La polémique enfle autour du projet de décret-loi portant organisation de la profession d'avocat, adopté lors du dernier conseil des ministres. Magistrats, notaires et experts-comptables se disent "lésés" par cette nouvelle loi qui a été approuvée " loin d'une vision globale pour la réforme et la promotion du système judiciaire", comme l'a proclamé hier le syndicat national des magistrats. Ils en appellent au Président intérimaire pour ne pas promulguer le texte. Les explications fournies, mardi, par le conseil de l'Ordre des avocats ne semblent pas avoir atténué les critiques des autres corporations dont certaines, les magistrats et les notaires, sont déjà en grève. Le conseil de l'Ordre des experts comptables, quoi que moins virulent, "s'oppose à la nouvelle loi par principe et s'élève plutôt contre la manière dont le texte a été élaboré et adopté", déclare son président Mohamed Néji Hergli qui explique " qu'un gouvernement provisoire n'est pas habilité à légiférer dans des domaines de nature à impliquer le devenir du pays ou celui d'une profession aussi sensible et importante que l'avocature". Cette levée de boucliers autour du projet de décret " pourrait même creuser un fossé entre des professions qui sont condamnées à collaborer ensemble et altérer la démarche consensuelle qui prévaut actuellement ", ajoute-t-il, " d'autant plus que le projet n'a pas été soumis à une large consultation auprès des corps concernés qui ont été, en quelque sorte, mises devant le fait accompli ". "Aujourd'hui, toutes les institutions qui, d'habitude, donnent leurs avis sur les projets de loi comme le Conseil constitutionnel, le Conseil économique et social, le Conseil de la concurrence, le Conseil des services, sont dissoutes" souligne le président du conseil de l'Ordre des experts. " Ce projet aurait dû, également être soumis à la consultation des prestataires de services comme l'Utica, par exemple. C'est pourquoi nous demandons à ce que la promulgation du décret-loi soit différée après les élections, le temps que soit mis en place un gouvernement légitime et que le projet soit discuté par toutes les parties concernées", estime M.Hergli. Concernant l'information ayant circulé hier quant à l'approbation du Conseil de l'Ordre des experts comptables de la teneur du projet de décret qui " n'empiète pas sur les compétences de l'expert-comptable ni sur son champ d'intervention ", le président du conseil de l'Ordre précise qu'il s'agit " d'une fausse interprétation d'un courrier électronique interne adressé aux membres de la corporation et ne portant pas la signature de son président, mais qui ne reflète pas la position officielle du Conseil ". D'ailleurs, le Conseil a tenu, hier, une réunion exceptionnelle pour arrêter sa position concernant le projet de décret portant organisation de la profession d'avocat. Dans un communiqué rendu public, les experts-comptables tiennent à préciser, notamment, que " face aux réactions suscitées par le projet de loi et loin de tout intérêt, ils en appellent aux décideurs de surseoir à la publication de ce texte jusqu'à la mise en place d'institutions légitimes élues qui constituent l'espace le plus indiqué et le plus habilité à discuter et à trancher ce genre de questions".