• Y a-t-il un pilote dans l'avion? • La question s'impose avec acuité après la farce de mercredi lors de l'annonce de la désignation de Sofiène Hidoussi à la barre technique du CA, avant d'annuler une heure plus tard, sans coup férir, cette nomination Le fait que le président du club se trouvait à l'étranger justifie-t-il autant de confusion au niveau de la prise de décision : «Hidoussi, nouvel entraîneur», pouvait-on lire avant-hier après-midi sur le site officiel du club de Bab Jedid. Une heure après, l'information était tout simplement retirée du portail. Aussi bien le porte-parole, Hichem Dhib que le responsable de l'équipe de football, Abdessalam Younsi ne trouveront point les mots et les arguments pour expliquer cette volte-face. Il n'y a pourtant rien de nouveau sous le soleil de Bab Jedid : le CA vit des heures sombres depuis ce samedi maudit de Ligue des champions qui a sonné le glas de ses ambitions africaines et mis à nu l'infiltration des rangs de ses supporters par des hooligans qui ont «transféré» les dérapages d'un mois plus tôt au Caire Stadium à l'enceinte radésienne. Le CA en est ainsi réduit à déléguer au Caire, siège de la CAF, un dirigeant parti hier en compagnie des présidents de la FTF et de l'ESS défendre le dossier de ce match de triste mémoire. Lequel match a déboulonné Kaïs Yaâcoubi dans une parfaite logique de sacrifice de l'entraîneur et conduit à la suspension de l'attaquant Aymen Soltani, auteur d'une agression inqualifiable sur l'arbitre malien Koman Coulibaly et à l'éviction de l'entraîneur des gardiens, Boubaker Zitouni, auteur de «dérapages verbaux» qu'il avait mis sur le compte d'une intense et profonde déception. La défaite avant-hier à la Marsa a ainsi valeur d'épisode sans réel intérêt par rapport aux questions fondamentales qui agitent le présent du club et hypothèquent son avenir. La désunion de structures anachroniques L'histoire retiendra que le CA a été le premier club du pays à élire après la révolution de nouvelles structures de manière transparente dans un processus démocratique. Est-ce d'ailleurs un hasard si Jamel Atrous, longtemps bloqué par les pontifes du club dans son ambition d'en prendre les rênes, a tout de suite accédé au pouvoir une fois la voix des adhérents devenue souveraine? Un vent d'optimisme avait accompagné cette consécration d'un programme ambitieux concentré dans un premier temps sur l'accession en phase de poules de la Ligue des champions devenue une véritable obsession au fil des années de galère et d'insuccès. Cela fait trois mois que le bureau de Atrous est au pouvoir : les garanties financières ne suffisent guère pour construire un véritable projet et une stratégie fiable qui manquent cruellement au club «rouge et blanc» depuis le passage à l'ère du professionnalisme. Doper l'effectif à coups de gros transferts (le Tchadien Ezechiel N'douassel en étant le dernier) ne suffit pas à bâtir une équipe pour l'avenir. La formation sur laquelle le CA s'était appuyé dans les années 1960-70 pour écrire sa légende a été bradée, comme en témoignent les structures, anachroniques et insuffisantes, réservées à ce secteur. Au niveau décisionnel, cela fait belle lurette que la désunion et les luttes intestines minent le club. On a comme l'impression qu'un «Comité de l'ombre», tel les fameux gouvernements de l'ombre, survit toujours à la transition démocratique et que l'union sacrée demeure un vague vœu pieux, une simple vue de l'esprit. Formation négligée, indiscipline souveraine L'effectif clubiste serait-il par hasard d'une qualité si douteuse au point qu'il se trouve, aux trois quarts du championnat, largué à 14 points du leader, scotché à une septième place indigne du rang d'un ténor du foot national et éliminé sur tous les tableaux? Avec ses cinq internationaux «A» (Souissi, El Ifa, Mouihbi, Yahia et Dhaouadhi), serait-il admissible que l'ensemble tombe si bas? Les joueurs investissent-ils régulièrement toute la concentration, la motivation et la vigueur requises, ou le font-ils plutôt par à-coups dans les grandes occasions? La discipline, clé de la réussite, n'est-elle pas cette saison l'un des maillons faibles? D'aucuns en sont à présent à regretter le «Général» Ben Chikha dont la poigne, la main de fer et le caractère autoritaire permettaient d'une façon ou d'une autre de parer aux nombreuses carences disciplinaires et comportementales (la gifle infligée par l'actuel sélectionneur algérien du bord de touche à Zouheir Dhaouadi en plein match est restée dans les annales!). Une main de fer indispensable Alternant le recours à des entraîneurs du pays (Mahjoub, Mejri, Chargui…) avec celui fait à des techniciens majoritairement français (Marcel Hussan, René Exbrayat, Jean Sérafin, Bertrand Marchand…), le CA n'aura au bout du compte enrayé la spirale négative que sous la coupe de l'Algérien Abdelhak Ben Chikha, auteur d'un titre de championnat après une décennie de disette et garant d'une certaine stabilité durant ses deux saisons de règne. Car autrement trois ou quatre entraîneurs par saison passent par le Parc «A» dans une interminable revue de techniciens. Il faudra agir à ce niveau-là également un bâtisseur de long cours représentant aujourd'hui le profil recherché. Un peu dans le genre Patrick Liewig qui fait indiscutablement du bon travail au ST. Des tifosi désenchantés Unanimement reconnus en qualité de public modèle — en nombre sur les gradins et par la force qu'il sait communiquer à ses favoris —, les supporters clubistes seraient-ils en train de perdre leur âme? Les violences de samedi dernier à Radès représentent en tout cas une réelle source d'inquiétude sur la naissance d'un fort sentiment de désenchantement traduit en dérapages au cœur de la énième saison de faillite aussi bien technique qu'éthique.