La constellation médiatique semble être devenue l'objet par excellence des pommes de discorde. C'est ainsi que pas plus tard qu'avant-hier, le Syndicat général de la culture et de l'information a exprimé son rejet de la méthode par laquelle avait été annoncée la création d'un "Conseil national de l'information de la communication". Le Syndicat général de la culture et de l'information, relevant de l'Ugtt, défend le principe d'un regroupement de l'ensemble des parties concernées par le dossier de l'information. Il s'agit du syndicat proprement dit, du Syndicat national des journalistes Tunisiens (Snjt), ou "des autres composantes de la société civile". Rappelons que la création du "Conseil national indépendant pour l'information et la communication" a été annoncée, le 30 juillet dernier, au siège de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme. En fait, la place médiatique est devenue la place de la manipulation et de la discorde par excellence. Tous ceux qui font profession de parler, d'écrire et de séduire se découvrent subitement des dons journalistiques. Ils grouillent, gribouillent et grenouillent. Chacun y va de son petit son de cloche, défendant à vrai dire son petit esprit de clocher. Dans toute révolution, il y a, certes, confusion. Mais il semble que certains partis, associations et puissants groupes d'intérêts occultes privilégient l'instrumentalisation de l'enceinte médiatique à des fins non avouées. Bien pis, une commission annexe de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique a concocté un projet de nouveau Code de la presse particulièrement musclé et archaïque. Il autorise en fait les peines d'emprisonnement. Chose on ne peut plus anachronique, sinistre et douteuse à l'issue d'une valeureuse révolution comme la nôtre. Le pire, c'est que peu de professionnels y aient eu droit au chapitre. Ce sont en revanche, dans certains cas, d'illustres inconnus qui s'en sont chargés. Cela embrasse tant la consultation que la conception et l'élaboration du Code de la presse proprement dit. D'ailleurs, les instances professionnelles autorisées, aussi bien que les journalistes patentés, ont ouvertement critiqué ce nouveau code. Il rappelle en fait les périodes liberticides les plus sinistres des anciens régimes en matière de contrôle des médias. Le pire dans le cas de l'espèce, c'est l'empressement mis à concocter ce nouveau code en un temps record. Pourquoi tant de diligence maniérée et de hâte intempestive ? Si on se met à tout légiférer en cette période transitoire que laissera-t-on à l'Assemblée constituante et au prochain parlement ? N'y a-t-il pas d'aventure quelque agenda ou dessein secret derrière cette précipitation ? Les médias ont bon dos. Chacun y trouve le piédestal inespéré, le tremplin pour rebondir dans des perspectives pas toujours évidentes ou reconnues. Tout le monde s'y investit volontiers expert, n'ayant de l'expertise que l'illusion ou l'exercice de prestidigitation. Ce qui est du pareil au même. Ayant moi-même eu l'insigne honneur de présider le deuxième congrès du Syndicat national des journalistes tunisiens et vingt-quatrième de la profession (Tunis, 4-5 juin 2011), j'ai été effaré par le peu d'intérêt porté par la classe politique tunisienne, toutes instances confondues, aux travaux du congrès. Pourtant, c'était la première fois qu'un congrès de la profession se tenait en toute liberté, loin de toute interférence du pouvoir. C'était aussi le premier —‑et l'unique‑- congrès d'un corps de métier important après la Révolution du 14 janvier 2011. Aucun représentant de quelque partie politique ou de quelque syndicat n'y était présent. Aucun d'entre eux n'a envoyé, ne fut-ce qu'un télégramme de soutien, aux congressistes. Encore une fois, lorsqu'il s'agit de délibérer, la cour en conseillers foisonne et lorsqu'il s'agit d'exécuter, on ne trouve plus personne. Pauvre enceinte médiatique, objet de toutes les convoitises présupposant l'anéantissement de ses principaux acteurs et incontournables animateurs. Et c'est peu dire.