Abdallah Labidi : l'absence du président du Sommet arabe est déjà une prise de position    Daily brief national du 17 mai 2024: Kais Saïed discute du sujet du financement étranger des associations    La Tunisie au cœur des initiatives météorologiques africaines    Migration irrégulière : La Tunisie en quête de partenariats africains    Chkoundali : la Tunisie suit une politique économique hostile au détriment des matières premières    Signature d'une convention de prêt groupé en devises auprès de 16 banques pour financer le budget de l'état: Plus qu'un financement, c'est un engagement    Bourse - Déploiement des pratiques ESG : Ennakl Automobiles parmi les quinze sociétés sélectionnées    Championnats du monde d'athlétisme handisport : Raouaa Tlili remporte l'or    Ben Arous: Un ancien entrepôt ravagé par un incendie, sans dégâts humains    Migration irrégulière: La région de Sfax secouée par de violents affrontements entre migrants    COINNOV : Ouverture de la deuxième session de candidature pour le Fonds dédié aux PME industrielles    Raoua Tlili brille aux championnats du monde paralympiques    Le Mondial féminin 2027 attribué au Brésil    Visite technique des véhicules: Les dix commandements    Récolte d'abricots à Kairouan: Une saison faste, mais..    Pourquoi: Diversifier les activités…    Pris sur le vif: La valse des étiquettes    Industrie du cinéma : une affaire de tous les professionnels    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    Le ministre de l'Agriculture supervise l'achèvement des travaux de surélévation du barrage Bouhertma    Météo de ce vendredi    Royaume-Uni – USA : Le maire de Londres traite Trump de raciste et de sexiste    USA : La Chambre des représentants américaine contraint Biden à soutenir militairement Israël    USA- Démission retentissante d'une employée juive de l'administration Biden en protestation contre le soutien à Israël    Hatem Mziou : la réponse du président était positive    Mandat de dépôt contre Saadia Mosbah    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    Tunisie – METEO : Nuages denses et pluies éparses sur le sud    Bank ABC sponsor de la paire Padel Hommes    Accès gratuit aux musées et sites historiques à l'occasion de la Journée internationale des musées    Sousse : 8 mois de prison à l'encontre de 50 migrants subsahariens    Coupe de Tunisie : Les arbitres des huitièmes de finale    Les épreuves pratiques du Bac 2024 en Tunisie ont démarré ce jeudi    Le chef de l'Etat reçoit la ministre de la Justice : «Il n'y a pas d'escalade avec les avocats comme on laisse entendre ... mais nul n'est au-dessus de la loi »    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    En bref    Wafa Ghorbel, lauréate du prix spécial du jury au Comar d'Or, à La Presse : «Mon roman libère la parole des laissés-pour-compte de la société»    Le CAB affronte Sakiet Eddayer en Coupe : Les espoirs reposent sur le cru !    Ligue des champions – L'EST prépare la finale devant Al Ahly (Ce samedi à Radès – 20h00) : Rééditer le scénario de Mamelodi Sundowns !    L'ES Métlaoui battue en déplacement : Le doute qui s'installe !    Baisse de la production nationale de pétrole brut et gaz au premier trimestre    Tunisie : Fermeté présidentielle face à l'ingérence dans les affaires internes    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    Le roi Charles III dévoile son premier portrait officiel    Festival de Carthage: Les préparatifs avancent à grands pas    Mark Zuckerberg : Carthage doit être détruite !    Tunisie: Le t-shirt de Mark Zuckerberg enflamme les réseaux sociaux    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



A l'heure de la transition, une phase périlleuse s'amorce
opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 03 - 2011

Le Conseil de protection de la Révolution a suscité tant de polémiques voire d'oppositions farouches en raison d'une revendication politique et d'une coalition: sa vocation décisionnelle alors qu'il ne pouvait se prévaloir d'une représentativité légitime issue des urnes et la coalition de partis politiques et de composantes de la société civile qui n'ont pas de vocation politique voire qui ont une obligation de réserve vis-à-vis de la chose politique.
Entre le débat autour de ce conseil, le sit-in de la Kasbah, l'insécurité et les violences injustifiées et les revendications légitimes, la cacophonie s'est installée.
Le discours du président de la République par intérim a ramené une part de sérénité et de concorde. Dans le même temps, autant il a rendu caduques et inopportunes ces polémiques, autant il a ouvert la voie à une nouvelle responsabilité citoyenne et a marqué le début d'une phase de la plus haute importance mais qui n'est pas sans périls.
Il est prématuré de s'attaquer à des détails techniques et mon propos n'est pas de m'attarder sur les non-dits de ce discours ou sur les incertitudes qu'il peut susciter. Il y a des préalables qui me paraissent indispensables:
Sur le rôle de la société civile…
Sans vouloir revenir sur la polémique sur le Conseil de protection de la Révolution, il est utile d'en tirer un enseignement. Certaines organisations ont péché par des prises de position politiques qui ont plus vocation à polluer le débat politique qu'à l'enrichir. Qu'il s'agisse d'organisations professionnelles ou d'organisations militantes dans le domaine des droits de l'Homme, elles peuvent se réclamer d'une légitimité reposant sur une assise électorale et, pour beaucoup d'entre elles, des bases démocratiques incontestables. Néanmoins, leurs assises électorales sont caractérisées par la diversité de leurs couleurs politiques et les choix des directions se sont faites sur les compétences dans leurs domaines d'intervention mais n'ont jamais constitué un mandat pour une représentativité politique. Leur improvisation en partenaires politiques, de fait, ne pouvait en aucun cas conduire au rassemblement de leurs bases respectives ni à l'approbation populaire dont elles se sont réclamé. Leurs coalitions partisanes affichées étaient forcément de nature à provoquer la division, à faire le lit de l'instabilité et de la radicalisation des positions et au final à la mise en péril de la révolution qu'elles s'étaient assigné la mission de protéger. La légitimité et la représentativité ne se décrètent pas. C'est à leurs adhérents, en tant que citoyens responsables et engagés, de mener l'action partisane. A ces organisations, il revient de garder la place qui leur est dévolue et qu'elles se doivent de préserver de toute mainmise partisane afin de garantir leur indépendance. Car elles sont et doivent continuer à être des contre-pouvoirs indépendants pour être crédibles.
Du rôle des partis politiques…
La coalition de partis politiques autour d'une plate-forme idéologique dont la diversité peut aller jusqu'à l'opposition n'est plus possible. Autant le débat sur la réforme du code électoral peut amener un certain consensus, quoique… autant l'étape qui va suivre l'élection d'une Assemblée constituante va générer des confrontations idéologiques, parfois inconciliables et incompatibles avec des coalitions dont les objectifs électoralistes seraient source de confusion. Dans ce domaine, l'alibi du pacte autour des valeurs de la révolution serait mensonger. Des thèses fondatrices, déterminantes et conceptuelles doivent être énoncées au peuple pour qu'un choix éclairé se fasse. L'Assemblée constituante, outre ses prérogatives de gouvernement qui nécessitent des compétences techniques, va devoir se prononcer sur une Constitution, donc une philosophie de l'Etat, des questions aussi importantes que le régime parlementaire, présidentiel ou mixte ou que la séparation de la religion et de l'Etat… La construction de l'Etat et les défis économiques auxquels nous sommes confrontés appellent à la réconciliation nationale et à un climat de confiance, mais aussi à une confrontation sans concession des idées, fidèle aux principes fondateurs de chaque parti. Il va falloir que chacun abatte ses cartes, on ne peut plus être copain-copain dans un front contre l'ennemi d'hier que la révolte d'un peuple transformée en vraie révolution a balayé.
L'heure est venue où le peuple va adhérer au projet d'un parti appelé à réformer et à gouverner, et non pas au capital sympathie, intégrité ou charisme de son chef. Or, dans leur écrasante majorité, pour ne pas dire tous, les partis politiques sont restés jusque-là dans la rhétorique révolutionnaire, se sont réfugiés derrière des slogans et ont joué des coudes sur la scène du populisme. Quel type de scrutin privilégient-ils pour l'Assemblée constituante dans un premier temps? Quelle Constitution, au moins dans ses grands principes ? Quel régime et encore une fois avec quel mode de scrutin? Quelles politiques économiques et comment redresser l'économie nationale ? Quelles politiques sociales, de la santé, de l'éducation ? Quelles réformes judiciaires ?... L'élection d'une Assemblée constituante n'est pas un chèque en blanc livré à des élus, car ils vont réformer et gouverner, pour une période dont la durée ne saurait être fixée au préalable, sûrement de plus de 6 mois, avec une légitimité non plus «révolutionnaire» mais électorale qui leur confère, à raison, un pouvoir décisionnel.
Le fait est qu'il ne faut pas se voiler la face. L'élection de l'Assemblée constituante est un évènement politique majeur qui va s'organiser et arriver à terme en un temps très court, mettant en jeu des acteurs – une classe politique et un peuple – qui n'a pas l'expérience de l'exercice démocratique pour la première, et qui n'a pas de culture politique et démocratique dans son écrasante majorité pour le deuxième. L'exercice est périlleux. Il invite les deux parties à assumer avec responsabilité et sérieux leurs rôles.
Le peuple n'a pas le droit de se tromper. Mettre un bulletin dans l'urne lui assigne une responsabilité historique. Désormais, il ne sera pas sans conséquence. Pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie indépendante, c'est le peuple qui choisit et détermine l'avenir en toute souveraineté.
Les partis politiques ont aussi une responsabilité de la plus grande importance. Leur projet politique devra être argumenté, chiffré, réaliste, et leur message clair, sans détours et sans travestissement. Ils devront tenir chacun leurs promesses, chacun leurs engagements. Après des décennies de déceptions, de frustrations, de désillusions, de déconfiture… il ne sera plus permis de berner le peuple et de lui réserver des lendemains qui déchantent.
Du rôle des médias…
Beaucoup de médias ont franchi la ligne entre la critique et la diffamation, l'information et la propagation de la rumeur, le reportage et le voyeurisme, le scoop et le sensationnel...
Les médias muselés pendant de longues décades ont été dressés sur le modèle de la pensée unique. Ils ont été libérés mais n'ont pas eu le temps d'assimiler, à l'instar d'une large frange du peuple tunisien, la culture de la démocratie et de la liberté d'expression. Ils se sont vite engouffrés dans la brèche d'une pensée unique d'une autre nature, vindicative mais non argumentée, et ont péché par orgueil refusant les critiques constructives et les appels à plus de professionnalisme.
Une logorrhée incontrôlée s'est déversée sur les plateaux télévisés, tournant au pugilat, à la vocifération, au règlement de comptes voire à l'insulte et à une obstination entêtée à privilégier des parties aux dépens d'autres. L'information objective et impartiale a parfois été confisquée au peuple et la scène politique ramenée à quelques partis au mépris de beaucoup d'autres. La presse écrite et en ligne y ont échappé dans une certaine mesure. Mais on ne le sait que trop, l'opinion populaire est façonnée par les médias audiovisuels, plus accessibles et plus répandus. Le journaliste professionnel n'est pourtant pas un simple porte-parole de la rue ou d'un parti politique sauf s'il appartient à son organe d'expression.
Si elles ont versé, pour certaines, dans le populisme ou une part de désinformation, plutôt engagées dans une course à l'audimat que portées par la volonté de relayer une information fiable, de participer à l'éducation citoyenne et politique des Tunisiens et d'apaiser les esprits tout en permettant un débat structuré et faire connaître les projets clairement formulés des uns et des autres, ces institutions qui incarnent le quatrième pouvoir vont devoir dorénavant assumer une responsabilité encore une fois historique.
Certes, le rôle de la société civile dans l'éducation politique des citoyens va être majeur. La mission pédagogique et impartiale des médias est incontestablement tout aussi centrale.
Mais, dans le même temps, dans la préparation du processus électoral démocratique, les organes de presse non partisans, les télévisions et les radios, seront une tribune ouverte à tous les acteurs de la vie politique, avec un temps de parole et un accès à l'expression équitablement répartis, sans parti pris.
Un code de la presse et des mécanismes de surveillance, et non pas de censure, à l'instar du Conseil supérieur de l'audiovisuel français, sont un préalable que les professionnels eux-mêmes devront appelés de leur vœu.
Le président provisoire de la République a amorcé une sortie de crise pour la Tunisie. Mais les responsabilités sont maintenant plus que jamais partagées. Les citoyens de tous bords, la classe politique, la société civile et les médias sont maintenant livrés au jugement de l'Histoire qui déterminera qui de nous aura réussi ou manqué un rendez-vous singulier par les événements qui l'ont provoqué et les moyens de l'atteindre. C'est pourquoi, la mobilisation citoyenne et la vigilance demeurent aujourd'hui indispensables avec, pour les accompagner, des formes de contestation démocratiques indissociables de la poursuite de la construction du pays par toutes les composantes de la nation.
E.M.
* Professeur en Médecine


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.