De notre envoyée spéciale Samira DAMI Plus que quelques heures pour la proclamation du palmarès du 64e Festival de Cannes… Ce soir, le jury, présidé par Robert De Niro, l'immense acteur américain, révélera le lot de films primés. Entretemps, sur la Croisette les prédictions vont bon train : qui raflera la consécration suprême, autrement dit la Palme d'or et les autres prix de la mise en scène, du scénario et de l'interprétation féminine et masculine? Les grosses pointures ont été de cette édition : Almodovar, Moretti, von Trier, Kaurismäki et bien d'autres. Difficile à dire, car cette année peu de films ont suscité l'unanimité. Mais voici les propres prédictions de La Presse : Le film du festival, nous l'avons déjà dit, n'est autre que Le Havre, de Aki Kaurismäki, où le réalisateur finlandais met en scène la rencontre entre un ancien bohémien et un adolescent immigré clandestin qui veut rejoindre sa mère installée à Londres. Ce dernier-né de l'auteur de L'homme sans passé est un hymne à la générosité et à la solidarité raconté dans une forme épurée, chargée d'humour décalée. Cette dénonciation du monde froid, égoïste et matérialiste d'aujourd'hui mérite, à défaut de la Palme d'or, au moins la palme du cœur. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, avec Il était une fois en Anatolie, a, malgré les lenteurs et longueurs (2h37), réalisé un grand film où il réussit à peindre une atmosphère, à sonder les âmes entre soucis quotidiens, obsessions, désirs et mesquineries. Filmé avec la précision d'un orfèvre, Il était une fois en Anatolie, dans un souffle façon documentaire, est un voyage au milieu des steppes anatoliennes à la recherche d'un cadavre. L'auteur de Trois singes continue à sonder les âmes mais cette fois-ci dans un autre climat, d'autres lieux et paysages et d'autres hommes, des villageois en butte à leur propre existence privée et à l'administration publique. Pour le lot des autres prix, nous citerons le léger et métaphorique Habemus papam, de Nanni Moretti, révélant l'âme en proie au doute d'un cardinal élu pape qui n'arrive pas à assumer le poids de ses futures responsabilités. Dans Melancholia, le Danois Lars Von Trier filme avec une rare beauté de plans l'Apocalypse et la fin du monde à travers la profondeur de deux âmes sœurs : l'une dépressive et l'autre si fragile. Mais le dérapage de Lars von Trier lors de la conférence de presse de son film et le fait qu'il soit désormais persona non grata au Festival de Cannes, vont-ils peser sur la décision du jury, tant le film aurait mérité le Prix de la mise en scène ? D'autres peuvent figurer, certes au Palmarès, mais ils nous ont, quant à nous, déçu, tel Pedro Almodovar avec La peau que j'habite, entre Rebecca d'Alfred Hitchcock et Les yeux sans visage, de Georges Franju, traverse tous les genres en citant Dr Folamour et Frankenstein pour se poser la question : peut-on vivre hors de sa propre peau qui fait corps avec son identité ? Paolo Sorrentina aussi : le réalisateur a commis un film informe This must be the place, une ancienne rock star, maquillée comme une poupée, se pique à l'âge de 50 ans de rompre son oisiveté pour aller venger son père, rescapé des camps d'Auschwitz… Mais Sean Penn, qui incarne la rock star, mérite aussi bien qu'André Wilms dans Le Havre et Michel Piccoli dans Habemus Papam, de rafler le Prix d'interprétation masculine. Trois actrices sont habilitées à obtenir le Prix de l'interprétation féminine : Kristen Dunst dans Melancholia, Karen Viard dans Polisse, Cécile de France dans Le gamin au vélo des frères Dardenne dont le film est cité, par une bonne partie de la presse internationale, comme possible Palme d'or après Rosetto (1999) et L'enfant (2005). Alors, une troisième Palme pour les réalisateurs belges ? Pourquoi pas d'autant que leur film est excellemment ficelé sous toutes les coutures. Ne dit-on pas jamais deux sans trois ? Mais suivez le regard de La Presse : le grand Kaurismäki dans son Havre a été le meilleur dans cette édition.