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Un esprit rationnel conforme au bon sens
Vient de paraître : Bourguiba et l'Islam, le politique et le religieux de Lotfi Hajji
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 06 - 2011

Partisan convaincu de la doctrine bourguibienne à l'origine d'une véritable révolution qui a profondément marqué l'histoire de la Tunisie post-indépendante, Lotfi Hajji s'est employé de son mieux à décrypter, avec le recul qu'il faut, le caractère exceptionnel de ces réformes révolutionnaires dont l'enjeu était de placer son pays au cœur du changement social et de la modernité. A la différence d'Atatürk qui a recouru à la répression pour imposer ses réformes, Bourguiba, lui, a recherché le dialogue et la persuasion, même avec les plus acharnés de ses détracteurs qui l'ont accusé d'apostasie. Terrible sentence, synonyme d'appel au meurtre.
Le pragmatisme de la vision de Bourguiba sur plus d'un sujet dont le plus délicat concernait la place de la religion dans une société moderne désirant se libérer du joug oppresseur d'un ensemble de vérités de foi étrangères à la révélation écrite, donc au Coran. Cette recherche de la modernité l'a conduit, au lendemain de l'Indépendance, à engager le combat contre une autre vision de l'Islam, dans un terrain truffé de mines sur lequel régnait une majorité ou presque d'ulémas réfractaires à tout changement et hostiles au projet de société voulu par Bourguiba, érigé sur les décombres d'une croyance viciée et altérée par des scories accumulées au fil des siècles qui ont fini par défigurer l'Islam.
Faisant cavalier seul, il eut un sacré courage en livrant des batailles hasardeuses qu'aucun chef d'Etat arabe de son époque n'avait jamais osé entreprendre ou même envisager. C'est ainsi qu'il s'attaque avec un égal courage, que le monde entier lui reconnaissait, aux insuffisances de la société. Il interdit la polygamie, libère la femme et récupère ainsi l'énorme capital d'énergie et de compétences féminines, régule les naissances avec le planning familial, reverse dans le circuit de l'économie moderne l'immense patrimoine constitué par les biens habous, unifie et adapte le système judiciaire aux normes de la modernité, supprime les tribunaux charaîques, etc. Bref, il jette les fondements et la base de la Tunisie moderne.
Dans un premier volet, Lotfi Hajji a minutieusement analysé la relation trouble de Bourguiba avec l'Islam qui demeure encore aujourd'hui un sujet de polémique dans le monde arabo-musulman, toujours soumis à des influences négatives et des pressions coercitives exercées par les partis de la nouvelle tendance islamiste. En effet, ces Etats réfléchissent encore sur le moyen de contrecarrer les desseins de ces femmes émancipées et de réduire ainsi leurs ambitions qu'ils jugent démesurées.
Aujourd'hui encore, le point essentiel du conflit qui agite la société et qui risque de dégénérer en drame est de savoir si l'Islam, face aux nouveaux défis de la société moderne auxquels il est confronté, est encore capable de promouvoir les libertés fondamentales et individuelles. Dans les années 1970, les positions religieuses de Bourguiba et celles du Mouvement de la tendance islamique étaient diamétralement opposées, puisque leur formation intellectuelle et culturelle était opposée. Contrairement au Saoudien cheikh Abdelaziz El Baz, grand mufti d'Arabie Saoudite, et à l'Egyptien Youssef El Qardhaoui, les chefs de file du mouvement islamique tunisien n'osèrent pas accuser Bourguiba d'apostat, mais ils s'opposèrent à toutes les décisions à caractère religieux qu'il prenait. A l'instar du respect du jeûne de Ramadan, du calcul astronomique dans la détermination des mois lunaires, du statut de la femme, de la nature théocratique de l'Etat et des relations que la Tunisie entretenait avec l'Occident. Cependant, il semble peu probable que les intégristes qui rêvaient d'un Etat d'essence religieuse et passéiste admettent ou comprennent le projet de Bourguiba dont le principe de base reposerait sur un Etat rationnel. Il suffit de relire les justifications et les commentaires formulés par Bourguiba à propos de ces lois pour comprendre qu'il n'éprouvait aucune animosité à l'égard de l'Islam qu'il commentait et interprétait pour l'adapter à la réalité actuelle.
Parce qu'ils étaient influencés par des attitudes jugées exagérément provocatrices de Bourguiba, notamment lorsqu'il décréta l'abolition de la polygamie, ou qu'il incita les Tunisiens à s'abstenir de jeûner au début des années 1960, certains prétendirent qu'il avait abjuré l'Islam. Or, une lecture attentive de ses discours révèle combien cette opinion est abusive, excessive et prête au rire. Jamais et au grand jamais, Bourguiba ne renia sa religion. Il proclama plutôt une vision différente de celle des dirigeants arabes ou musulmans, sauf qu'elle était déjà exploitée par les réformateurs qui l'avaient précédé, en l'occurrence Khéreddine Pacha qui put découvrir les avancées remarquables de l'Occident chrétien par le biais de la politique, reprochant au passage dans son ouvrage intitulé Aqwam al massalek fi maârifat ahouel al mamalek (le plus sûr chemin pour connaître la situation des royaumes) le rôle néfaste des théologiens de la Zitouna, ombrageux et opiniâtres, réfractaires au progrès et aux moyens susceptibles d'améliorer et de développer les facteurs d'un enseignement moderne tourné vers l'avenir.
Dans cette perspective, Bourguiba s'est énormément inspiré de l'exemple de certains noms qui hissèrent très haut l'étendard des revendications réformatrices tels Salem Bouhageb, Mohamed Beyram V, Tahar Haddad qui incarna parfaitement cette vision réformatrice, Ali Bach Hamba qui fonda en 1907 le journal Le Tunisien, Ali Bouchoucha, Béchir Sfar et Mohamed Lasram qui, depuis le 22 décembre 1896 et à travers l'association La Khaldounia dont il était le premier président, aspirait à diffuser des idées réformistes et à développer les sciences modernes, et enfin le Cheikh Al Islam malekite Mohamed Tahar Ben Achour qui mena des batailles acharnées contre l'intégrisme religieux afin que les réformes puissent se frayer un chemin vers la Grande Mosquée, La Zitouna.
En somme, Bourguiba partageait les idées de ses contemporains et celles des réformateurs qui exercèrent une influence certaine sur la civilisation musulmane, par leurs idées novatrices. Jamais Bourguiba n'appela à rompre ni à s'affranchir de la religion, il exhorta plutôt les musulmans à relire le Coran pour reconsidérer leurs convictions, étant donné que chaque interprétation était tributaire des conjonctures et dépendait de la personnalité de l'exégète. Il leur recommanda par ailleurs de ne pas déserter les voies de l'effort, l'Ijtihad, parce que cette désertion pourrait constituer un danger pour la religion elle-même, car l'analyse et la révision des principes religieux n'étaient seulement possibles que si l'accès à l'Ijtihad était libre de toute restriction ou entrave. Il fut, en outre, attentif à la légitimité religieuse et s'appuya sur une relecture du patrimoine interprétatif du texte religieux, puisque l'exégèse est, en fin de compte, un effort humain. Cet examen lui permit de redéfinir le rôle de l'Islam au sein du paysage social et politique du jeune Etat.
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Bourguiba et l'Islam, de Lotfi Hajji.
Traduit par Sihem Bouzgarrou Ben Ghachem, Sud Editions. Mai 2011.


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