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Souvenirs mémorables d'une période exaltante!**
Spécial anniversaire - L'Armée nationale a 55 ans : Missions accomplies 5 sur 5
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 07 - 2011


Par le colonel Boubaker Ben Kraiem*
24 juin 1956 : la Tunisie est indépendante depuis trois mois. Ce jour-là, plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens s'étaient massés de part et d'autre de l'avenue Gambetta (aujourd'hui Mohamed-V) pour assister au premier défilé du noyau de la jeune Armée nationale tunisienne composée d'un contingent transféré de l'Armée française comprenant près de mille cinq cents militaires dont une quinzaine d'officiers et d'un petit élément provenant de la Garde beylicale avec deux cents militaires. Je me suis faufilé à travers la foule, utilisant un peu mes coudes, pour trouver une bonne place. Quelle joie, quelle fierté et quels merveilleux souvenirs garderai-je, ma vie durant, de ce magnifique spectacle : et pourtant, il n'y avait ni chars, ni lance-missiles, ni avions supersoniques, mais surtout des soldats tunisiens en chair et en os devancés par un drapeau, le drapeau tunisien. Ce jour-là, et bien que cinquante-cinq années se soient déroulées depuis, c'est comme hier et cette image que je revois toujours est tout un symbole : c'est ce drapeau représentant tout un peuple qui défilait devant nous et qui nous donnait tant de fierté, tant d'orgueil et tant de satisfaction. Trois mois plus tard, j'ai été admis, suite à un concours organisé à cet effet, à faire partie de la première promotion d'élèves officiers qui partait en France pour être formée par la prestigieuse Ecole spéciale militaire interarmes de St-Cyr (Esmia).
A l'occasion de cet anniversaire, que peut-on dire d'inédit à nos concitoyens?
Il y a lieu, tout d'abord, de signaler avec grande fierté que l'Armée tunisienne est l'une des rares armées au monde à avoir été créée, organisée et formée par ses propres fils, les cadres tunisiens qui ont été transférés de l'Armée française. Ce sont cette douzaine d'officiers dont le grade le plus élevé était celui de commandant qui, bien que n'ayant pas tous fait les grandes écoles du fait de leur origine autochtone, ont eu le grand mérite, sans aucune assistance étrangère, de concevoir et de mettre sur pied toutes les structures et les composantes d'une armée. La tâche n'était pas aisée et nous, les jeunes officiers, nous ne nous sommes rendu compte de la complexité de cette entreprise que beaucoup plus tard, lorsque nous avons assumé, vers les années 1970, les responsabilités du commandement.
Mais pourquoi l'Armée tunisienne n'a-t-elle pas choisi la solution de la facilité lors de sa création, qui est celle d'utiliser des experts étrangers et essentiellement ceux provenant de l'ex-puissance colonisatrice, comme ce fut le cas pour la plupart des pays nouvellement indépendants?
Plusieurs raisons ne nous permettaient pas d'utiliser cette pratique :
— d'abord, parce que la Tunisie s'est engagée, dès le premier mois de son indépendance en mars 1956, à héberger, aider et soutenir les moujahidines de l'ALN (Armée de libération algérienne), qui, depuis le 1er novembre 1954, combattaient l'armée française pour recouvrer la liberté,
— ensuite, l'opinion publique tunisienne n'aurait pas accepté que des cadres français qui, hier, pourchassaient les nationalistes tunisiens dans les djebels, aient servi dans notre armée comme conseillers militaires auprès du commandement tunisien,
— enfin, l'impression d'indépendance de la Tunisie aurait eu un goût amer.
Appelée à défendre la souveraineté nationale et l'intégrité de notre pays et devant le flux de plus en plus important de réfugiés algériens dans notre pays d'une part, et suite aux incursions, dans notre territoire, des troupes françaises stationnées en Algérie d'autre part, l'Armée tunisienne était appelée à se développer très rapidement. En effet, il était devenu impératif de transformer ce régiment interarmes, symbolique au départ, en unités opérationnelles devant être implantées le long de la frontière, partant de la mer Méditerranée au nord et allant jusqu'à Fort Saint (Borj El Khadra) au Sud, un front de près de neuf cents kilomètres. C'est ainsi qu'en un an seulement, plusieurs bataillons ont été formés et soixante postes frontaliers créés: le 1er bataillon à Gabès et couvrant aussi le gouvernorat de Gafsa (avec le territoire des gouvernorats actuels de Gabès, Kébili, Gafsa et Tozeur), le 2e bataillon à Aïn Draham et couvrant les gouvernorats de Souk Larbaâ (Jendouba) et Le Kef, et le 3e bataillon à Kasserine. Les postes frontaliers étaient implantés parfois à quelques dizaines de mètres seulement de la frontière tuniso-algérienne, compte tenu de plusieurs facteurs: la configuration du terrain (possibilité d'infiltrations, d'embuscades, de coups de main), la présence de troupes françaises de l'autre côté de la frontière, l'implantation de troupes ALN dans le secteur, et l'importance de la présence de la population tunisienne et des réfugiés algériens dans la région. Ces postes frontaliers étaient diversement installés: les plus chanceux, et ils étaient très peu nombreux, ont utilisé les fermes de colons dont les terres ont été aussitôt nationalisées, suite à l'insécurité occasionnée par le déroulement de la guerre d'Algérie; d'autres ont utilisé des constructions de campagne abandonnées qu'ils ont réparées et passées à la chaux, mais la plus grande majorité ont utilisé des guitounes en attendant de construire par leurs propres moyens des postes de fortune, en utilisant les matériaux existant sur place.
Lorsque le terrain était défavorable et pour éviter d'être une cible facile, nos soldats ont creusé des abris qu'ils ont occupés des années durant comme le furent les postes de Oued El Malah au sud de Sakiet Sidi Youssef et celui de Tamsmida (gouvernorat de Kasserine).
Il y a lieu de signaler que le monde occidental, par solidarité avec la France, et durant les premières années de la guerre d'Algérie, n'a pas voulu nous fournir les armes et les équipements nécessaires à la constitution d'une armée moderne, même modeste. Il va sans dire que les moyens des postes frontaliers étaient donc très limités : aucun moyen de transport, un armement léger très rudimentaire et des moyens de communications peu élaborés.
Les postes ne disposaient pas de moyens de confort et tous les militaires, officiers compris, étaient logés à la même enseigne.
Comment ne pas se souvenir du fameux contingent de la classe 1958/1 qui, appelé pour une année de service militaire, en effectua trois sans rechigner, sans protester et sans aucune manifestation d'indiscipline? Quelle leçon de patriotisme et de nationalisme ont donné ces soldats de ce contingent à tout le pays en continuant à servir avec la même foi, la même rigueur et le même moral de fer tout en continuant à percevoir le même salaire, celui de soldat appelé. Ayant presque le même âge que leur jeune chef, ce sous-lieutenant rentré depuis peu de St Cyr, leur complicité avec lui était totale.
La majorité des militaires composant les postes frontaliers étaient des jeunes recrues de dix-neuf à vingt -deux ans d'âge : leur volonté, leur sérieux, leur disponibilité, leur fierté de porter l'uniforme tunisien, leur enthousiasme compensaient largement les moyens matériels qui nous faisaient défaut. Comment ne pas se souvenir de ces jeunes soldats qui faisaient quotidiennement des patrouilles de huit à dix kilomètres à pied sur les pistes longeant la frontière, en vue de déceler la présence de mines déposées par les harkis de l'armée française et c'est ainsi que nous avons pu sauver des centaines de vies humaines tant tunisiennes qu'algériennes?
Nous, les jeunes officiers, venant d'arriver de St Cyr, et ayant à peu près le même âge que nos soldats, nous avons appris notre métier en leur compagnie : nous avons utilisé les mêmes tranchées pour nous protéger des tirs de l'armée française, nous avons partagé les mêmes repas, nous avons jeûné de la même façon lorsque le camion de ravitaillement tombait en panne en cours de route, et ensemble nous avons passé tant de nuits blanches en embuscade à quelques mètres de la frontière. Ensemble, nous avons supporté les rigueurs du froid, de la canicule et des vents de sable. Toutes ces misères nous ont tellement rapprochés, les uns des autres chefs et troupes. C'est toute cette symbiose qui nous a permis, malgré l'absence du minimum de moyens, de garder le moral et d'être à la hauteur de la tâche qui nous incombait, celle de maintenir nos frontières inviolées ! C'est aussi cette immense et exceptionnelle expérience qui nous permit de devenir très rapidement... des chefs !
Comment puis-je oublier le poste que j'ai implanté le jour de l'Aïd El Kebir en 1959 à Bir Hamida (région de Kalâat Snan) face au poste français d'El Merdj et qui a été attaqué le surlendemain par les harkis de l'armée française, et comment ne pas me souvenir de la riposte fulgurante de nos hommes obligeant les assaillants à effectuer un repli immédiat, laissant deux morts sur le terrain?
Pour faire face à cette situation qui évoluait jour après jour, le commandement tunisien a fait appel, en plus de l'incorporation des jeunes recrues, aux militaires réservistes qui ont servi dans l'armée française et qui avaient une grande expérience, la majorité d'entre eux ayant participé à la guerre d'Indochine. C'est ainsi que l'effectif de l'Armée qui n'atteignait pas les deux mille hommes en octobre 1956, a été porté à dix mille hommes l'année suivante et à près de trente mille hommes quatre ans plus tard.
En même temps que les unités de l'Armée tunisienne se développaient et se renforçaient, celles de l'Armée de libération nationale algérienne qui disposaient de nombreux camps dans les gouvernorats de Souk Larbaâ (Jendouba), du Kef et de Kasserine, amélioraient leurs effectifs, leur organisation, leur armement et leur formation.
Ces souvenirs couvrent une très courte période de notre riche histoire militaire : 1956-59. C'est pourquoi nous nous remémorons cette période exceptionnelle avec beaucoup d'émotion et de fierté.
En faisant le parallèle entre les premières années de l'Indépendance et ce que notre pays a vécu lors de la Révolution du peuple et de sa jeunesse, celle du 14 janvier 2011, mes camarades de promotion et moi-même avons retrouvé les mêmes sensations que nous avions vécues à ce moment-là. Mais l'expérience et l'âge nous ont tout de suite ramenés à la réalité des faits et nous nous sommes rapidement rendu compte et de la complexité de la période transitoire et de la difficulté de l'édification de la deuxième République. Heureusement que notre Armée nationale et républicaine, qui est demeurée, comme elle l'a toujours été, égale à elle-même, dévouée à la nation et fidèle au régime républicain continue, malgré les nombreuses autres missions qui se sont agglutinées à son parcours, à remplir ses nobles tâches avec la même sérénité, humilité et discrétion.
Nous souhaitons du fond du cœur que nos politiques ne nous déçoivent pas et que la lutte pour le pouvoir, pour légitime qu'elle soit, ne l'emporte sur les promesses qu'ils nous lancent à longueur de journée par voie de presse, de radio et de télévision. Ce que nous attendons d'eux, c'est de mettre en priorité de leur programme et de leur ambition l'intérêt suprême de la Nation et tout le reste suivra.
Tous les Tunisiens déclarent aimer leur pays et veulent le voir atteindre le niveau des pays développés dans tous les domaines, mais combien de nos concitoyens sont disposés au moindre sacrifice pour la Tunisie ?
Nous faisons le constat malheureux que nous avons raté l'éducation de notre jeunesse : que ce soit dans la famille, au jardin d'enfants, à l'école, au collège, au lycée et même à la faculté, tout est à reprendre car la formation civique et morale n'intéresse malheureusement plus grand monde et elle passe au second plan. Je pense que l'une des tâches les plus urgentess qui attend le prochain gouvernement est la réforme du système éducatif car la société tunisienne actuelle, comparée à celle que nous avons vécue, a perdu beaucoup de ses valeurs morales, ces valeurs que nous ont inculquées nos parents et nos maîtres.
Bien que vivant une ère où le matériel prime sur le moral, nous devons veiller à maintenir un certain équilibre salvateur car il y va de l'avenir de notre société.
Messieurs les hommes politiques, gardez-vous du jugement de l'Histoire qui est sans appel !
Cinquante-cinq années ont passé depuis la création de l'Armée nationale et tout a évolué : l'organisation, l'armement, les équipements, l'implantation, la formation etc. mais deux constantes demeurent et elles font la force de la Grande Muette : les grandes qualités morales, physiques et techniques de nos hommes et la compétence, l'amour de la patrie, le don de soi et l'humilité de nos officiers.
B.B.K.
*(Ancien sous-chef d'état-major de l'armée de terre)
**(Extraits du livre à paraître La Promotion Bourguiba, naissance d'une armée)


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