En général, les anciens étudiants gardent toujours de bons souvenirs de leur passage à la faculté. Bon gré, mal gré, diplômes ou pas, ces étudiants apprécient, outre la qualité de l'enseignement, la maturité acquise après la période universitaire. Pour plusieurs enseignants, la comparaison entre les générations des étudiants vire plutôt en faveur des anciens. Un grand nombre d'étudiants d'aujourd'hui est en effet nettement moins cultivé et moins mature que leurs prédécesseurs. Et d'après l'expression d'un professionnel, nous vivons actuellement l'époque de la «fac lycéeanisée». L'enseignement supérieur vit les même réalités : absence de capacités d'anticipation aux grandes crises auxquelles il est confronté, absence de démocratie dans les systèmes de gestion de ses modes de financement, banalisation des compétences universitaires. Autant de difficultés qui font qu'avec le contexte de la mondialisation, la crise dans le secteur universitaire s'étend et s'aggrave d'année en année pour prendre des proportions universelles. Les universités ne sont ni adaptées, ni rationnelles et les moyens qui leur sont consacrés sont loin de répondre aux objectifs visés. En effet, les institutions universitaires souffrent du manque d'équipements adéquats, d'insuffisance de personnel d'encadrement, de la dégradation des infrastructures, de la baisse du niveau de formation des enseignants et des étudiants. C'est pour cette raison que le niveau universitaire a baissé d'une manière préoccupante… «Les étudiants de nos jours n'ont pas la même maturité que ceux des années 70, 80 ou encore 90…», «la faculté tunisienne n'est plus la pépinière de futurs intellectuels et ne joue plus ce rôle qu'elle assurait il y a quelques années…», autant de réflexions et d'interrogations qui se posent de plus en plus. Qu'en est-il vraiment ? Les étudiants d'avant étaient plus engagés, plus intéressés et rêvaient de changements, alors que les jeunes d'aujourd'hui n'ont qu'un objectif : finir leur parcours universitaire pour intégrer le monde du travail. Avant, les étudiants s'intéressaient plus qu'aujourd'hui à la chose politique. Ils croyaient en des idéaux, étaient en quête du meilleur et faisaient de leur mieux pour y aboutir. Actuellement, ils n'ont qu'un souci en tête : passer les examens. J'estime que l'âge des étudiants joue aussi son rôle dans la baisse du niveau de leur maturité. Les bacheliers d'aujourd'hui, contrairement à ceux d'hier, arrivent à la faculté à l'âge de 19 ans, si ce n'est moins. Ce sont plus des adolescents que des adultes. Pourquoi les jeunes deviennent de plus en plus irresponsables ? A mon avis, c'est dû à plusieurs facteurs, notamment les parents, l'enseignement ou les acteurs sociaux. Aucun de ces derniers n'offre assez d'alternatives pour l'évolution de cette jeune génération. Les raisons de la baisse du niveau sont multiples. Mais, un facteur revient avec insistance. Il s'agit de la fameuse réforme de l'enseignement. En effet, les étudiants d'aujourd'hui se sentent sous tutelle permanente. Contrairement à leurs homologues d'antan, ils n'ont pas le sentiment d'être responsabilisés. Nous étions libres d'assister ou non aux cours. En plus, les étudiants ont perdu confiance en le système. Pour eux, tout est devenu source de critique, le plus souvent injustifiée. Ils n'ont plus aucun respect pour leurs professeurs. Concernant les enseignants, ils n'ont personne derrière eux pour les contrôler et leur imposer ce qu'ils doivent faire. Ils sont plus autonomes et, par ricochet, plus volatiles, en plus la présence aux cours n'est pas obligatoire et nous n'avons pas de contrôles continus. De ce fait, nous passions une grande partie de notre temps à la faculté entre buvette et jardin. Pourtant, nous réussissions nos examens, car nous étions conscients que c'était de notre avenir qu'il s'agissait. L'objectif de la réforme est d'aider les jeunes à s'introduire dans la vie active plus facilement en orientant leur formation vers des domaines précis, afin d'éviter d'avoir des docteurs au chômage. Les cours ne sont plus académiques, mais pratiques, les enseignants ont ainsi le pouvoir de se faire obéir. Ce qui fait que la culture générale des étudiants a, malheureusement, largement diminué. En principe, cette méthode est censée responsabiliser les étudiants en les poussant à approfondir leurs connaissances hors des heures d'études. Sauf que le résultat n'est pas à la hauteur des attentes escomptées. Livrés à eux-mêmes, la majorité des étudiants oublient leur culture générale dès lors qu'ils mettent le pied hors de l'enceinte universitaire.