• Deux ministres et un secrétaire d'Etat à Kasserine, pour annoncer les mesures d'urgence décidées par le gouvernement provisoire, afin d'assurer la relance dans les régions. D'autres ministres se rendront dans les prochains jours à Sidi Bouzid, Gafsa, Siliana, Kairouan, Le Kef… pour des visites similaires Qui l'eût cru‑? Tous ces conseils ministériels, réunions exceptionnelles de haut niveau, décisions et autres recommandations du sommet de l'Etat avant le 14 janvier en faveur des régions de l'intérieur, n'étaient que du toc et de la poudre jetée aux yeux. M. Abderrazak Zouari, ministre du Développement régional, l'a indirectement relevé avant-hier à Kasserine en affirmant : «Les affectations du budget de l'Etat pour 2011 (Ndlr‑: décidées fin 2010) ont vraiment un caractère honteux, notamment pour ce qui est des gouvernorats défavorisés». Retour sur une rencontre de membres du gouvernement provisoire avec un échantillon (pour ne pas dire représentants) de la population et de la société civile kasserinoises qui a eu lieu mercredi dernier au siège du gouvernorat. MM. Ezzeddine Beschaouch, ministre de la Culture, Abderrazak Zouari, ministre du Développement régional, et Néjib Garafi, secrétaire d'Etat auprès de ce dernier, étaient avant-hier dans la capitale de l'alfa pour annoncer une série de mesures d'urgence pour la région et pour écouter les doléances de la population. C'est ce qu'a déclaré M. Beschaouch en précisant que le gouvernement provisoire était conscient que Kasserine était parmi les régions les plus lésées, sinon la plus lésée du pays, et ce, en dépit des possibilités et du potentiel humain et économique dont elle regorge. Il a également affirmé la détermination du gouvernement à tout faire pendant ces quelques mois précédant les élections, pour donner une réelle impulsion à la région, notamment volet emploi et impulsion économique. Cette même détermination s'étend à tous les gouvernorats de la République, notamment et en premier lieu, ceux de l'intérieur, vu qu'ils ont été longtemps laissés pour compte. Il a rappelé, dans ce sens, que la culture se devait également d'être un vecteur de développement. Critères scientifiques Prenant la relève, M. Zouari a abordé, entre autres sujets, le problème de la bonne gouvernance, soulignant que jusqu'à 2011, beaucoup d'argent a été consenti dans la région, sans que cela ne rejaillisse sur les citoyens. En économiste chevronné, il a admis qu'il n'était pas possible de régler en quelques mois les erreurs accumulées en 50 ans. «N'empêche que nous sommes en train de nous évertuer à diminuer au maximum les écarts entre les régions dans tous les secteurs, afin qu'émerge un vrai équilibre qui touche l'ensemble du pays». Tout en rappelant que les autorités régionales agissaient (ou appliquaient les décisions) sans concertation avec les composantes de la société civile et en l'absence de tout contrôle, le ministre a insisté que ce ne sera plus le cas. Et si une autonomie doit être accordée aux conseils régionaux (désormais, élus) et aux gouverneurs, cela implique également la nécessité qu'on leur demande des comptes. Après quoi, il est passé à l'essentiel de cette visite, annonçant ainsi qu'en dépit de l'absence d'informations statistiques pointues relatives à tous les secteurs, le gouvernement, à travers son département, en particulier, a établi, selon des critères rigoureux, un classement des gouvernorats nécessitant le plus d'interventions urgentes en matière de développement. On a ainsi tenu compte du nombre d'habitants, du taux de chômage dont les diplômés du supérieur, et du taux de pauvreté. Il s'est avéré que 14 gouvernorats de l'intérieur, avec à leur tête Kasserine, puis Sidi Bouzid, Gafsa... étaient les plus défavorisés. Aussi, outre les budgets qui leur sont alloués dans le cadre du budget de l'Etat de 2010, le gouvernement provisoire a-t-il adopté une loi de finances complémentaire qui a permis de dégager une enveloppe de 250 millions de dinars (initialement destinée à d'autre affectations) pour le développement régional. 80% iront à ces 14 gouvernorats et 20 seulement aux régions côtières, où subsistent encore des quartiers, sinon des villages, vivant dans la pauvreté totale (l'exemple de la Cité Ettadhamen à Tunis illustre cela). Un dixième de ces 80% ira à Kasserine, et ce sera à la région dans son ensemble et pas aux autorités de décider comment et à quelles fins utiliser ces fonds. Et comme l'Etat ne peut assurer à lui seul le développement, M. Zouari a tenu à souligner l'apport du secteur privé dans cette perspective. Aussi a-t-il présenté le directeur général du groupe Câbles Chakira qui s'est engagé à créer une usine à Kasserine qui entrera en production dès 2012 avec une capacité d'emploi de 1.000 personnes. La réunion aurait pu finir en queue de poisson par la faute de quelques présents qui ont voulu en profiter pour la transformer en tribune électorale, mais grâce à la patience du ministre du Développement régional, au charisme et au sens de la persuasion du ministre de la Culture, elle a pu être menée à terme… le bon. Mieux, quelques cas sociaux, vraiment urgents, ont trouvé écoute et solution auprès des deux ministres. Tant mieux. Le sit-in levé Alors que le ministre du Développement régional et son secrétaire d'Etat se rendaient, accompagnés du gouverneur de Kasserine, à Thala, pour une visite-éclair, le ministre de la Culture a préféré aller voir les 25 chômeurs diplômés du supérieur, en sit-in depuis trois semaines et demie à la place des Martyrs, en plein centre-ville. La discussion qu'il a eue avec eux et la promesse d'examiner leur cas, notamment les soutiens de famille et des sans-emploi depuis près de 20 ans, et de les soumettre à son département ainsi qu'au ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi, ont abouti à la levée du sit-in. Cela démontre au besoin qu'un face à face crédible et sincère de dix minutes peut résoudre des problèmes qui peuvent s'enveminer et aller crescendo en l'absence d'écoute. Que cela continue.Hier c'était Kasserine, demain ce sera au tour de Sidi Bouzid, de Gafsa, Kairouan, Tataouine, Siliana, Le Kef et tout le reste des oubliés de Tunisie.