Un nouvel espace plastique est né à Sidi Bou Saïd. Ahmed Souabni, après son retour définitif d'Europe, s'est résolu à transformer la maison de ses ancêtres en espace d'exposition. Sid'Ahmed a choisi Saladin comme nom pour la galerie. Le nom de Salaheddine Al Ayoubi, déformé par les Occidentaux et devenu Saladin, comme ils ont déformé aussi Ibn Sina en Avicene et Ibn Rochd en Averroès! et le grand Prophète Mohamed en Mahomet, bref, Salaheddine (1137-1193), le prestigieux et légendaire sultan Ayoubide, qui a réinstauré le sunnisme en Egypte en abolissant le fatimisme en 1171, et reconquis Al Qods (Jérusalem) en 1187 en battant les croisés à Hattine, a forcé le respect de ses ennemis par la dignité de son comportement, sa loyauté et sa tolérance. Depuis l'avènement de la révolution, plusieurs nouveaux espaces culturels ont vu le jour. C'est toujours un acquis pour les plasticiens, seulement nous souhaitons que l'Etat et les mécènes penseront à décentraliser l'activité plastique, en restaurant les maisons de culture‑: au moins une dans chaque gouvernorat pour qu'elles soient adéquates en vue d'abriter des expositions. Les arts plastiques exigent recueillement, réflexion et méditation. Après quelques expositions de groupes, l'espace Saladin abrite l'exposition personnelle de Ali Zénaïdi. Une vision distincte Ali Zénaïdi, né à Kélibia en 1950, a vécu en plein cœur de Tunis, à Bab El Fella, a étudié au Lycée Alaoui, et à l'Ecole des Beaux arts de Tunis, pratique la peinture, le pastel et le dessin depuis son jeune âge. Il s'est orienté vers l'enseignement artistique aux écoles secondaires, a animé des clubs de peinture, notamment Dante Alighieri où il a formé plusieurs jeunes et moins jeunes peintres. Maîtrisant la langue italienne, Ali en a profité pour s'enrichir de la culture italienne classique et contemporaine. Il a exposé à maintes reprises en Italie. En quittant l'Ecole des Beauts-Arts en 1974, Zénaïdi et les peintres de sa génération intègrent une scène artistique en pleine évolution, animée par Naceur Ben Cheickh, Néjib Belkhoja, Lotfi Larnaout, A. Fehri, etc., cependant en Irak, vers 1971, Chaker Hassen, Dhia Azzaoui et d'autres ont fondé le mouvement unidimensionnel qui prône la lettre arabe comme élément essentiel dans la composition de l'œuvre picturale. Les plasticiens tunisiens ont accueilli ce mouvement dans un souci d'authenticité. C'était une solution pour résoudre ce problème qui a duré des dizaines d'années. Zénaïdi essaya plusieurs modes de composition dans son œuvre, s'inspirant des tapis berbères, des mergoums du Sud tunisien et de l'architecture traditionnelle, réalisa des structures composées de carrés où il mêle signes, symboles, faune, flore, bijoux, architecture, etc. Il ne recule pas devant son désir de dessiner des paysages impressionnistes, des chevaux, des scènes de la Médina, mais la majeure partie de son œuvre est constituée par cette peinture abstraite où dominent la forme pure, les signes et l'architecture. Le peintre est toujours en quête d'une expression personnelle qui réponde à la problématique du patrimoine et de l'authenticité. L'apport de Abdelméjid Bekri et Abdelméjid Ben Messaoud, ses deux compagnons de route, est essentiel dans sa carrière de plasticien‑: une liaison semblable à celle de Bouabana, Chtioui et Sassi. Pour Zénaïdi et ses compagnons, le patrimoine local et universel est essentiel dans leur démarche et demeure une source intarissable permettant des variations multiples, sachant que l'authenticité (al assala) ne s'arrête pas à ces éléments cités ci-dessus. On ne peut être authentique qu'en étant soi-même et en puisant dans le patrimoine universel.