Dans sa première activité, depuis qu'il a été nommé président scientifique de Beït El Hikma, Mohamed Talbi a donné, récemment, une conférence qui porte pour titre «Beït El Hikma et le processus démocratique». C'était une occasion pour cet éminent penseur de parler de la restructuration de notre «Académie», de ses nouvelles options et de son apport dans l'ancrage des valeurs démocratiques dans les domaines des sciences, des lettres et des arts, pour qu'elle soit vraiment digne de son attribut de «maison de la sagesse» (Beït el Hikma). Mohamed Talbi a commencé sa conférence en précisant qu'il est membre du Conseil national des libertés, que sa présence et sa nomination à la tête de l'Académie des sciences, des arts et des lettres sera pour une durée limitée, le temps de mettre en place certains mécanismes et surtout d'agir pour changer les mentalités… celles qui ont dominé ces dernières décennies. «Je ne suis pas là parmi vous pour évaluer ou critiquer, encore moins pour donner mon avis sur une quelconque production littéraire. Je suis ici pour une période de six mois pour rétablir et remettre sur les rails une institution qui s'est effritée sous le poids de la politique de l'ancien régime. Cela dit, je ne pourrai pas m'empêcher de m'exprimer sur la mentalité qui régnait avant le révolution». Virulent et sans concession était Talbi en parlant de ses prédécesseurs traitant leur passage à la tête de Beit Al Hikma de stérile. Il ne s'est pas retenu pour critiquer sévèrement ses prédécesseurs, Abdelwahab Bouhdiba et Mohamed Mahjoub qui, d'après lui, ont failli à leur devoir d'intellectuels, en se laissant manipuler par le politique et en contribuant à la domestication de l'Académie, délaissant ainsi leur première vocation : «la diffusion du savoir». Talbi se pose la question‑: de quel savoir parle-t-on‑? Est-ce le nombre d'ouvrages que l'Académie édite et commande chaque année, ou bien est-ce la culture des séminaires à n'en plus finir qui ne répondait à aucune des demandes et des attentes du peuple et des intellectuels ? Ce penseur précise qu'il ne voudrait pas être la seule tête pensante de l'Académie et ne veut pas d'une relation verticale avec ses collègues académiciens, précisant qu'il est temps pour que le peuple pense de lui-même, qu'il réfléchisse sur la culture et le savoir dont il a besoin. «C'est au peuple de produire sa propre culture et sa propre pensée», a-t-il notamment déclaré. Talbi semble avoir plein d'idées pour développer l'Académie, en évitant de reproduire les erreurs des autres. Il a ainsi invité tous les intellectuels et penseurs à présenter leur candidature pour faire partie du conseil de cette haute instance du savoir. Il précise que seul, il ne peut rien faire et qu'il fait appel à toutes les compétences, longtemps exclues de ces sphères élitistes, pour qu'il n'y ait plus dorénavant de tutelle sur l'Académie des arts, des sciences et des lettres (Beit El Hikma). Prônant la vigilance, Talbi a affirmé à la fin de la conférence, que «la maison de la sagesse» devra, à partir de maintenant, jouer son véritable rôle qui n'est autre que d'être la conscience du pays et l'incarnation des valeurs du savoir, de la démocratie et de la liberté de la pensée.