Dans la hiérarchie des actualités d'hier, l'évènement valait le détour. Il s'agit du lancement du projet d'une charte déontologique des élections. Pour les journalistes tunisiens, l'idée est de signer, publiquement et solennellement, début août, un document devant les prémunir contre les pressions, les éventuelles manipulations et les aider à couvrir l'événement électoral dans le respect de la règle d'or de la profession : l'impartialité. Couvrir objectivement la campagne électorale et les élections du 23 octobre prochain, rendre compte équitablement de la vie et des programmes des partis, éclairer l'opinion publique sans l'orienter vers un choix ou vers l'autre, résister soi-même aux pressions et aux éventuelles manipulations, avoir, en même temps, suffisamment d'impact, de professionalisme et de savoir-faire… Voilà du moins ce qui attend les journalistes tunisiens en cet été 2011 et jusqu'à l'automne prochain, date de la tenue des premières elections libres et démocratique que notre pays aura jamais connues. Cela n'est pas un pari. C'est juste une ligne de conduite un peu rigoureuse que nos confrères de par le monde démocratisé ont eu à expérimenter longtemps avant nous. Tous sont d'accord qu'en période d'élections, le journaliste n'est pas à l'abri de pressions, comme il n'est pas exempt de tentations. En Tunisie, le paysage est de surcroît particulier. Ces premières elections démocratiques se préparent dans un contexte marqué par l'inégalité des forces et l'ambiguïté. Il y a des partis riches, d'autres beaucoup moins et il en est de même des journalistes. Mais outre les rapports de force, il y a une initiation à restaurer et instaurer. Elle puise naturellement dans la règle déontologique. Valable en toute circonstance et tout lieu, cette règle est d'autant plus utile qu'elle est mise à dure épreuve en temps d'élections. Le projet d'une charte déontologique des élections, lancé hier matin, part de cet argument. Il sera porté par un maître d'œuvre : le Syndicat national des journalistes tunisiens et aura pour partenaires l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication, l'Instance supérieure indépendante pour les élections et la Fondation Thompson pour l'information. De la grand-messe à la règle sacrée Le fruit de ce partenariat est un engagement moral, une sorte de charte vitale qui protège les journalistes durant l'exercice de leur mission et dont ils peuvent se prévaloir en cas de pression. A mi-chemin entre les chartes internationales en vigueur et le guide des journalistes realisé il y a peu par l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication et actuellement sous presse, le texte de la charte déontologique des élections sera rédigé au début du mois d'août prochain à Tunis. Sur les traces d'autres pays du monde qui inauguraient leur processus démocratique et électoral, la charte fera l'objet d'une présentation et d'une adhésion publique spectaculaire qui relèvera de la grand-messe. Plusieurs centaines de journalistes politiques devront la signer l'espace d'une cérémonie dont la solennité devrait souder l'homogénéité, raffermir l'engagement et envoyer autant d'autres signaux aux patrons de presse, aux partis politiques et à l'opinion publique. La finalité étant de faire réussir ces premières élections, de reconstruire, au passage, les rapports de confiance entre les journalistes, les partis, l'opinion et d'instituer , au-delà, une règle sacrée et pérenne de conduite déontologique.