Par Saïd Aloui * L'idée de l'unité arabe a de tout temps hanté les esprits, et animé les discussions, tout comme celle de l'unité de l'Europe occidentale, qui s'est imposée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une Europe meurtrie et affaiblie, mais libre. La longue construction de l'unité de l'Europe Dès le 7mai 1948, Winston Churchill, bien que n'étant plus Premier ministre du Royaume-Uni, suite aux élections perdues en 1945,présida le Congrès européen à La Haye, réuni sous l'impulsion d'un comité international de coordination des mouvements pour l'unité européenne , où près de 800 délégués de toutes les tendances politiques européennes se sont réunies. Le but du congrès était de mettre en place une union européenne économique, politique, culturelle et monétaire. De cette réunion naîtront le mouvement européen et le conseil de l'Europe. L'activisme de Churchill a été relayé par le ministre français des Affaires étrangères Robert Shumann qui lança l'idée de la Communauté européenne du charbon et de l'acier(Ceca), qui, de suite, a été soutenue par l'Italien Alstid de Gasperi et l'Allemand Konrad Adenauer. Cette communauté permit d'amorcer, dès lors, le rapprochement franco –allemand et a jeté les bases de la future unité européenne. La signature du traité de Rome le 25mai 1957, s'est faite en présence de six Etats membres dont l'alliance s'est nouée autour de l'existence de gouvernements issus d'élections libres. Entre autres objectifs de ce traité, la création d'un marché commun et la suppression des barrières douanières entre les Etats membres. L'amitié du président De Gaulle avec le chancelier Allemand Adenauer marque le début d'une amitié franco-allemande qui ira bien plus loin que de simples relations diplomatiques. D'un élargissement à l'autre, suivant des règles préétablies ayant trait au niveau de développement économique mais surtout politique, indexé à la volonté populaire exprimé par voie de référendum, l'Europe embrasse actuellement 27 membres et s'est dotée d'une Constitution. Grâce à cette union, l'Europe a transcendé ses divisions, ses peurs et ses faiblesses. Elle est de moins en moins traitée, en non personne, dans le concert des nations, comme ce fut le cas durant la Guerre froide. Plaidoyer pour la construction de l'unité des peuples arabes libres Cette démarche devrait dès à présent inspirer les hommes de bonne volonté, de la Tunisie, de l'Egypte et bientôt de la Libye, afin de mettre sur les rails les jalons d'une unité si lointaine, mais pourtant si proche. Suite à la magie de la liberté recouvrée où la libre adhésion s'exprimera doublement, par la présence de gouvernements issus des urnes, et par le nécessaire recours au référendum. Les hommes d'envergure dont le prestige dépasse les frontières de chacun de ces Etats ne manquent pas. Ces hommes et femmes devraient en être les architectes et s'atteler à la construction de ce mouvement, en créant la synergie nécessaire pour fédérer les forces vives des ces Etats vers cet objectif ultime (ONG, organisations syndicales et patronales, etc.), afin de consolider les démocraties naissantes et construire une future meilleure représentativité des intérêts de leurs peuples dans le concert des nations. Ces hommes ne doivent plus se contenter de se complaire à ressasser les vicissitudes du passé. Ils doivent éviter de marcher sur les pieds des véritables faiseurs des révolutions actuelles, afin de ne pas s'entendre taxés, peut-être injustement, de chercher à les confisquer, car ils peuvent servir autrement leur peuple, en jouant le rôle qui sied à leur statut réel, du fait de l'aura et l'honorabilité qui les entourent sur le plan interne et international. Des hommes, pour ne citer que quelques-uns, de l'envergure de Hassanine Haikel, Ahmed Mestiri, Mohamed Ghannouchi, etc. il en existe, et se doivent de jouer le rôle de parrains de cette unité et s'y employer dès à présent, en contribuant, avec l'expérience acquise, à ouvrir les horizons et à baliser les chemins. S'ils se sentent capables de militer, c'est un véritable challenge qui les attend, qui s'inscrit aussi dans un processus révolutionnaire. Ils serviraient mieux leurs peuples en se projetant dans le futur, afin de le rendre plus proche et permettront, par là, de dépasser l'état de choc produit par la conjoncture et la succession rapide des événements actuels, en se fixant de nouveaux défis. L'optimisme guidant cette réflexion vient du constat historique que l'unité ne peut être l'œuvre que des peuples libres (qui doivent assumer et accepter leurs différences), tandis que les tentatives avortées prônées par le passé, par quelques dictateurs, se sont faites selon les circonstances ou l'humeur du moment. Elles s'apparentaient beaucoup plus à une volonté égoïste d'unicité, propre aux conquêtes des temps révolus. * (Banquier, universitaire)