VARSOVIE (AP) — Décédé samedi dans un accident d'avion en Russie, le Président Lech Kaczynski était confronté depuis quelques années à une baisse sévère de la popularité de son parti conservateur, Droit et Justice (PiS), comme en témoigne le revers subi par la formation aux législatives de 2007, et il risquait la défaite à l'automne. Mais avec sa mort, un regain de sympathie pourrait offrir un certain répit à ce mouvement attaché aux valeurs catholiques traditionnelles, surtout si son frère jumeau, numéro un du tandem politique qu'ils formaient, se porte candidat pour lui succéder à la présidence. Agé de 60 ans, Jaroslaw Kaczynski n'a pas encore dévoilé ses intentions, submergé par la douleur liée à la perte de son frère dans la catastrophe aérienne qui a coûté la vie à 95 autres personnes, dont la Première dame et plusieurs représentants de l'élite civile et militaire du pays, dont nombre de membres du premier cercle autour des jumeaux Kaczynski. ''C'est le temps du deuil'', a confié Mariusz Blaszczack, porte-parole de Droit et Justice (PiS), à l'Associated Press. ''C'est un mauvais moment pour de quelconques spéculations''. Le scénario d'une candidature de Jaroslaw Kaczynski semblerait cependant naturel. Après la mort du président, nul autre au sein de la formation dont ils sont les fondateurs n'a le profil pour porter son message dans la course à la présidence: le scrutin, initialement fixé à l'automne, doit désormais avoir lieu d'ici au 20 juin. ''S'il décide de se présenter, il peut espérer l'emporter'' grâce à des ''votes de sympathie car les Polonais se décident en fonction de leurs émotions'', observe Kazimierz Kik, spécialiste en sciences politiques de l'Université de Kielce. Mais la popularité de Droit et Justice a décliné ces trois dernières années: nombre de Polonais s'en sont détournés, fatigués de la volonté du camp Kaczynski de sanctionner les anciens communistes et de son scepticisme à l'égard des vieux ennemis — Allemagne et Russie —, et même de l'UE. Son positionnement nationaliste et socialement conservateur le place souvent en désaccord avec des dirigeants aux vues plus larges, au sein de l'UE et en Allemagne. Après la défaite de Droit et Justice aux législatives de 2007, signe manifeste d'une lassitude des électeurs à l'égard du style conflictuel des jumeaux, Jaroslaw Kaczynski a perdu le poste de Premier ministre qu'il occupait depuis près d'un an et demi, son frère élu en 2005 à la présidence conservant des fonctions largement honorifiques. Depuis, le soutien dont bénéficient ses adversaires de la Plateforme civique (PO) est stable. La coalition centriste dirigée par l'actuel chef du gouvernement Donald Tusk séduit nombre d'électeurs, particulièrement les jeunes et les entrepreneurs, grâce à son pragmatisme et son adhésion à l'économie de marché. Donald Tusk ne se trouvait pas à bord de l'appareil qui s'est écrasé dans l'ouest de la Russie, au même titre que Lech Walesa, fondateur de Solidarité et ex-président. Mais la catastrophe a tué plusieurs personnalités de premier plan, dont le député de gauche et ancien ministre de la Défense Jerzy Szmajdzinski, 58 ans, qui devait être le candidat de l'Alliance de la gauche démocratique à la présidentielle. La Pologne devra attendre plusieurs jours, voire des semaines, avant de connaître le nom du candidat de Droit et Justice à la présidentielle. Outre Jaroslaw Kaczynski, Zbigniew Ziobro fait figure de possible prétendant. Mais il est loin d'être certain que le flot de sympathie à l'égard de la famille Kaczynski après le drame de samedi se répercute dans les urnes. ''Jaroslaw Kaczynski a déjà été Premier ministre, et il a perdu la confiance des Polonais'', rappelle Adam Mikolajczyk, 20 ans. ''Je ne voterais pas pour lui''. La candidature de l'ex-Premier ministre à la présidence pourrait également dépendre de la santé de sa mère, Jadwiga, récemment hospitalisée pour des troubles pulmonaires et cardiaques. Lech Kaczynski avait annulé au moins un déplacement à l'étranger ces derniers temps pour être à ses côtés. Pour l'heure, le principal prétendant demeure le président du Parlement Bronislaw Komorowski, de la Plateforme civique. Sa popularité, déjà élevée avant la mort du Chef d'Etat, pourrait encore grimper grâce à l'intérim qu'il assure depuis à la tête du pays. Une fonction qu'il a jusqu'à présent assumée avec une solennité rassurante.