L'armée au pouvoir a chargé Essam Charaf, un ancien ministre des Transports, de former un nouveau gouvernement. Ahmed Chafik avait été nommé par Hosni Moubarak quelques jours avant le départ du «raïs» le 11 février, à l'issue de 18 jours de révolte populaire. Mais des manifestations se sont poursuivies pour réclamer sa démission. Un conseiller de Chafik a déclaré que cette démission, selon lui «choquante et prématurée», visait à prévenir de nouveaux rassemblements massifs aujourd'hui vendredi, journée de prière régulièrement choisie par les manifestants pour faire valoir leurs revendications. «On a eu peur des rassemblements du vendredi et de leur ampleur. (Chafik) voulait, en fait, partir avant cette semaine et ne souhaite pas provoquer d'agitation», a ajouté ce conseiller. Essam Charaf, ancien professeur et ingénieur, a participé à des manifestations contre Hosni Moubarak sur la place Tahrir du Caire. Il a été membre du gouvernement entre 2004 et 2006 avant de revenir enseigner à l'université du Caire. Le CSFA, qui avait maintenu à leurs postes tous les ministres régaliens nommés par Moubarak avant son départ, était sous forte pression de la rue pour procéder à un remaniement. Selon une source proche de l'armée, les ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Justice devraient être rapidement remplacés. Nabil Fahmy, un ancien ambassadeur à Washington, et Magid Abdel Fattah, représentant permanent de l'Egypte à l'Onu, pourraient hériter du portefeuille des Affaires étrangères, dit-on de source gouvernementale. On juge en revanche hautement improbable que le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, qui dirige également le Conseil suprême des forces armées, soit remplacé. Les protestataires réclament la formation d'une équipe de technocrates dans l'attente du transfert du pouvoir aux civils. Une réforme constitutionnelle sera soumise à référendum le 19 mars, en prélude à des élections législatives en juin et présidentielle six semaines plus tard. La démission d'Ahmed Chafik a été accueillie avec joie et soulagement par les manifestants qui continuent de camper sur la place Tahrir, épicentre de la révolution égyptienne. Ils ont applaudi la décision de l'armée. Le Conseil de sauvegarde de la révolution, un organe composé de personnalités politiques et de technocrates, a salué la nomination d'Essam Charaf. Mais tous ne partagent pas cet avis. «C'est un changement en pire, pas en mieux», estime Hassan Nafaa, un politologue de l'université du Caire qui a activement fait campagne pour le départ du président Moubarak. «Chafik est parti mais celui qui le remplace n'a aucune vision politique ni rien à voir avec la politique. Ce sont d'autres intérêts qui sont protégés et menacent le changement». Ahmed Chafik, un officier de l'armée de l'air, avait été cité par une source militaire comme un éventuel candidat à la prochaine élection présidentielle. Certains observateurs estiment que cette démission pourrait lui permettre de préparer sa candidature. Mais l'un des proches du Premier ministre démissionnaire a écarté cette hypothèse de le voir se présenter à l'élection.