La lettre Z, dernière de l'alphabet, signifie dans cet album le pouvoir absolu de Zaba et de sa tribu et en même temps de Zorro ou Zapata, des héros , ici Z est la lettre de l'anonyme qui a enfanté l'ouvrage Révolution, sous-titré Des années mauves à la fuite de Carthage. L'auteur est un cyberpatriote, cyberdissident, activiste, agitateur qui lutte contre le premier –Z-. Son blog s'appelle DEBA Tunisie. C'est un jeune bédéiste , héros réel qui a cru très tôt au bouleversement, inventant au passage, et avant les autres, le désormais célèbre mot «Dégage» 29 décembre 2010 (voir p.119). Et imaginant contre tous les pronostics, le départ de Ben Ali dans un Conte ramadanesque exquis et hallucinant, daté du 8 septembre 2009 (3 pages). L'ouvrage est divisé en 7 chapitres et une sympathique introduction de l'éditeur. Départ. On monte à bord de la 404 de Ammar ou La censure sur le web. L'auteur éreinte gaiement le personnage célèbre en passant par les médias qui en prennent pour leur grade, le flic, le bouledogue, l'Agence tunisienne de l'Internet( ATI) et la tête pensante , des extraits en appui «d'Ouverture du discours». Pour résumer ce chapitre, on est tenté de pasticher une chanson d'Edith Piaf «Quand il me serre dans ses bras…je vois la vie en mauve». Le deuxième sujet invite les émirs investisseurs du Golfe, venus présenter en grande pompe leurs mégaprojets et leur urbanisme Bling Bling. Les seuls insurgés qu'on rencontre en cette période euphorique sont les flamants roses à qui -Z -prête une humanité touchante. Des volatiles qui résistent pour protéger leur territoire convoité. Le chapitre se clôt sur la victoire des chers oiseaux avec le doigt du milieu de la main dressé en signe de victoire. Quant aux pauvres émirs, ils seront embourbés dans le lac avec leurs valises pleines de billets de banque. Que faisaient les écolos, les architectes en cette période? Personne n'échappe à la plume de Zorro. Au-delà de son caractère caustique, militant, cette BD a un effet thérapeutique évident. Aussi, si vous êtes sujet à un coup de blues ou à une insomnie tenace, découvrez Le Maraboutage ou la Mégalomanie de la sainte famille, c'est un anti-dépresseur garanti. Boubou, entendez Sidi Belhassen, autrement dit Trabelsi, est une sorte de Haroun El Poussah (personnage connu de BD), royalement installé sous un parasol sur la plus haute terrasse de Sidi Bou Saïd, lunette de circonstance, cigare en bouche, alcool. Dans la piscine plus bas, sa femme barbote dans une bouée et demande «Quand est-ce qu'on fait une Kharja ? Il est vrai qu'on se trouve dans la Zouiet Sidi Belhassen. Autre planche, autre marabout, un jeune homme BCBG, chemise blanche à col ouvert, lunettes noires, trône sur une voiture Porsche, protégé par un parasol, tapis de prière vert ( la Zitouna) qui déborde, une foule de fidèles en costumes mauves l'escorte portant des étendards Audi, VW, Sidi qui ? Devinez. Des pages plus loin, Sidi Imed entre à la Goulette, triomphant sur un yacht, il est élu maire, extrait «Le marabout marche sur les pas des grands hommes et leur vole la vedette (et le yacht)…» La statue équestre des Vieux Monuments à la Goulette termine le chapitre. A cheval en lieu et place de Bourguiba devinez qui ouvre le doigt majeur de sa main ? Et dire qu'il y a peu de temps, on était tous à deux doigts d'arriver à cette situation ubuesque, pourtant –Z- nous a prévenus. -Z-un devin ? Fils de qui ? De toute façon, il a un cousinage sûr avec la bande de Charlie Hebdo sinon du Canard Enchaîné, il tire sur ce qui bouge de travers, surtout sur les grands de ce monde, voyez, pleine page(83) un Obama, debout sur le globe terrestre, sapé d'un costume mauve, sourire large, dents en piano et un Yes ! he can, c'était l'appui à Zaba lors des élections de 2009. Avec du recul, reprenons le cours de l'année 2010, déclarée Année de la Jeunesse, que nous a -t-on bassiné avec des déclarations pompeuses et des slogans «La jeunesse est la solution et non le problème». Zorro répond avec un dessin assassin, reproduisant le Radeau de la Méduse (célèbre tableau de Géricault) sur lequel de jeunes naufragés essaient d'atteindre l'Italie, terre des espoirs. Tout est de cette eau savoureuse et en même temps amère. La BD se termine sur la famille Simpson regardant la télé, qu'y a-t-il de palpitant ? Zaba sur l'écran, les Simpson vocifèrent «Dégage» «Liberté» suit Ghanouchi, à nouveau «Dégage». -Z-nous promet la suite. Faites vite, on attend.