Le nombre de logements est passé entre 2004 et 2009 de 2,5 à 2,887 millions, soit une augmentation de 2,91 %. Ce sont là les premiers résultats de l'enquête nationale à mi-parcours sur la population et l'habitat de 2009, publiés dans le dossier du secteur immobilier paru dans la cinquième édition du «Guide de l'immobilier en Tunisie». Le logement tunisien prolifère mais à quel prix? Serait-il vraiment accessible à toutes les bourses ou reste-t-il un calvaire et un souci majeur face auquel se trouvent confrontés la plupart des Tunisiens ? Sera-t-il plus abordable après la révolution de 14 janvier ? Au premier abord, les professionnels affirment que le prix actuel du mètre carré est «actuellement au niveau de 2010 et la tendance s'affiche pour le reste de l'année 2011 à la hausse». Une réalité à laquelle s'ajoute le fait que d'autres professionnels parlent de stocks de logements invendus qui s'élèveraient selon certaines sources à 35 000, d'un gel de terrains, d'un manque de terrains aménagés, d'une lenteur des procédures administratives… Ils dévoilent également, lors d'une table ronde tenue en mars dernier par «Invest Consulting N.A», qu'un problème d'inadéquation existe entre l'offre et la demande, et ce, depuis quelques années. «D'une part, les promoteurs se plaignent d'un stock en mal de liquidation, d'autre part, les acquéreurs qui ne cessent de dénoncer les prix exorbitants en Tunisie par rapport à leur pouvoir d'achat». Ce qui est encore plus surprenant, c'est qu'après la révolution, «la situation ne s'est pas améliorée». Faut-il laisser le temps au temps ou faut-il plutôt s'inquièter et dire que le logement continuera, malgré tous les sacrifices des Tunisiens, à être un rêve difficile à réaliser. M. Faouzi Ayadi, promoteur du Guide immobilier, confirme un manque de statistiques précises en la matière. Il avance qu'en général «le prix de l'immobilier tunisien a fortement augmenté ces dernières années». Le prix des logements économiques et sociaux serait maintenu à son niveau actuel. Le haut standing pourrait baisser légèrement si de nouveaux terrains seront mis à la disposition des promoteurs, assure M. Ayadi. Par ailleurs, Me Taoufik Chabchoub, avocat à la cour de cassation, souligne l'importance de la révolution sur le secteur immobilier tunisien. «Il n'y a plus de tabous dans notre nouvelle Tunisie. Auparavant, il a été impensable de parler de sujets comme la réforme du système fiscal, la refonte de la loi sur la promotion immobilière…». Le secteur étant soi- disant réformé à plusieurs reprises et à différentes époques pour un semblant d'équilibre entre les promoteurs et leurs clients. «Mais en vain, puisque les problèmes persistent», affirme M. Chabchoub. Selon cet avocat, il serait indispensable de «mettre en place une politique d'intervention directe sur le secteur qui vise en premier lieu à démocratiser l'accès des ménages aux logements tout en respectant leurs capacités financières». Il évoque, comme tous les professionnels la flambée des prix du logement neuf qui pousse les citoyens tunisiens à chercher une acquisition de logement de seconde main. Le représentant du ministère du Transport et de l'Equipement, M. Néjib Snoussi, affirme que la flambée des prix du logement en Tunisie comme partout dans le monde serait une résultante de l'augmentation des prix des matières premières. Il avance plusieurs chiffres qui traduisent la situation du secteur. «Aujourd'hui, nous enregistrons une hausse de 22 % du parc national du logement et de la réhabilitation de l'habitat ancien. Plus de 2.040 promoteurs immobiliers sont agréés en 2010, et 500 d'entre eux sont en activité». Les dernières statistiques confirment, par ailleurs, que le nombre de logements édifiés a atteint les 14 000 dont 62 % dans le Grand- Tunis. Le représentant du ministère ajoute que 93 % des activités des promoteurs se concentrent à Tunis, Nabeul, Sousse et Sfax. Des abus à signaler Du côté des promoteurs, M. Tarek Chaâbouni, Pdg du groupe «Le logement», estime que la relation entre lui et les clients est parfois tendue. Il pense que plusieurs facteurs interviennent dans la détermination de cette relation. Il présente quelques exemples, «la relation ou la confiance est altérée à partir du moment où certains articles de la loi ne sont pas respectés, notamment celui sacrifiant que l'avance de l'acquéreur doit être bloquée, clause qui n'a été pas toujours respectée par la profession. La loi donne aux promoteurs le droit de vendre, un bien qui n'est pas encore été réalisé». M. Chaâbouni évoque aussi la faiblesse de l'intervention de l'administration, quant au retrait ou à la suppression des agréments en cas de nécessité. «Plusieurs abus sont mentionnés et restent à signaler, à savoir le calcul des surfaces, la dénomination des labels…» Selon ce promoteur, la relation client-promoteur est tout à fait perfectible à travers un organisme de conciliation pour la résolution des litiges. Question prix, M. Chaâbouni annonce qu'aucune baisse n'est prévue. «Cela est dû à la hausse des coûts et des revendications sociales enregistrés dans le secteur». Il déclare par ailleurs qu'après la révolution les Tunisiens à l'étranger cherchent de plus en plus à acquérir des logements en Tunisie. M. Chokri Keskes, président de la chambre syndicale des agents immobiliers tunisiens, atteste que le rôle de l'agent immobilier à été au cours des dix dernières années marginalisé, sa mission se limitait à des opérations de d'entremise entre deux ou plusieurs parties pour la réalisation d'un achat, d'une vente ou d'une location des biens. Il serait un simple mandataire. M. Keskes refuse les chiffres qui sont avancés sur les logements invendus. Il a aussi démenti le «fameux taux de 80 % relatif aux Tunisiens propriétaires de logements. C'était un chiffre brandi comme propagande de réussite sociale par l'ancien régime», dénonce-t-il. Il ajoute‑: «Nous construisons 15 000 logements par an». Alors que le chiffre relatif aux ventes reste selon lui inconnu. M. Mohsen Hassen, ancien banquier et promoteur immobilier, affirme que le montant du crédit maximum s'élève à 150.000 dinars chez certaines banques commerciales et il peut atteindre les 200.000 dinars pour une épargne-logement de deux conjoints. La table ronde tenue par «Invest Consulting N.A» a recueilli des avis variés mais qui demandent tous une organisation du secteur et de tous ces intervenants pour parvenir à faire un bon achat de bien immobilier.