Les sociétés de la « Famille » sont supervisées par des commissaires aux comptes depuis au moins dix ans. Pourquoi jusqu'à aujourd'hui ces derniers n'ont pas encore présenté leur investigation? La révélation du fait délictueux aux instances judiciaires est pourtant à la base de la régularité et de la sincérité de la mission de contrôle. Le commissaire aux comptes atteste la sincérité et la régularité des comptes des sociétés en vertu des dispositions légales et réglementaires en vigueur. De cette définition, on peut déduire que le commissaire aux comptes est un professionnel investi d'une mission légale. Plus, le commissaire aux comptes doit signaler au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance. Procédure qui n'engage pas sa responsabilité par la révélation du secret professionnel (article 270 du Code des sociétés commerciales). D'ailleurs est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de mille deux cents à cinq mille dinars ou de l'une de ces deux peines, tout commissaire aux comptes qui aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ou qui n'aura pas révélé au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance (article 271 du Code des sociétés commerciales)). Les dispositions de la loi pénale sont donc applicables au commissaire aux comptes. Les commissaires aux comptes doivent également signaler à l'assemblée générale les irrégularités et les inexactitudes de leur mission. La finalité c'est la fiabilité de l'information financière et, par là même, la sécurité de la vie économique et sociale, tant pour les besoins de gestion et d'analyse interne à l'entreprise que pour les besoins de l'ensemble des partenaires. La certification du commissaire aux comptes n'a pas pour objectif de délivrer une attestation de bonne gestion, ni de garantir la rentabilité de l'entité. L'opinion exprimée dans le rapport traduit en fait l'assurance obtenue par le commissaire aux comptes sur la base des normes reconnues. La mission du commissaire aux comptes est donc utile à tous. Or, que se passe-t-il‑? Lenteur Les commissaires aux comptes des sociétés appartenant au clan mafieux devaient alerter les autorités judiciaires ( et financières) à propos de tous les dépassements et les irrégularités qu'ils avaient relevés lors de leur investigation. Si l'opération semblait problématique avant la chute de Ben Ali, (ce n'est finalement pas un alibi), elle devait en revanche se déclencher immédiatement après le 14 janvier. Pour une raison simple : faire la lumière sur «la gouvernance» de la chose publique et déterminer les délits et leurs auteurs pour pouvoir corriger la situation. Or, on n'a rien vu venir d'autant que les autorités politiques n'ont pas actionné le système permettant d'obtenir ces rapports qui pourront faire gagner beaucoup de temps quant à la connaissance des différents abus et autres excès administratifs. Cela rappelle cette lenteur constatée chez le précédent gouvernement provisoire quant à la confiscation des biens de la «Famille» et de ses cercles. Au train où vont les choses, il faudra attendre pour que la Commission d'établissement des faits sur les malversations et la corruption puisse liquider les dossiers chauds. Elle devait pourtant s'y prendre auparavant et solliciter tous les commissaires aux comptes afin d'obtenir toutes les informations requises pour avancer dans ses inverstigations. Cela interpelle aussi sur le fait grave que ce sont plusieurs commissaires aux comptes ayant mouillé dans l'ancien système qui continuent d'exercer dans le même circuit, y compris la Banque centrale. Tirer la leçon Pourtant on devait tirer les leçons de plusieurs scandales qui ont mis en cause la passivité des experts-commissaires aux comptes et de leurs commanditaires et la fiabilité de l'information comptable. La tendance d'une banque visant à dissimuler par exemple le montant des engagements du groupe, l'optimisme exagéré de l'information financière délivrée aux marchés (et aux médias), résultant d'un phénomène de contagion due à des pressions exercées sur les CA (et par ricochet les commissaires aux comptes pour les pousser à fermer les yeux sur des pratiques douteuses), voilà des facteurs ayant entraîné une véritable gabegie. Quand on sait que rien que les crédits sans garantie s'élèvent à 450 millions de dinars (selon le chiffre avancé par la Banque centrale) ou que les montages financiers des sociétés de la "Famille" n'ont pas été effectués de manière régulière, on se demande pourquoi les commissaires aux comptes ont appuyé les fausses informations ou n'ont pas encore révélé la vérité aux autorités ( et le cas échéant aux médias).? Morale de l'histoire, cette lenteur ou cette omission volontaire pour se protéger ou protéger des clients relève de l'irrégularité judiciaire. Et si l'on voudrait aller plus loin, cette pratique serait à l'origine de cette frustration populaire et des ...explosions de colère. Une question à 1.000 dinars : le clan rêverait-il de reprendre ses affaires?