Par Jean Mehdi Chapoutot : Expert-Tourisme (ex-directeur Ontt) Au cours de son histoire récente — 1955, 1956, 1957, 1987, 14 janvier 2011 — la Tunisie a su, grâce à sa jeunesse, conserver la beauté de ses 20 ans. Sa compagne, l'hôtellerie qui chemine à ses côtés depuis 1959, a par contre très mal vieilli. Elle, qui occupe une place privilégiée dans notre pays, a bien besoin de se ressourcer afin de se positionner sur l'échiquier touristique. Et de savoir que la place de l'hôtellerie est capitale dans la démarche touristique ne lui donne aucun droit d'être le tourisme. C'est ainsi que : • Au cours des années 1970 avec la création des zones touristiques, nous pensions prendre le problème à bras-le-corps et transformer l'hôtellerie en tourisme grâce à : une spatialité réglementée, un investissement maîtrisé, une gestion contrôlée, une formation formatée et une publicité ensoleillée. Mais nous étions déjà en état de cécité touristique précoce ; • En 1987, le 1er Conseil des ministres se penchait sur le tourisme saharien. La volonté des pouvoirs publics pour inverser le cours de la " dérive littorale " et la multiplication de textes réglementaires pour développer les régions de l'intérieur se faisaient sans aucune vision systémique du secteur. Notre égarement touristico-hôtelier n'avait plus de limites ; • Aujourd'hui, le constat est simple. Les politiques dites " touristiques " ont visé, au travers des infrastructures et des équipements, autant à développer une activité économico-hôtelière qu'à aménager l'espace principalement littoral. Elles ont permis la réalisation d'un hébergement standardisé. Et pour remplir leurs structures d'accueil, les promoteurs de lits hôteliers ont participé à la " course aux étoiles " et à la " pêche aux touristes ", Voilà le résultat : Un produit balnéaire qui propose les meilleures offres en termes de prix c'est-à-dire les plus bas de l'ensemble méditerranéen ; Un produit culturel qui est resté " une velléité ou tout au moins un mirage " et qui, depuis les années 1990, a perdu plus de 30 points ; Un produit saharien, formidable rapport exotisme/distance vis-à-vis du marché européen, qui est une activité de survol à la traîne du produit balnéaire ; Un produit golfique, d'une discrétion exemplaire, et dont les statistiques ne permettent pas de différencier un touriste-golfeur d'un golfeur-touriste. La Tunisie n'est qu'une destination hôtelière de plus en plus dépendante de l'étranger et dont l'image s'est lentement mais sûrement dégradée. Le lit hôtelier est dans le fruit touristique et notre aveuglement hôtelier… risque d'être fatal au tourisme. Mais que faisait donc l'administration ? L'administration n'est pas " le temple de la paresse " comme certains se plaisent à le dire. Pendant plus de 20 ans et sous couvert de " Projet Présidentiel ", la gestion de l'administration a été caractérisée par une forte rigidité issue d'un système de pouvoir hiérarchique avec des responsables sans aucune légitimité. De plus et sous couvert de partenariat privé-public, l'administration n'a jamais pu prendre de décision. Elle était, certes, " consultée ", mais ne servait qu'à entériner. Aujourd'hui, la vigilance citoyenne des cadres de l'administration peut garantir un véritable partenariat privé-public. L'hôtellerie est, en effet, un des secteurs qui a le plus bénéficié des pratiques telles que développées au cours des années 1990 et 2000. Ces pratiques, et elles sont nombreuses, sont à bannir. Que faire dans l'immédiat ? • Une " campagne de crise " Le ministre du Commerce et du Tourisme a pris la décision de lancer une " campagne de crise : I love Tunisia ". Sage décision dont les résultats devraient permettre d'éviter le chômage et les conflits sociaux. • Une administration rénovée Il faut redonner un sens au service public en mettant en place une gouvernance au sein de laquelle la participation, la responsabilité, et l'imputabilité seront les caractéristiques premières pour que nos administrations du tourisme, Ontt et Aft, repartent du bon pied. Et n'ayons aucune crainte, les compétences, longtemps occultées, existent et ne demandent qu'à travailler pour le bien du secteur. • Un assainissement réel ¸ Un audit, à l'instar de celui mené à l'Afh, doit être lancé à l'Aft. Que de changements de vocation d'îlot, que de tracés modifiés en fonction des desiderata de la " Famille ", que de terrains non encore payés, tout est à contrôler. La fermeture du bureau de l'Ontt à Lyon. La transparence au sein de toutes les commissions touristiques. Les professionnels du secteur, au niveau national et régional, devraient se charger de dépoussiérer leur propre fédération, il y va de leur crédibilité. De l'équité, rien que de l'équité, et plus de favoritisme pourraient ramener la sérénité au sein de l'administration. Par la suite, une réflexion concernant le tourisme et ses modes de développement devrait être privilégiée sur des thèmes tels que : le rôle de l'Etat, la régionalisation touristique, la contractualisation et naturellement la politique de marketing. Il est indispensable que tous les acteurs du tourisme y participent. Ils sauront apporter en toute loyauté leur expertise.