Il a plu sur la Tunisie! Après une longue et anxieuse attente, le ciel a enfin exaucé les vœux de nos paysans et nos agriculteurs. La manne céleste a arrosé l'ensemble de notre pays. Ces précipitations, quoique légèrement tardives, sont arrivées au bon moment, en mars, quand bourgeons, pousses et plants en ont le plus besoin; c'est que les pluies de ce mois sont d'or, elles augurent d'une excellente saison agricole. Porteur d'espoir, mars est perçu comme un mois très long. Il a été surnommé par nos ailleux marès ettouîl; quand on espère, on est forcément pressé. Pressés, nous le sommes toujours en cette période «médiane» de l'année agricole. La vue de la verdure qui nous entoure nous réjouit et attise encore plus notre impatience pour déguster les premières primeurs que nous cueillerons dans quelques semaines, cinq, six. Ça nous semble long. Heureusement que, dans l'attente, nous pouvons commencer à nous régaler de nombreuses autres délices de la terre, et surtout de la mer. C'est à partir de mars que de nombreuses créatrices sublimes renouent avec un rituel des centaines de fois millénaire. Les poissons dits bleus longent nos côtes, attirés par la tiédeur et la salinité de nos eaux. Ils choisissent nos rivages pour déposer leurs œufs. Sardines, anchois, maquereaux et saurels aiment frayer chez nous. Les femelles, belles, pleines et grasses, font la joie des gens du littoral et aussi de l'arrière-pays. Les interminables festins peuvent durer longtemps, jusqu'à la fin août. Certes, tous ces poissons migrateurs sont maintenant présents sur les étals toute l'année parce que nous sommes de nos jours bien outillés pour aller les chercher au-delà de nos rivages, les dispensant de faire un long trajet et certainement pour les avoir tout le temps sous la main. Mais ça non ! ceux qui viennent de leur plein gré ont un goût meilleur. Si nous regardons du côté des étables, mars est également un mois de bonheur. Ça semble paradoxal car la viande d'agneau commence à être quelque peu déconseillée, paraissant trop grasse pour les estomacs fragiles. Par contre, lait et fromages sont en leur pleine saveur. Le lait et ses dérivés n'ont, aux yeux des fins connaisseurs, qu'une saison, le printemps, dont le mois de mars forme son plein épanouissement, râyeb (lait caillé), l'ben (lait aigre) et rigoûta (ricotte) sont très prisés parce que abondants et savoureux. Les petits déjeuners sont aux laitages. Casse-croûte h'laou (doux) et tout simplement un quart (de litre) de l'ben parfois remplacé par du lait caillé d'une saveur sublime. Les fromages printaniers permettent la réalisation de mets de saison d'une grande finesse. Le plus indiqué est le sicilien brebis qui bien, qu'il porte une appellation italienne, est authentiquement tunisien. Frais, il se mange tel quel, nature comme aiment le dire les spécialistes, demi-sec ou sec salé ou demi-sel, il procure éclat et magnificence à nombre de nos préparations caractéristiques. Les plats rissolés ne constituent qu'un petit fragment d'une large gamme de petits chefs-d'œuvre garants de notre singularité et de notre authenticité. Les tajîne goûta et tajîne j'ben sont les plus courants et aussi les plus séduisants par ces temps de réchauffement climatique, dans un sens simplement saisonnier cela s'entend. Enfin, mars rime avec temps libre. Les jeunes fêtent la journée dédiée à eux, les moins jeunes ont droit à un jour de repos pour célébrer la fête de l'Indépendance. L'occasion est propice pour sortir, faire la connaissance des coins charmeurs de notre pays. Pour les raisons que nous connaissons tous les hôteliers, aubergistes et autres professionnels du tourisme espèrent accueillir beaucoup de clients, surtout ceux qui sont avides de découverte et assoiffés de connaissance. Répondons à leur appel tout en étant cette fois plus exigeants que par le passé. Supplions-les de nous fournir des prestations de qualité avec des produits de saison et aussi de qualité afin qu'ils contribuent de leur côté au sursaut de fierté que connaît notre pays.