Avant de relater l'histoire de Young Salah et de quitter définitivement les années 1914, 1920 où de grands boxeurs tunisiens ont marqué du grand sceau l'histoire de la boxe tunisienne, tels Hassen El Karrèche, son neveu Gaman et Belkhéchina. Pour conclure, nous donnons le résultat de ce grand gala qui a été organisé au vélodrome municipal de Tunis pour proclamer le résultat de la nuit des vedettes du mois de mai 1919-1920. Le score a été le suivant : Poids 62 kg : Parboni bat aux points Romieux Poids 82 kg : Salah Belkhéchina bat aux points Tortelli Poids 60 kg : Gaman bat Bismuth aux points Poids 50 kg : Zeitoun bat Jim Jappy aux points C'était une excellente victoire pour les Tunisiens Gaman, Hassen Belkhéchina et Zeïtoun. Après avoir évoqué les débuts de la boxe tunisienne dans un premier article (voir La Presse à partir du mois de juin 2011 intitulé L'histoire de la boxe tunisienne), nous proposons à nos lecteurs férus de cette noble discipline sportive un essai historique traitant d'un aspect évocateur articulé autour d'une pléiade de champions tunisiens de souche et de sang. Cette évocation tentera de faire revivre dans la mémoire de nombreux témoins oculaires les prestations de cette période des années 20. Certes, la distance est de taille. Cela fait quatre-vingt dix ans, mais les témoignages vivants sont là : journaux et revues d'époque remuent des poussières, chantent avec un souffle présent une mémoire dans laquelle sont incrustés des noms rayonnants. Ces fils de la Tunisie de tous les temps ont fait école perpétuant l'honneur et la gloire de la terre qui les a vus naître, grandir et exceller dans le firmament du noble art. Il s'agit en tout premier lieu de Salah El Bahri alias «Young Salah», né le 20 avril 1910, à Tunis (poids mouche). Depuis sa plus tendre enfance, Salah El Bahri rêvait d'être boxeur, et à 16 ans, il condensa ses aspirations sous cette formule : «Petit par la taille, je serai un jour un grand champion», et il se mit au travail. Grâce à un entraînement sévère, où alcool et tabac étaient bannis, et un comportement exemplaire, il balisa son parcours. Rapide, dynamique, possédant du souffle et un coup d'œil, Salah El Bahri a l'étoffe d'un champion. Il est très fier quand il évoque les souvenirs de ses combats de 1926 à 1936. Ainsi Young Salah était parmi les pionniers du noble art dans notre pays. Avec Ali Ben Saïd, Mokhtar Ben M'rad, Ben Tahar alias Tahar Ghanjou et Young Perez. Le palmarès de «Young Salah» est éloquent. Il compte des dizaines de victoires brillantes et deux matches nuls. L'un contre le champion du monde Young Perez et l'autre contre le challenger du champion du monde des mouches Young Siki. En 1929, alors que les sportifs tunisiens étaient considérés comme des laissés-pour-compte, Salah El Bahri, par sa victoire éclatante contre Signorino, a réveillé au cœur de tous les spectateurs au cirque «Nova», à la rue de Rome, le sentiment de fierté et d'appartenance à un pays qui était sous l'occupation française… L'ambiance des galas à Tunis Dès le début de ce siècle, on assistait à un phénomène nouveau. Le Tunisien s'affirme et prend de l'assurance, il veut sortir de l'ombre de sa Médina. Dans les quartiers arabes de la Médina jusqu'à la Hara (le quartier des juifs tunisiens), on se retrouvait pour parler boxe. De futures vedettes du ring, telles que Tahar Ghanjou, Juda Cohen, Edmond Zerbib, Ali Ben Saïd, Young Salah, Kid Perez (le frère aîné de Young Perez, futur champion du monde des poids mouche), Taïeb Glenchi, Mola, Gondore, Fredo (ce dernier, d'origine maltaise, était l'ami et le manager de Hassen El Karrèche, le pionnier de la boxe tunisienne). Ahmed Gaman (le petit-fils de Abderrahmane Gaman le neveu d'El Karrèche) et tant d'autres. On s'entraînait dans la salle de gymnastique Kiki Boccara à Lafayette et à l'Islamia rue du Pacha. Les combats se préparaient (surtout en 1928 à Tunis, Sousse, Sfax, Souk El Arbaâ, actuellement Jendouba, et Ferryville (Menzel Bourguiba), pour le samedi soir dans les salles de la pépinière, de la piscine municipale, l'Islamia, à Wanderland à l'avenue de Carthage (cette salle a vu boxer Gaman en 1914, le champion poids plume contre Delrieu, qui vient d'arriver de Marseille et qui compte déjà un joli bagage de lauriers et Mohamed Sfar, sans oublier Juda Cohen, Mettoudi, Torrent, Busseau, Busset, Alexandre, etc.) au Palmarium ou au Palais des sports à l'avenue Gambetta (Mohamed V), des salles pleines à craquer en ébullition. Les supporters (de 5.000 à 6.000 par combat) sont répartis en secteurs entre Arabes, juifs, Siciliens, Français et Maltais (les bagarres étaient fréquentes). Les dernières places se vendaient au marché noir à la salle du Palmarium ou au Théâtre Ben Kemla à l'avenue de Londres. Tout le monde était là : les frères Gandus, spectateurs assidus, André Tubiana qui faisait monter les primes, Sidney Smadja le «crieur», Ben Kemla le patron du théâtre de l'avenue de Londres et la haute bourgeoisie «tunisoise» sur le ring «Baranès» le roi de la résine surnommé ainsi parce qu'il jetait de la résine en poudre sur le ring pour éviter les glissades, Félix Chémama le soigneur et Joé Guez l'entraîneur. Messieurs les boxeurs à vous de jouer :‑vous êtes notre fierté… Rappelons que des éléments de la Maccabi s'intéressaient dès 1923 à la boxe. Juda Cohen et Elie Bismuth avec Hassen El Karrèche, son neveu Gaman et Salah Belkhéchina furent les tout premiers. Parmi les entraîneurs connus sur la place, un certain Frédo (Maltais) qui avait entraîné El Karrèche en 1910, Uzan et Joé Guez.