PARIS (Reuters) — La droite sort l'arme sécuritaire sous la pression, afin de reconquérir son électorat démobilisé et des sympathisants du Front national au second tour des élections régionales, estiment l'opposition et des analystes. La gauche a dénoncé hier une «récupération» politique de récents faits divers, dont le meurtre d'un policier par un commando présumé de l'ETA à Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne). «La vieille recette politique traditionnelle, c'est de remobiliser son camp avant d'aller chercher l'électorat flottant et celui du camp adverse», observe Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion publique de l'Ifop. Le sociologue Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS, est sans détour : «La droite est en panique et elle se dit qu'il faut qu'elle mobilise le ban et l'arrière ban de ses électeurs qui se sont en bonne partie abstenus au premier tour». Déjà en juin 2009, alors que les élections européennes ne s'annonçaient pas sous les meilleurs auspices pour l'exécutif, Nicolas Sarkozy avait relancé le débat sur les bandes et les violences à l'école. La donne aujourd'hui a changé. Le premier tour des élections régionales, sévère pour la majorité présidentielle, a montré une désaffection de l'électorat UMP et un retour aux sources de l'électorat d'extrême droite, qui a ainsi manifesté son profond dépit trois ans après la «rupture» promise par le Chef de l'Etat. «C'est gros» La majorité présidentielle sera confrontée dimanche à douze triangulaires avec le Front national dont elle devrait sortir vaincue par la gauche unie, à l'exception de l'Alsace où l'incertitude perdure, selon les instituts de sondage. Mercredi soir, lors du dernier meeting de Valérie Pécresse à Paris, François Fillon a exhorté «tous ceux que la violence inquiète» à «ne pas se disperser dans leurs votes». Une invite sans ambiguïté aux électeurs du FN, étayée d'une bévue malencontreuse : le Premier ministre a annoncé par erreur la mort d'un policier grièvement blessé le 8 mars lors d'un contrôle routier à Epernay (Marne). Martine Aubry, premier secrétaire du PS, a estimé que le chef du gouvernement s'était «déshonoré» et a déploré «une récupération lamentable», au moment où Nicolas Sarkozy annonçait à Dammarie-lès-Lys sa volonté de durcir le code pénal pour punir les assassins de policiers d'une peine de 30 ans incompressible. Un policier a été abattu dans cette ville mardi par des membres présumés de l'organisation séparatiste basque ETA. «C'est gros, c'est de la récupération, et puis quand il y a une petite bavure de communication, c'est encore plus gros», déclare Laurent Mucchielli qui affirme, sur la base des statistiques de ces 20 dernières années, qu'«il y a de moins en moins de policiers tués chaque année» en France. «Le un sur deux» Gouvernement et UMP ont nié hier toute instrumentalisation. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, juge qu'«il y a des vérités qu'il faut rappeler» : la colère des policiers face à un drame «injuste», face au «manque de considération que la société devrait pourtant leur accorder». Une colère qui visait aussi mercredi, lors d'une manifestation devant le commissariat Dammarie-lès-Lys, la politique gouvernementale en matière de sécurité. Des analystes soulignent le contraste entre un exécutif qui tient des discours très régaliens sur la sécurité tout en poursuivant le désengagement de l'Etat au niveau local. Le président socialiste sortant d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, impute au «gouvernement Sarkozy-Fillon» la dégradation des conditions de travail des policiers et gendarmes ces dernières années. Il rappelle dans un communiqué que «9.121 postes» ont été supprimés depuis 2008 et qu'environ 3.000 devraient disparaître cette année. «Le un sur deux (non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite), les gens, dans les campagnes notamment, le concrétisent physiquement», concède un ministre engagé dans les régionales. «Ici, c'est une classe qui ferme, là trois gendarmes qui disparaissent. Les gens se sentent abandonnés, et ce n'est pas bon pour nous, les électeurs restent à la maison», dit-il. Jérôme Fourquet note de fait la «circonspection» et la «distance» nouvelles des électeurs, y compris ceux de droite, vis-à-vis des «effets d'annonce» et de l'accumulation des réformes de circonstance. «Les Français constatent que la situation en matière d'insécurité ne s'est pas forcément grandement améliorée. (...) En votant FN, vous sanctionnez aussi le gouvernement», dit-il. Les «vieilles recettes» fustigées par Martine Aubry auraient atteint leurs limites selon l'analyste, qui considère également que la question de l'insécurité n'est qu'un des «ingrédients» de l'abstentionnisme de droite, pas sa cause principale.