L'Institut national de la statistique (INS) vient de récuser les accusations qui lui ont été adressées, concernant la falsification des statistiques officielles, suite à la publication par le ministère des Affaires sociales d'un taux de pauvreté en Tunisie de 24,7%. L'INS avait publié dans son dernier recensement, réalisé en 2004, un taux de pauvreté de 3,8 %, ce qui ne correspond pas à la situation précaire vécue par des milliers de familles tunisiennes. Cette réalité a été à l'origine du déclenchement de la révolution du 14 janvier, au cours de laquelle les Tunisiens ont revendiqué plus de dignité et de liberté. Hafedh Zaâfrane, expert international en économie, a indiqué à l'agence TAP que les différents qui se posent entre le ministère des Affaires sociales et l'INS, concernant la fixation du taux de pauvreté, n'ont pas lieu d'être, étant donné qu'il existe plusieurs définitions de la pauvreté. M.Zaâfrane qui est consultant auprès de la Banque mondiale et d'organisations internationales, a expliqué que le concept adopté par l'INS est celui de la pauvreté financière. Le seuil de pauvreté est fixé selon une technique qui se base sur des enquêtes sur les dépenses des ménages. La méthodologie en vigueur lui apparaît plutôt "raisonnable" pour établir un seuil de pauvreté. L'INS l'a adoptée depuis 1980 et a fixé en 2004 le seuil de pauvreté à un revenu de 400 dinars par an par personne, soit près d'1 dinar par jour. Vu la complexité de la question de la pauvreté, l'expert a convenu que des méthodologies différentes sont suivies dans d'autres pays. Le ministère des Affaires sociales a toutes les prérogatives, a-t-il relevé, pour réaliser des statistiques dans les domaines sociaux dont il a la charge. Le département s'est, ainsi, basé sur les listes des familles nécessiteuses ( 185 mille familles après la révolution du 14 janvier), ainsi que sur le nombre de personnes détentrices de cartes de soins gratuites et à tarification réduite, dont le revenu est inférieur au Smig. Le décompte a, aussi, pris en compte les bénéficiaires de pensions inférieures au Smig, versées par les caisses de sécurité sociale. L'expert international a estimé que la polémique autour du taux de pauvreté est un phénomène démocratique, étant donné que les régimes démocratiques se caractérisent par une diversification des concepts et des approches. Concernant les publications de l'INS, l'expert a souligné : " Il n'y a aucun doute sur l'honnêteté de ses agents, mais j'ai cependant une grande réserve quant à la crédibilité de cette institution qui n'est pas indépendante ". Pour garantir la fiabilité des statistiques en Tunisie, il a mis l'accent, dans ce contexte, sur l'impératif de l'indépendance des statistiques en Tunisie, non seulement au niveau technique et scientifique mais aussi au niveau réglementaire et juridique. Il a proposé de suivre l'évolution du taux de pauvreté tous les deux ans au lieu de cinq ans, tout en veillant à élargir l'échantillon pour inclure toutes les délégations et pas seulement les districts, ce qui contribuera à déterminer les indicateurs de la pauvreté en Tunisie avec plus de précision.