Décidément, 2010 commence mal. D'abord, l'attentat avorté du 25 décembre sur le vol transatlantique Amsterdam-Detroit. Puis la révélation de la forte implantation d'Al Qaïda au Yémen. S'ensuivirent les fermetures des ambassades américaine, britannique et française à Sanaâ, en raison précisément des menaces d'Al Qaïda. L'ordre du jour de la réunion de crise tenue hier à la Maison-Blanche en dit long sur l'ampleur de l'enjeu : sécurité aérienne, Yémen et Guantanamo. Et dire que le Président américain Barack Obama était parti en vacances à Hawaï pour savourer "le repos du guerrier". Aspiration légitime à l'issue d'intenses conseils de guerre visant à asseoir une nouvelle stratégie militaire et diplomatique américaine en Afghanistan. Trois interrogations interpellent les observateurs avertis : le Yémen sera-t-il le troisième front de la lutte antiterroriste et de l'engagement militaire américains après l'Afghanistan et l'Irak ? Certains spéculaient sur les GI's en Iran. Ils les imaginent déjà dans les profondeurs de l'arrière-pays yéménite. Tous les faisceaux d'indices portent à l'envisager. Depuis plusieurs mois, les visites d'officiels et officieux américains de haut rang se sont multipliées à Sanaâ. Tel a été le cas du général Petraeus, commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan, des sénateurs John McCain et Joe Lieberman ou du conseiller du Président Obama John Brennan. Lieberman a même rapporté les propos que lui a tenus un officiel américain lors de sa visite au Yémen au cours du mois d'août: "L'Irak était la guerre d'hier. L'Afghanistan est la guerre d'aujourd'hui. Si nous n'y prenons pas garde, le Yémen sera la guerre de demain". D'ailleurs, le Royaume-Uni et les Etats-Unis "ont décidé d'intensifier leur action conjointe pour contrer la menace terroriste émergente au Yémen et en Somalie, après le complot terroriste manqué de Detroit", a fait valoir dimanche un communiqué des services du Premier ministre britannique Gordon Brown. "Parmi les initiatives sur lesquelles le Premier ministre Gordon Brown s'est mis d'accord avec le Président Obama figure un financement américain et britannique pour une unité spéciale de police antiterroriste au Yémen", déclare Downing Street. Les deux responsables estiment également qu'il est nécessaire de fournir un soutien plus important aux gardes-côtes yéménites. Cela est d'autant plus urgent à leurs yeux que les redoutables miliciens islamistes somaliens d'Al Chabab se sont invités à la partie macabre. Ils se sont dits prêts, vendredi dernier, à envoyer des renforts à la branche yéménite d'Al Qaïda en cas de représailles américaines à l'attentat manqué du vol Amsterdam-Detroit. L'annonce a été faite lors d'un défilé de plusieurs centaines de combattants portant des uniformes flambants neufs dans le nord de Mogadiscio. Deuxième interrogation : les mesures de haute sécurité renforcée, décidées un peu partout en Europe occidentale et en Amérique du Nord à l'issue de l'attentat manqué, ne risquent-elles pas de déborder sur la généralisation du "profiling" et par-delà du délit de facièsou délit de sale gueule ? Il n'est en effet un secret pour personne que de nombreux responsables de la sécurité aéroportuaire britanniques notamment réclament le recours au "profiling" des passagers en vue de dénicher d'éventuels terroristes. Le Guardian estime pour sa part qu'"il est à craindre que les voyageurs seront sélectionnés pour des contrôles approfondis en fonction de leur race, de leur religion ou de leur origine ethnique". Dans 99% des cas, l'origine en question serait musulmane, africaine, asiatique ou moyen-orientale. L'atmosphère viciée et empoisonnée de suspicion généralisée qui en résulterait pourrait déboucher sur d'irréparables amalgames et dérapages, voire de tragiques passages à l'acte. Tel fut le cas au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre à New York et Washington. Troisième interrogation : l'Académie Nobel ne s'est-elle pas empressée de décerner le prix Nobel de la paix à Barack Obama ? En effet, au gré des jours, il se retrouve bien dans sa peau de commander in chief entérinant des décisions guerrières. Alors même qu'il n'a encore rien fait pour la paix.