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YAM pour « Y en a marre ! »
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Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 07 - 2011


Par Mohamed Sadok LEJRI*
YAM est le nom d'un groupuscle qui apparaît dans un film comique français qui a pour titre «La vengeance d'une blonde». Les leaders de cette organisation groupusculaire finissaient toujours leurs discours en criant : « Y en a marre ! ». Cette expression familière a donc donné l'acronyme YAM.
En raison de ce qui s'est passé ces derniers jours, voire ces derniers mois, la formule susmentionnée pourrait entrer en scène et traduire l'indignation des personnes qui souhaitent vivre libres en Tunisie. Ces temps-ci, à vrai dire, cette expression triviale est devenue en quelque sorte mon leitmotiv.
Cet article ne sera qu'un coup de gueule de plus. Malheureusement, il ne va pas changer profondément le caractère insensé de certaines personnes dont l'esprit divague, depuis quelque temps, dans les méandres de l'obscurantisme. Toujours est-il que je tiens à associer ma voix à celle des Tunisiens et Tunisiennes qui luttent contre le fanatisme et la bêtise sous toutes leurs formes. Ce combat se fait parfois avec l'énergie du désespoir. Car, quand on appartient à un groupe de personnes très minoritaire (composé d'artistes et d'intellectuels, en l'occurrence) qui n'hésite pas à manifester son indépendance par rapport aux dogmes religieux et aux usages établis, la perte d'énergie physique et morale pourrait devenir imminente. D'ailleurs, l'usage de la violence a pour but de mettre les partisans du progressisme et du modernisme dans un état d'abattement.
Les jours passent et la liste des agressé(e)s et des menacé(e)s de mort s'allonge. Ces artistes et intellectuels qui cherchent à se débarr0asser du dogmatisme, de l'ignorance et de toute aliénation culturelle et cultuelle sont régulièrement victimes des fanatiques qui essayent de semer la terreur dans les esprits «déviants».
Olfa Youssef, Sawssen Maâlej, Rim El Benna, Nouri Bouzid, Rim Saïdi, Nadia El Fani et tout récemment Mohamed Talbi sont des personnes notoires qui ont été menacées de mort, et ce, dans l'indifférence des Tunisiens. D'aucuns me répliqueront que ces personnalités n'avaient qu'à ne pas franchir la ligne jaune. En d'autres termes, elles n'avaient qu'à «s'aplatir» devant le traditionalisme le plus étouffant, la morale qui a pour ambition de régir le quotidien de tout un chacun dans ses détails les plus intimes, et faire preuve de conformisme intellectuel en mettant en veilleuse son esprit critique.
En ces temps désastreux sur le plan intellectuel (merci Ben Ali pour ton enseignement de base !), tous ceux et a fortiori toutes celles qui «osent» s'opposer aux règles établies et à l'esprit obscurantiste (celui-ci se nourrit, en l'occurrence, de la haine qu'il éprouve à l'égard de la raison et du progrès) sont intimidés par la violence verbale et la force physique. Pour annihiler toute velléité d'anticonformisme intellectuel, bigots et idiots n'hésitent pas à s'attaquer aux brillantes personnalités qui ont la capacité d'amener plusieurs personnes à penser autrement et à réfléchir d'une manière qui rompe avec la médiocrité ambiante, la pudibonderie envahissante et la bondieuserie pitoyable.
Nouri Bouzid, l'un de nos meilleurs cinéastes, a fait les frais de son courage politique et intellectuel en osant désigner sans fioritures le mal qui ronge le monde arabo-musulman depuis des siècles. Soit cette momification intellectuelle due à l'enfermement dans un Islam rétréci, qui tourne le plus souvent à l'autocélébration, qui refuse et s'oppose avec véhémence à l'évolution des structures politiques, sociales et culturelles; et qui, par conséquent, condamne des millions et des millions de personnes à végéter au bord de l'abîme et à être considérées par les non-musulmans comme étant des parasites qui ont pour objectif principal de s'insurger contre tout ce qui tend à libérer l'intelligence et à répandre le bien-être et le progrès.
Olfa youssef : celle-ci participe depuis des années à l'édification d'un mode de pensée moderne qui permettrait aux Tunisiens et aux Tunisiennes d'accéder à un certain bonheur spirituel, tout en les incitant à sortir de leur torpeur intellectuelle et à se débarrasser des structures mentales archaïques qui encouragent l'intolérance et le dogmatisme. La parution de son livre «Hayrat mouslima» a suscité vifs reproches et menaces.
Sawssen Maâlej, suite à des propos grivois dont les Tunisiens décoincés et qui ont le sens de l'humour raffolent, a été (si j'ai bien compris) écartée de la télévision depuis, et ce, pour ne plus heurter la susceptibilité des prudes.
Rim El Benna, actrice en herbe, a été elle aussi menacée de mort pour avoir «osé» se déshabiller devant la caméra. Bien que celle-ci ait un corps de déesse, les bigots se sont montrés insensibles à la beauté tunisienne et à ce qui est conforme à l'idéal esthétique. Il faut dire que le cinéma doit-être, pour eux, un «cinéma propre». Pour eux, la morale doit imposer sa présence à l'art, quitte à ce que cela se fasse de façon importune. Allez leur faire comprendre que l'art est l'antithèse de la morale, que l'art n'est point immoral mais amoral. Allez expliquer ceci à de sinistres barbus. Autant parler à un mur ! D'ailleurs, il y a des chances pour qu'il soit plus réceptif.
Rim Saïdi a pâti du courage et de la sincérité dont elle a fait preuve. Celle-ci n'a fait que rappeler les origines berbères de la Tunisie, outre ses origines phéniciennes, arabo-musulmanes... Pour ce qui est de R. Saïdi, je trouve qu'on pourrait qualifier les attaques perpétrées contre elle d'abominables. En effet, voilà une des rares journalistes de télévision sympathique, intelligente, dotée d'une forte personnalité et cultivée, que d'aucuns souhaitent qu'elle adopte le discours conventionnel et simpliste (loughatouna el âarabia wa dinouna el islam etc. ou plutôt un point, c'est tout!) Les attaques perpétrées à l'encontre de cette journaliste m'ont profondément affligé. Puisque nous avons en commun deux passions, en l'occurrence la langue française et le cinéma d'auteur.
Le cas de Nadia El Fani est des plus éloquents. Il prouve que les intégristes n'ont guère de limites et, de surcroît, sont limités. Nadia El Fani n'a jamais insulté l'Islam. Elle voulait montrer qu'on peut être Tunisien (ou Tunisienne) et, concomitamment à cela, ne pas avoir de religion. Des Tunisiens athées ou agnostiques, ça existe ! N'en déplaise à Kamis et Karîiya. Et, jusqu'à présent, les non-croyants se sont contentés de gesticulations pour dissimuler leur conception concernant l'existence de Dieu, et ce, en affectant leurs sentiments et leurs pensées véritables. Ces derniers sont considérés par une large partie de la population tunisienne comme des «pestiférés» susceptibles de «pervertir» leurs concitoyens. Le plus drôle c'est que ces non-croyants sont le plus souvent d'éminents intellectuels qui, par leur sagacité, ont constamment nourri l'esprit de leurs concitoyens et contribué à la diffusion du progrès en Tunisie. Cela a en grande partie évité au Tunisien de se recroqueviller sur lui-même et de s'adapter (ou, plus ou moins devrais-je dire, vu ce qui se passe actuellement) aux impératifs de notre époque.
Le cas de Nadia El Fani est des plus révélateurs. En effet, je rappelle que, pour empêcher la projection du film de Nadia El Fani, des salafistes ont pris d'assaut la salle de cinéma et ont agressé les personnes présentes. Les Tunisiens (echaâb en général) se sont contentés d'une réponse extrêmement ambiguë : celle-ci consiste à avancer, dans un premier temps, l'idée que la violence est blâmable. Ensuite on met l'accent sur le fait que le film est provocateur, qu'il heurte les convenances et la suceptibilité de nos chers compatriotes. D'ailleurs, c'est devenu à la mode ces jours-ci, pour justifier l'usage de la violence, les islamistes invoquent le prétexte de la provocation. Bien évidemment, les contours de cette notion sont définis par ces derniers.
Ainsi, on se rend compte que le sens qui se dégage des propos du citoyen lambda nous amène à comprendre que les personnes présentes ce jour-là au «cinéma AfricaArt» l'ont bien cherché. Et que Nadia El Fani, en tant que non croyante qui assume son athéisme, n'a que ce qu'elle mérite. Grâce à Nadia, on prend conscience que les Tunisiens ne sont pas près d'entendre des incroyants s'exprimer d'une manière sincère. Pour beaucoup de Tunisiens (peut-être pour la majorité d'entre eux), démocratie et liberté d'expression doivent être présentes partout. Mais dès qu'il s'agit de religion, les non-croyants doivent adopter un profil bas. Dans le cas où ils «oseraient» s'exprimer librement au sujet de la religion, ils courront de graves périls. Si l'irréparable se produisait, le Tunisien ordinaire penserait que ce qui est survenu s'est fait à juste titre. D'aucuns laisseraient peut-être échapper un : «Bien fait pour leur gueule! Après tout, il s'agit de mécréants».
On remarque que, par le truchement de leur silence assourdissant, une bonne partie du peuple tunisien est en train d'épingler l'intelligentsia tunisienne. Pour cette partie conservatrice du peuple tunisien, nos intellectuels et artistes ne sont pas assez dévoués à l'Islam. Nous devons nous rendre à l'évidence : une scission s'est créée entre notre intelligentsia composée en partie d'intellectuels européanisés et une partie du peuple tunisien conservatrice et faronuchement opposée à la sécularisation de la société.
Nous sommes en pleine période de combat contre l'obscurantisme. Les intellectuels tunisiens doivent assumer leurs responsabilités. Nous ne devons pas fléchir sous le poids des terribles péripéties qui ont jalonné ces derniers jours, même si en face de nous se trouvent des abrutis qui se comptent peut-être par milliers. Plutôt se flinguer que de voir des barbus tarés dicter leurs lois stupides et liberticides à nos intellectuels. J'ai confiance en ceux et surtout celles qui ont soif de liberté. Il faut avoir, à l'instar de la brillante Rim Saïdi, une forte personnalité. D'ailleurs Rim, si tu lis cet article, sache que je suis persuadé que les gesticulations des extrémistes te font autant d'effet que la flotte sur les plumes d'un canard.
Je voudrais évoquer aussi, sans m'attarder là-dessus, le cas de Mohamed Talbi. J'espère que cet éminent penseur résistera au déchaînement qui s'apprête à se réaliser contre lui, suite aux propos qu'il a tenus relatifs à Aïcha (Fille d'Aboubakr et troisième femme du Prophète Mohamed) sur une station radio privée.
Pour finir sur une note optimiste, je dirais qu'il faut voir le bon côté des choses. En effet, en saccageant le «cinéma AfricArt , nos barbus ont accompli un exploit. Quelques jours auparavant, cet exploit paraissait impossible : élever la connerie au rang de l'art...


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