Les Bassins des Aghlabides qui couvrent une superficie de 11.000 m2 et qui fascinent par leur belle architecture et leur grande dimension, allient subtilement utilité et esthétique. Construits entre 860 et 862, ils se composent de deux bassins, de taille différente, reliés par un conduit : le plus grand, d'un diamètre de 128 m et d'une capacité de 57.000 m3, servait de réservoir, et le plus petit de 34 m de diamètre et d'une capacité de 4.000 m3, de bassin de décantation. Les deux ouvrages s'inscrivent dans de puissantes enceintes polygonales, renforcées de contreforts cylindriques pour contenir la poussée de l'eau. Les bassins étaient alimentés en eau lors des crues par un ris d'oued qui amenait l'eau jusqu'au petit bassin de décantation. Mais au cours de l'époque fatimide, le khalife El Moëz édifia un aqueduc qui amène l'eau de la zone de Chrichira à 30 km de Kairouan pour alimenter ses palais à Sabra El Mansourya, une partie étant acheminée par une canalisation jusqu'aux citernes de Kairouan. Malheureusement, depuis la fin du XXe siècle, les bassins ont été souillés par le mauvais entretien et la création d'activités incompatibles avec la vocation du site. Ainsi, au début des années 90, on a créé, à côté des bassins, un énorme manège et une buvette envahis, surtout en période estivale et lors des week-ends, par des enfants qui s'amusent à arracher les plantes et à courir sur les bords de l'ouvrage sous le son de bruits assourdissants et de chansons d'Eminem, de Nirvana, de Robbie Williams et de Metallica. Tout cela constitue donc une aberration à supprimer pour son incompatibilité avec ce monument exceptionnel de l'histoire de l'humanité. Ensuite, dans les années 95-97, la commune de Kairouan a exécuté des travaux financés par le Fonds de promotion des projets touristiques, à savoir des auvents, des trottoirs, de l'éclairage, de la verdure et des bancs publics. Or, aujourd'hui, ils sont en très mauvais état parce qu'ils ont été réalisés à la hâte et sans concertation avec les institutions du patrimoine. En outre, ils sont fréquentés le soir par des clochards qui n'hésitent pas à lancer leurs canettes de bière et leurs poubelles dans les bassins, faute d'un gardiennage permanent. Ceci sans oublier les nombreuses brouettes de marchands ambulants à l'entrée du site, qui proposent aux visiteurs toute sorte de pâtisserie et de pacotilles. Certains vont même jusqu'à harceler les touristes. A quand la sauvegarde du site? Face à cet état de délabrement et de mauvaise gestion de l'espace environnant, les responsables archéologiques ont sollicité un projet d'urgence pour la sauvegarde et la réhabilitation du site. C'est dans ce contexte qu'une enveloppe de 5 milliards 500.000 a été consacrée pour la réalisation de ce projet salutaire dont les études ont été lancées. Ainsi, trois experts étrangers se sont déplacés vers la fin de l'année 2010 pour diagnostiquer le mal et assurer une restauration adéquate des lieux. Parallèlement, une étude a été élaborée avec les termes de référence nécessaire pour faire appel à un bureau d'études pour l'élaboration du projet d'aménagement du site. Ce bureau se réfèrera aux différentes composantes de la société civile pour élaborer un projet d'exécution qui prend en considération les aspirations de la population et la vocation universelle des Bassins des Aghlabides, loin de toute complaisance et de toute improvisation qui ont souvent caractérisé les fameux projets «présidentiels» dont l'immunité contre toute critique était légendaire.