Créer et planter les décors de films est son métier, mais Taoufik Béhi est non seulement chef décorateur au cinéma mais aussi peintre et sculpteur à ses heures. C'est pourquoi depuis le 13 mai, il expose ses peintures et sculptures à la galerie «Imagine» à Carthage Dermech, et ce, jusqu'au 8 juin. En fait, il s'agit là de sa troisième exposition, les deux premières ayant eu lieu en 1997 et en 2010. Pour cette fois-ci, loin du style académique de ses premières œuvres, il s'essaye à une peinture de veine naïve qui se particularise par la spontanéité, la fraîcheur et la vivacité des couleurs. La dizaine de tableaux occupant les cimaises sont, si l'on peut dire, un hymne à la nature et à l'amour. D'où les multiples personnages de couples dans les décors naturels et urbains entre champs, plage et routes. L'on comprend donc les titres de ses tableaux : «Marsa Plage», «Bronzage familial», «Randonnée à cheval», «Boukornine», «Balade en moto», «D.S. sur la route», «Femme enceinte». Les peintures à l'huile «post-révolutionnaires» apportent une note de gaieté, d'espoir et d'optimisme grâce à une palette de couleurs à la fois gaies, chaudes et vives : rouge, jaune, vert, bleu, saumon, etc. Les personnages de femmes et d'hommes se caractérisent par la même typologie de visage aux nez hyper-longs, alors que les personnages féminins, eux, arborent un grain de beauté en pleine face (tableau de la femme dans le pré ou l'amour est dans le pré). La simplicité du dessin et les traits qui cernent les formes révèlent une tendance ludique qui rappellent la B.D. Car, on appartient au monde du cinéma, il est plus que normal que les références renvoient à l'art de la bande dessinée, ce 9e art, qui se rattache aussi bien à l'expression picturale que cinématographique. Les cadrages centrés, où trônent les personnages des différentes toiles, renvoient, eux, au 7e art et à l'univers dont est issu le peintre. Univers multiples, donc. Tel ce couple sur la plage dessiné en forme de cœur en plein centre du cadre avec en arrière-plan la mer qui se profile de manière labyrinthique, ou cette voiture de marque DS en plein milieu d'une route et dont la plaque d'immatriculation porte la date du 14 janvier 2011, comme un clin d'œil clair et évident à la révolution tunisienne. Les sculptures, elles, sont tout aussi ludiques et décalées dans la forme, tel ce dragon, créature légendaire mythologique née de l'imagination humaine. La nouvelle voie empruntée par Taoufik Behi saute aux yeux. Il s'en explique : «Je voulais explorer un style autre qu'académique, afin de marquer une certaine évolution. Je pense que j'ai trouvé ma voie en observant des scènes de la vie quotidienne loin de tout folklorisme». Il est vrai qu'en nous plongeant dans le nouvel univers pictural de l'artiste, les sensations et les émotions sont tranchées et différentes de celles qui naissent devant des œuvres de veine classique. Il semble que Taoufik Béhi a, bel et bien, trouvé sa voie et son style pictural.