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«Nous nous devons de protéger les acquis de la révolution»
L'entretien du lundi : Lotfi Bouchnaq
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 02 - 2011

Ratiba El Hefni disait de lui : " Lotfi Bouchnaq est un artiste que j'écoute avec un grand plaisir, à telle enseigne qu'il me fait perdre mes repères car en écoutant les autres, j'ai à chaque fois, l'impression qu'il manque quelque chose". Angham, elle, affirmait qu'il avait "l'une plus belles voix arabes et sans doute la plus forte". Wadiï Essafi a salué " ce grand artiste qui connaît les vraies valeurs du chant arabe". Quant à Yasser Arafat, il a déclaré dans une lettre dédiée au chanteur : "Nous saluons chez vous les sentiments sincères d'un patriote fier de son appartenance nationale authentique et son engagement de principe pour les causes justes de la nation dont celle du peuple palestinien patient, fidèle et inébranlable sur sa terre, militant pour sa défense, pour ses lieux sacrés, pour sa dignité et celle de toute la nation arabe".
Ainsi, et durant toute sa carrière, notre artiste national a toujours cherché à sortir le meilleur de lui-même dans le chant, grâce à des prédispositions vocales qu'il considère comme un don de Dieu, à un sens poussé du labeur et à un esprit de "soldat" face à toutes les injustices du monde. Il relève les défis les plus durs par son travail et son abnégation mais aussi par la conviction profonde que, sur terre, il y a autre chose que l'intérêt personnel et les profits matériels. Il voyage beaucoup, et va souvent là où le devoir l'appelle, fût-ce à ses propres frais. Il a été reçu par un grand nombre de chefs d'Etat, dont Bourguiba, Arafat, Saddam Hussein, Juan Carlos, Nelson Mandela, Mohamed VI, Med Rached Al Maktoum, Bigovitc, le Premier ministre de l'Inde...
Sur le plan national, sa lumière jaillit sur les scènes tunisiennes ; il est ainsi devenu l'artiste le plus présent au festival de Carthage et même quand il ne le demande pas, il y a toujours une âme bien intentionnée qui le lui propose. Est-ce à dire qu'il est l'artiste du régime Ben Ali ? Celui- là même qui lui a décerné la plus haute distinction et qui l'a cité dans l'un de ses discours, devant un parterre d'hommes de la culture et de l'art ! La question est donc posée. Saura-t-il se défaire de cette étiquette qui, aujourd'hui, un mois et demi après la révolution tunisienne, semble lui être collée par ceux qui ne vont pas toujours au fond des choses et par certains de ses camarades du milieu artistique qui ne le portent pas forcément dans leur cœur. Interview.
La révolution tunisienne a eu lieu il y a un peu plus d'un mois. Comment lisez-vous ce moment historique pour notre pays ?
La situation qui régnait dans le pays annonçait un évènement de taille venant d'un peuple opprimé qui ne faisait qu'attendre l'occasion de s'exprimer haut et fort. Il a provoqué l'Histoire et y est rentré par la grande porte. C'est un exploit extraordinaire que je salue du plus profond de mon être. Mais j'affirme qu'il a réalisé une partie seulement de l'œuvre et qu'il lui reste à faire un grand travail, basé sur l'amour du pays et de la citoyenneté, sur la tolérance, sur le civisme et sur l'union nécessaire pour garder intacts les acquis de la révolution. On a besoin de démarrer sur des bases solides. Mais avant tout, permettez-moi de rendre hommage aux martyrs de cette grande révolution, y compris les nombreux blessés, ainsi qu'à à tous ceux qui y ont pris part de près ou de loin.
Quels étaient les signes avant-coureurs qui annonçaient la révolution, puisque vous dites que le peuple guettait l'occasion de s'exprimer ?
Tout le monde était conscient que quelque chose se passait dans les coulisses du pouvoir, bien que les médias dans leur totalité aient été en rupture réelle avec la pensée du peuple. C'est pourquoi on lisait moins les journaux, on fuyait la télévision tunisienne, on zappait. Personne n'était concerné par ce qui était diffusé et qui tranchait totalement avec la réalité de tous les jours.
Vous parlez des acteurs de l'information, mais les artistes ont-ils fait quelque chose pour que le naufrage de la vie politique et sociale n'arrive pas ? On a plutôt l'impression qu'ils ont profité de cette situation !
Je ne crois pas à ces généralités et je ne veux pas parler des autres. Pour ce qui est de ma personne, je pense que les journalistes et le public, en général, connaissent assez bien mon répertoire et mes positions déclarées publiquement en Tunisie et ailleurs. Je n'ai jamais été un homme du pouvoir. Je ne le serai probablement jamais. Je suis un artiste libre. Je ne chante pas pour les hommes quel que soit leur pouvoir. Je chante pour l'humanité, pour la liberté, pour l'amour et pour les causes justes.
Vous êtes un chanteur engagé, on le sait. Comment avez-vous fait pour ne pas être utilisé par le régime ?
Je faisais bien attention pour éviter tout lien et toute implication avec ces gens-là. J'ai commencé à chanter du temps de Bourguiba. Lorsque d'autres lui destinaient leurs chansons dites "patriotiques", je chantais "pour ceux que la chanson a oubliés". Je chante pour la patrie : "Tounes ana, wa âl hob rabbitouni" que je considère comme étant la plus profonde des chansons patriotiques; je chante pour l'humanité : Khouya el insen, Nour echams, Yahia essalam, etc.
Justement, à propos de cette dernière, il me semble qu'on vous avait demandé, en 1995, de ne pas la chanter dans le gala de l'Asbu ?
C'est vrai ! Elle était dédiée à la cause arabe dans un moment crucial. Mais malgré les organisateurs, je l'ai chantée quand même et, chose étonnante, ceux-là même qui me l'avaient interdite, profitant de son succès, sont venus me féliciter après le spectacle.
Que pensez-vous de la chanson engagée, avant et après la révolution ?
On est engagé, ou on ne l'est pas, dans l'esprit de la révolution. Il y a une crédibilité que l'artiste nourrit, développe au long de sa carrière, sincèrement, honnêtement. Je pense que la révolution a réveillé quelques consciences qui sont désormais prêtes à changer de langage et d'attitude.
Quel est le rôle de l'artiste aujourd'hui et comment faire pour protéger la révolution ?
Notre tâche est dure et nous devons aller jusqu'au bout pour que cette révolution résiste à toutes les tentatives de destruction. Il faut être vigilant, conscient et attentif à tout ce qui se passe autour de nous. Il faut savoir faire passer l'intérêt de la nation avant l'intérêt personnel.
Avez-vous peur en ce moment ? Si oui, de qui, de quoi, pour qui, pour quoi ?
Peur ? Non. Je suis fier de cette révolution, mais je suis prudent. Un pays qui n'a jamais connu la liberté et la démocratie durant des générations qui se retrouve tout d'un coup devant une nouvelle vérité et un nouvel esprit, ce n'est pas peu ! Il faut savoir comment digérer cet évènement et l'exploiter dans le bon sens avec la rigueur, la conscience et la responsabilité qu'il faut. Le pays a aujourd'hui plus que jamais besoin de soutien et de sacrifices.
Cette révolution a commencé à toucher des pays arabes où vous aviez l'habitude d'être chouchouté, comme l'Egypte, la Libye, l'Algérie… Quel est l'avenir de Lotfi Bouchnaq dans ces pays ?
Désormais, je suis encore plus fier de porter l'identité de cette Tunisie, là où la révolution populaire a allumé la première étincelle et donné l'exemple à suivre. Désormais, je me sens plus proche de ces peuples. Je n'ai jamais été l'homme d'un quelconque pouvoir et je serai toujours prêt à soutenir ces révolutions, tant qu'elles sont populaires et justes.
Vous avez eu votre temps de gloire en Tunisie, sous le régime de Ben Ali ! Le reconnaissez-vous ?
Ma gloire, je l'ai eue en Tunisie, mais je l'ai eue aussi partout dans le monde, au Liban, en Syrie, au Qatar, à Abou Dhabi, en Chine, en Amérique, en France, au Maroc, en Algérie… Etais-je proche des pouvoirs dans ces pays aussi ? Non. C'est plutôt par les choix et le travail que l'on est reconnu. Dans tous mes galas à Carthage, dont vous parliez, par exemple, je faisais en sorte que le programme soit à chaque fois différent et jamais improvisé. La présence du public en est témoin, ainsi que celle des médias.
Comment expliquez-vous le nombre important de vos galas à l'étranger par rapport à ceux que vous donnez en Tunisie ?
C'est mon travail de porter ailleurs le drapeau de l'art de mon pays. Il est important de chanter tunisien à l'étranger. J'aime ça mais c'est aussi le public qui le demande ainsi que les organisateurs.
On a lu quelque part des reproches de certains membres de la " famille " musicale, concernant l'appel à Ben Ali, pour une nouvelle candidature en 2014. Qu'avez-vous à répondre ?
Je n'ai rien signé et je n'ai rien déclaré dans ce sens. J'ai été surpris de me voir sur une liste diffusée par Al Jazira qui comportait les noms de Chedly Klibi et Tahar Belkhodja.Ce fut un coup de massue, mais que faire ? Cette question, vous ne pouviez me la poser avant la révolution. On a utilisé mon nom et mon aura,comme beaucoup d'autres, pour donner une légitimité à cette action que je ne pouvais soutenir.
Pourtant, vous êtes monté sur scène pour fêter le 7-novembre 2010 ?
Je n'avais pas le choix. Moi, je préfère qu'on me juge sur le contenu de mon programme de chant ce soir-là et sur mes éventuelles déclarations. Il aurait fallu que je fusse un artiste raté pour ne pas être sollicité et utilisé pour faire briller l'image du pouvoir. Je profite de l'occasion pour défier les détracteurs de trouver une seule occasion où j'aurais pu citer le régime ou parler du 7-novembre dans toutes mes apparitions. J'affirme en outre que j'ai toujours refusé de me faire payer à l'occasion de ces galas pour éviter de tremper dans ces festivités trompeuses.
Après la révolution, beaucoup de partis ont vu le jour. Qu'en pensez-vous ? Pour quelle sorte de politique avez-vous une sympathie ?
Je n'ai jamais été partisan d'un parti quelconque; je ne le serai jamais. Mais j'appuierai toute politique qui fait passer l'intérêt du pays et du peuple avant tout. Très longtemps, on a oublié les démunis, les jeunes diplômés, les régions déshéritées. Il est grand temps qu'on s'occupe d'eux, qu'on leur prête main forte, avec beaucoup de foi, d'esprit d'égalité et de justice. Pour ma part, j'ai toujours chanté partout en Tunisie, sans exclusion, quels que fussent les moyens dont disposaient les directeurs de festival. Tébourba, Gafsa, Jendouba, El Fahs, Zaghouan, Msaken, Kalâa… avec le même plaisir et le même programme qu'à Hammamet, Sousse ou Sfax. Je prends les directeurs de festivals à témoin. J'ai souvent chanté pour les associations caritatives en soutien à leur action, que ce soit en Tunisie ou ailleurs. Leurs responsables peuvent le confirmer.
Vos rapports à la presse et aux médias sont — ils les mêmes aujourd'hui qu'avant la révolution ?
Ils ont toujours été bons et sincères. Ils le resteront encore et toujours. Ma porte est ouverte au dialogue et je prendrai leurs observations en considération pour faire mieux. Je peux affirmer que les journalistes, aujourd'hui plus libres et plus responsables, sont les garants du bon départ et de la bonne marche des nouvelles institutions et du nouvel esprit de responsabilité pour protéger cet acquis grandiose.
Quoi de neuf pour immortaliser cette révolution ?
J'ai réalisé un CD avec neuf chansons, toutes nouvelles, que je dédie à cette révolution. Certains sponsors soutiennent cette action. Les revenus seront entièrement versés au Croissant-Rouge tunisien. C'est une première action, et je ne m'arrêterai pas là. Des galas à l'étranger sont à l'étude dont les revenus seront versés au profit des régions meurtries par les évènements.


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