Définitif et paranoïaque, José Mourinho a accusé M. Stark d'avoir précipité la défaite du Real Madrid. A ses yeux, le FC Barcelone bénéficie systématiquement d'un arbitrage protecteur dans la reine des compétitions et cela rend par nature sa tâche impossible avant le retour. Et Mourinho fit du Mourinho, puissance dix. Avec un zeste de Domenech aussi lorsque, assommé par sa défaite 2-0 sur son terrain contre le FC Barcelone, l'entraîneur portugais du Real est carrément sorti de la piste et a pris la posture de l'ex-sélectionneur des Bleus après l'élimination au premier tour à l'Euro 2008 : "Le plus important pour moi est d'avoir une famille qui m'aime et le football passe derrière, loin." Pas de demande en mariage, mais la même fuite hors sujet. La version de Mourinho, après cette désillusion, est simple : son équipe est déjà éliminée de la Ligue des champions : "Nous irons à Barcelone avec dignité et orgueil, mais aussi un peu dégoûtés de vivre dans ce monde", a lâché le Portugais. "Nous irons là-bas sans Pepe, sans Ramos, sans l'entraîneur—qui n'a par ailleurs rien fait—et avec ce résultat défavorable..." Un 0-2 déjà entré dans la légende des Clasicos. Les raisons de cette frustration exceptionnelle, Mourinho les puise l'arbitrage de M. Stark, auquel il attribue exclusivement la défaite, en référence à l'expulsion de Pepe. "Je n'ai rien dit à l'arbitre. Mais si je dis à l'Uefa et à l'arbitre ce que je ressens, ma carrière sera terminée", a-t-il lancé pour entamer son débriefing. Paranoïaque dans nombre de ses déclarations, le Portugais a même présenté ce qui ressemble à un immense complot pro-Barça construit par les instances dirigeantes : "Busacca, Ovrebo, Stark. A chaque demi-finale, il se passe toujours la même chose", a-t-il enchaîné en référence à deux précédentes occurrences qui ont vu le Barça bénéficier d'une expulsion dans le camp adverse. "Même avec l'Inter en 2010, Motta n'a pas joué la finale. Wenger a été sanctionné (Ndlr, en 8e de finale) et moi aussi. Ce que je demande, c'est : pourquoi ?" Sous-entendu : pourquoi le Barça est-il protégé par l'arbitrage ? : "Peut-être que l'un d'entre vous peut me répondre..." "Pourquoi ne nous laisse-t-on pas jouer contre eux ?" "Nous n'allions pas perdre, a expliqué Mourinho. Je ne sais pas si c'est la publicité Unicef ou M. Villar (Ndlr : président de la fédération espagnole) qui sont particulièrement sympathiques... C'était un match qui allait vers le 0-0. On peut jouer le 0-0 et perdre. L'arbitre ne nous a pas laissé faire. Pourquoi ? D'où lui vient ce pouvoir footballistique ? Aujourd'hui, on a eu la démonstration du fait qu'il était impossible de jouer contre eux. Pourquoi ne nous laisse-t-on pas jouer contre eux ? Ils sont meilleurs ! Ils allaient gagner ! Pourquoi ? Je ne comprends pas. Pourquoi devraient-ils avoir besoin d'une telle aide? En football, la règle est censée être la même pour tout le monde, et ensuite le meilleur gagne." Une deuxième fois, Mourinho a dit que le Real était éliminé. "Pepe se fait expulser par miracle. Le deuxième match à Barcelone? Déjà, sportivement, c'est une mission très difficile. Mais aujourd'hui on a vu que c'était vraiment mission impossible. Aujourd'hui, au pire nous allions faire 0-0, le Barça se serait qualifié au retour et nous aurions accepté le résultat avec fair-play. Mais non..." Mourinho a posé beaucoup de questions, mais il n'aura pas d'éclairage. "Seul l'arbitre pourrait avoir des réponses. Mais il ne les donnera pas. Il n'a pas à le faire, il va juste rentrer chez lui..." Sincère ou pas dans son exposé, consciemment ou pas, Mourinho s'est de fait rendu responsable d'une vaste entreprise de discrédit vis-à-vis du rival éternel du Real. "Gagner comme ça et gagner tout court, ça n'a pas la même saveur. Cela peut arriver de gagner avec un but marqué de la main, et c'est la même saveur. Je sais ce qu'a ressenti Chelsea, je sais ce qu'a ressenti l'Inter, et je sais ce que ressentent les gens ici. Nous avons réussi par miracle la saison dernière (Ndlr : avec l'Inter), mais ce miracle n'a pas pu arriver une deuxième fois." Mourinho a aussi précisé, comme une parenthèse de calme dans un exposé vengeur : "Cela dit, nous sommes en train de parler d'une équipe de football fantastique. Que personne ne déforme ce que je suis en train de dire." Fantastique aussi la rivalité désormais magistrale qui l'oppose à Pep Guardiola. "Je ne crois pas que l'ambiance ait été si chaude que ça. J'ai commenté les propos de Guardiola, j'ai la liberté de le faire. C'étaient des déclarations étranges, au sujet d'un arbitre qui avait toujours bien travaillé (Ndlr, un Portugais qui avait été pressenti, M. Proença). Je pense que l'arbitre, dans des conditions normales, aurait pu faire un match normal." Mourinho n'oublie pas que M. Stark avait refusé un penalty au Real lors de son match à Lyon. Il n'oublie pas non plus, visiblement, ses précédentes défaites face au Barça, bête noire. "J'ai gagné deux fois la Ligue des champions sans rencontrer le Barça. Une avec Porto, qui a l'habitude de la remporter. Et l'autre avec l'Inter qui ne l'avait pas gagnée depuis cinquante ans. Nous y sommes arrivés avec beaucoup de travail... Guardiola en a gagné une après le scandale de Chelsea. Et là il peut en gagner une autre après le scandale de Bernabeu." Contrairement à ce que Mourinho dit, il y aura bien un match retour.