Par Chokri GHARBI Jamais dans l'histoire de la Tunisie, nous n'avons relevé des sit-in et des grèves qui se tiennent dans des entreprises publiques et privées en même temps. Cela a donné lieu à une stagnation des activités dans plus d'une entreprise dont certaines ont fermé leurs portes car elles ne pouvaient plus satisfaire les besoins de leurs employés. Dans certaines entreprises publiques, les travailleurs ont investi par la force le bureau du directeur général, l'incitant à quitter les lieux car il représente un «symbole» du régime déchu. Tous les spécialistes et les observateurs s'accordent à dire que l'économie tunisienne connaît aujourd'hui une période de turbulences qui nécessite une nouvelle dynamique, des investissements nouveaux et surtout un climat de paix sociale pour qu'elles puissent reprendre normalement leurs activités. D'ailleurs, plusieurs hommes d'affaires ont lancé un cri d'alarme pour demander une assistance en termes de financement et de prise en charge de certaines dépenses. Le gouvernement de transition a certes pris des mesures en faveur de ces entreprises en difficulté – dont le nombre ne cesse d'augmenter – mais le problème de la main-d'œuvre reste entier. Certes, les travailleurs ont le droit d'observer des grèves et des sit-in dans un environnement serein pour demander la régularisation de leur situation professionnelle, à demander des augmentations salariales, à demander ou à valoriser des primes… Mais cela ne doit en aucun cas freiner les actitivés de l'entreprise, la mettre entre le marteau et l'enclume pour précipiter sa fermeture. Déjà, suite aux actes de vandalisme pendant et après la révolution, plusieurs unités ont vu leurs outils de travail endommagés, des chaînes commerciales ont été pillées et saccagées, mettant des centaines de travailleurs au chômage technique. Et dire que sous l'ancien régime, que tout le monde s'accorde à dire corrompu, nous n'avons pas observé autant de grèves en même temps. Tout le monde se contenait du peu qu'il avait. Est-ce l'effet de la peur ? Est-ce une volonté de réussir un projet de société qui a montré ses limites? En tout cas, la paix sociale, de l'avis même des experts internationaux, était de mise et les promoteurs nationaux et étrangers investissaient. Des accords d'augmentations salariales sur trois années étaient même conclus avec les partenaires sociaux et tout coulait de source. Pourquoi ne pas contribuer à réussir cette transition démocratique quitte à faire des sacrifices en attendant des jours meilleurs ? Pourquoi vouloir à tout prix mettre à genoux notre économie qui garde malgré tout des bases solides ? Compte tenu de la période difficile par laquelle passe notre pays, nous proposons de suspendre provisoirement les sit-in et les grèves pendant une année, le temps que les activités économiques reprennent leur rythme normal. Une telle décision pourrait être concrétisée à travers un accord à signer entre toutes les parties prenantes et les organisations professionnelles dont la centrale syndicale. Des négociations devraient être engagées au plus vite avec tous les partenaires sociaux pour parvenir à cet accord et instaurer ainsi pendant cette période de transition démocratique la paix sociale. Ainsi, on pourrait garantir le retour des investissements, la création de richesses en volume plus important et assurer la relance des exportations, sans parler des postes d'emploi… Déjà, sous la pression, le gouvernement a été amené à supprimer le travail par sous-traitance, ce qui a mis plus d'une entreprise hors coup. Alors que dans le monde entier, on exploite encore toutes les formes d'emploi – pour éviter les lenteurs administratives et juguler autant que faire se peut le chômage – dans notre pays on revient aux méthodes quelque peu archaïques : l'emploi garanti à vie avec ses avantages sociaux que plusieurs entreprises ne sont plus en mesure d'honorer ! Et dire que quelques années plus tôt de nombreux chefs d'entreprise souhaitaient appliquer la flexibilité de l'emploi pour pouvoir recruter et faire tourner la machine productive. Une nouvelle mentalité devrait désormais être enracinée aussi bien chez les chefs d'entreprise que chez les travailleurs pour réduire un tant soit peu le chômage et relancer l'économie. L'une des options à adopter pourrait concerner l'ouverture du capital de l'entreprise pour que tous les travailleurs participent à parts égales et deviennent responsables des décisions à prendre. Dans ce cas, ils seraient obligés de travailler plus, de chercher des parts de marché et de s'impliquer totalement dans les activités de l'entreprise pour améliorer ses bénéfices et donc leurs gains ! A ce moment-là, il n'y aurait certainement plus de grève, car une minute de perdue, c'est des dinars en moins dans leurs poches !