• Cet ouvrage tombe à pic et intervient à un moment crucial où le quotidien des Tunisiens est marqué par la question de savoir si le principe d'exclure de l'espace politique toute référence à la religion est concevable et indiqué, surtout que la polémique, qui suscite de vifs débats dans la presse nationale, met en relief le manque de cohérence et de cohésion sociales qui caractérise les rapports entre les Tunisiens et, par la même occasion, dévoile les intentions secrètes des islamistes, uniquement préoccupés par l'arrivée au pouvoir. Le cheikh des ulémas Mohamed Chedly Enneïfer, docteur en théologie, juriste, journaliste et militant patriotique agissant, appartient à une lignée d'érudits versée dans le référentiel religieux qui, voilà deux siècles déjà, s'est illustrée par son esprit réformateur, éclairé et, fondamentalement, moderniste. Les actes de la journée d'étude organisée à Beït Al Hikma le 12 mai 2008 traduisent tout l'intérêt porté au cheikh Enneïfer et expriment le sentiment de fidélité et de gratitude envers des savants de la trempe et de l'envergure des Ben Achour, père et fils, Djaït, Belkhodja, Belkadhi, Chérif qui se sont élevés au niveau du Savoir et de l'Action, ainsi que le souligne l'intervention inaugurale de cette journée. Les interventions des professeurs Mohamed Habib Hila, Tah Bousrih, Abdel Hédi Tazi, Ammar Talbi, Fathi Gasmi, Noureddine Sammoud, Borhane Neffati, Mohamed Aziz Salhi et des trois fils du cheikh Enneïfer : Mohamed Mokhtar, Tahar et H'mida Enneïfer ont traité avec beaucoup de rigueur des différents aspects de la vie du défunt (1911-1997), de ses activités, de sa pensée et de ses écrits. L'ouvrage a été enrichi par une somme de témoignages écrits de la main même de nombreux hommes politiques dont les professeurs Chedly Klibi auquel cheikh Enneïfer est apparenté, Zacharia Ben Mustapha, Kamel Saâda et Mustapha Filali. La diversité des aspects d'étude de sa personnalité établit, par une argumentation rigoureuse, l'évidence de sa richesse. Il a été le dernier des Maghrébins à s'être intéressé au «Sahih» de l'imam Muslim. En parallèle, il fut un célèbre exégète qui s'est distingué dans le «fiqh» ou l'interprétation sur des bases philologiques et selon les normes de la critique scientifique le texte sacré du Coran. Ses commentaires en matière de «hadith» (actes et paroles du Prophète Mahomet et des «sahabas», les compagnons) font autorité dans le monde musulman. L'aspect scientifique de Mohamed Chedly Enneïfer (son «fiqh», ses «fetwas», ses commentaires du “hadith”, ses études des manuscrits, ses interventions aux rencontres de la pensée islamique en Algérie, ses conférences au Maroc, dont l'une a été rehaussée par la présence du roi Hassan II), quoique présent dans la plupart des interventions, n'a pas occulté quelques-uns des aspects essentiels de sa personnalité, notamment le poète, le journaliste et le militant nationaliste au sein de l'AEMNA (Association des étudiants musulmans nord-africains) au début des années 1930. La personnalité du cheikh transparaît au lecteur à travers les interventions et les témoignages. Une personnalité encyclopédique, érudite, productive et influente. Son œuvre trouve son caronnement dans l'institution de sa fameuse bibliothèque en 1992. Ainsi, les actes de cette journée d'étude se sont particulièrement intéressés à mettre en évidence le rôle qu'il a joué dans l'«Ijtihad» et le «Tajdid» dans la pensée réformiste, loin des esprits sclérosés des nouveaux parangons de la vertu islamique, incapables d'évoluer ou de s'adapter à la modernité. Un ouvrage qu'on recommande vivement à tous ceux et celles soucieux et attentifs à la place de l'Islam en Tunisie. ————— * Cheikh Mohamed Chedly Enneïfer, actes de la journée d'étude du 12 mai 2008, Editions Beït Al Hikma, mars 2011.