi, mais même l'esprit de désobéissance. Or, il est bon que le citoyen accepte de se soumettre, sans se soumette de bon cœur : il faut qu'il accepte d'obéir, en affirmant toujours que son obéissance n'est pas acquise à jamais, que les lois doivent prouver qu'elles sont justes et au service du bien commun. Le citoyen raisonnable consent donc à se soumettre à la loi, tant qu'elle garantit ses libertés, tant qu'elle le protège de la violence toujours possible d'autrui, mais si au nom de la sécurité pour tous, le pouvoir commence à réclamer une obéissance, pour ne pas être servile, doit s'accompagner d'une critique constante du pouvoir. Quand donc ce dernier ne tolère plus la moindre critique, le peuple aura tendance à défendre sa liberté contre l'ordre, il sera facile alors de prétexter la nécessité d'un retour à l'ordre pour écraser la révolte naissante. Un pouvoir modéré et juste doit exiger de nous l'obéissance, mais accepter la critique, fût-elle sévère. Un citoyen raisonnable critique les lois, c'est-à-dire refuse de les considérer comme des évidences, mais doit accepter de s'y soumettre tant qu'il peut les critiquer, les faire amender, voir les faire changer. Le citoyen raisonnable sait qu'il faut obéir aux lois, car elles seules garantissent sa liberté pour la bonne marche de la démocratie.