C'est devant un parterre de cinéastes, producteurs, acteurs, distributeurs, journalistes et critiques d'Europe et du monde arabe que M. Frédéric Mitterrand, très ému, a fait chevalier de la Légion d'honneur le cinéaste Nouri Bouzid, hier après-midi, à Cannes à «La Plage des Palmes». Parmi les présents : le ministre Xavier Darcos, Costa Gavras, président de la cinémathèque, Serge Toubiana, directeur de la cinémathèque, le grand acteur Michel Piccoli et autres cinéastes et producteurs tunisiens. «C'est un moment particulièrement émouvant que celui où la République Française rend hommage de manière solennelle au grand cinéaste Nouri Bouzid, un honneur qu'il mérite depuis longtemps», c'est en ces termes que M. Frédéric Mitterrand, ministre français de la Culture, a remis la Légion d'honneur, soit la plus haute décoration, au réalisateur tunisien au nom du président de la République Française. Le ministre français a rappelé le parcours de Nouri Bouzid qu'il qualifie «d'auteur à la dimension considérable et dont la vie marquée par la ferveur de l'amour du cinéma est construite à partir de son enfance à Sfax, de ses études à Bruxelles et des années passées aux côtés de Pasquale Festacampanila, cinéaste italien, et de grande création reflets de la société tunisienne et de films marqués par la beauté de son cinéma où la règle est de lever le voile, L'homme de cendres en est un parfait exemple. Une vie de ferveur, de création et de souffrance : un créateur rebelle au pouvoir en place et qui a connu l'épreuve de l'arbitraire dans sa chair. Je pense aussi à Sabots en or, Bezness, Poupées d'argile, et Making off, des films où Nouri Bouzid pointe un regard lucide sur la société avec le désir de dépasser l'événement et d'en tirer une morale». M. F. Mitterrand ému aux larmes a également évoqué le nouveau chapitre de la Tunisie révolutionnaire «un nouveau chapitre avec les inquiétudes propres où quelque chose est en train de se construire, c'est pourquoi je m'adresse aux jeunes cinéastes pour les inciter non pas à respecter le maître mais à s'inspirer de l'exemple qu'il a donné». En réponse, Nouri Bouzid, également très ému, a remercié le ministre, déclarant que «si Amnesty International m'a soutenu quand j'étais militant, le Festival de Cannes m'a aidé à résister à la dictature et j'espère qu' il va me soutenir contre l'obscurantisme qui risque de faire mal». S'adressant aux jeunes cinéastes, le réalisateur leur a conseillé de ne jamais oublier les perdants et de se méfier des héros gagnants. «J'ai toujours accompagné les hommes défaits, les blessés et les détruits…», tout en appelant les jeunes cinéastes dont certains ont, selon lui, un talent fou à ne pas perdre leur modestie. Et de conclure sur le plan politique. «J'ai un problème avec la révolution : comment faire pour être un contre-pouvoir ?». Il a également évoqué les dangers qui guettent les révolutions naissantes qu'on ne doit pas perdre de vue. «Il y a, a-t-il dit, une guerre à mener contre toute forme d'intégrisme de gauche ou de droite. Car, je ne peux admettre dans ma tête ou dans mon cœur un gouvernement qui soit islamiste quelle que soit sa modération. Même si les Américains veulent, à un certain moment, par amour pour les peuples, sans doute, nous utiliser comme des cobayes d'un modèle d'islamisme modéré dans le monde arabe».