Par Brahim Oueslati Et voilà que la région du Nord-Ouest refait surface et recommence à faire parler d'elle. Longtemps restée en marge du développement, elle semble, aujourd'hui, promise à des lendemains meilleurs. Grâce au «Centre de réflexion stratégique pour le développement du Nord-Ouest», créé à l'initiative d'éminentes personnalités de la région, sorte de «think tank» qui espère rassembler des experts dans tous les domaines, originaires de la région mais aussi des autres régions du pays, dans l'objectif de réfléchir à un autre développement plus équitable et plus harmonieux. Une force de propositions et un mécanisme d'aide à la décision. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Nord-Ouest, qui regroupe quatre gouvernorats, Le Kef, Jendouba, Béja et Siliana, est doté de plusieurs atouts et richesses naturelles avec une superficie agricole qui s'étend sur plusieurs milliers d'hectares, une pluviométrie assez abondante, des richesses minières, la proximité de la forêt et de la mer, une archéologie qui témoigne d'une histoire fort ancienne, une culture typique…En même temps, de toutes les régions de la Tunisie, c'est celle où la population a été la plus paupérisée et la plus déracinée. Sa population a connu au cours des dernières années la plus faible croissance de tout le pays. D'après les estimations de l'INS, elle comptait 1.220.000 habitants en 2010, soit environ 8% de la population totale du pays estimée à 10.500.000. Contre 16% en 1980. Cet exode massif a fait que Le Kef et Siliana ont vu le nombre de leurs habitants baisser d'année en année. Avec la migration vers les grandes métropoles et surtout Tunis. Mais aussi vers l'étranger. «La croissance démographique est négative et la région connaît un appauvrissement au niveau de ses ressources humaines», explique M. Kamel Ayadi le président du centre qui est ingénieur de renommée ayant présidé l'Organisation mondiale des ingénieurs et dont il est aujourd'hui président d'honneur. De même que les différentes approches de développement expérimentées dans cette région n'ont pas abouti à grand-chose pour des raisons objectives sur lesquelles le Centre va se pencher. «Le développement régional ne peut pas se concevoir sans une approche à long terme qui a pour fondement l'économie et le développement durable dans le sens d'une distribution équitable des richesses», précise M.Chadli Ayari, éminent universitaire et économiste de renom, membre fondateur du centre. Tenue également à l'écart de la gestion politique du pays, elle n'a fourni qu'une poignée de ministres depuis l'indépendance du pays et compte un seul dans l'actuel gouvernement de M.Béji Caid Essebsi, avec parfois une durée moyenne de moins de deux ans comme c'est le cas de Jendouba d'où le sentiment de frustration que ressentent les cadres de la région, le Nord-Ouest présente des caractéristiques qui permettent de faire «une synthèse logique et cohérente des situations existantes dans les 4 gouvernorats et surtout, d'approcher de manière efficace un développement intégré au niveau de l'ensemble de la région». Avec des secteurs comme l'agroalimentaire, les carrières, les mines (Sra Ouertane attend encore d'être exploitée), mais aussi le tourisme avec le pôle Ain Draham-Tabarka, elle peut prétendre à un nouveau modèle de développement qui pourrait se concrétiser en un véritable «plan d'action» s'inscrivant dans le long terme et participant d'une approche prospective et efficiente et non«d'une approche misérabiliste qui s'inscrit dans une optique de sauvetage» pour reprendre l'expression de M.Ayari. Ce plan devra être axé, entre autres, sur l'amélioration des infrastructures de base avec notamment le désenclavement de certaines zones, la création de projets générateurs d'emplois et l'octroi de facilités et des incitations pour les investisseurs tunisiens et étrangers désireux de s'installer dans la région. Le centre de réflexion, qui essaie de rallier toutes les bonnes volontés non seulement de la région mais aussi de tout le pays, est appelé à faire de gros efforts de sensibilisation auprès des décideurs politiques et économiques. Une sorte de lobbying pour promouvoir la région. Il se voit aussi investi d'une mission rénovatrice avec l'approfondissement de la réflexion sur des thèmes qui touchent aux préoccupations réelles des habitants de la région ainsi que la conception de nouvelles approches de développement. L'attente des populations est grande et ses jeunes, qui souffrent d'un chômage endémique avec un taux de 40 % qui dépasse de loin la moyenne nationale, aspirent tout comme les jeunes du pays à cueillir les fruits de leur révolution. D'où l'idée de créer au sein même de ce centre un cercle de réflexion sur la jeunesse qui fera office d'un organisme de diagnostic, de recherche et de proposition sur la situation des jeunes de la région et qui pourrait s'étendre pour toucher tous les jeunes du pays. Le développement régional qui est, aujourd'hui, remis sur la table et revient à l'ordre du jour, mérite d'être appréhendé avec plus de sérénité et de rationalité. Aussi faut-il rappeler que l'une des raisons les plus importantes du déclenchement de la révolution tunisienne a été l'existence de fortes disparités entre les différentes régions du pays et des inégalités entre les catégories sociales. Ces disparités et ces inégalités ont atteint, au cours des dernières années, des proportions inquiétantes, notamment sous la pression du chômage et des choix de développement contestables. C'est pourquoi, le moment est venu de repenser le développement régional et l'orienter vers plus d'équilibre et d'équité. Equilibre et équité au niveau économique, social et politique, cela s'entend.