• Face à la pénurie de poisson frais, on se rabat sur le congelé… à moins de prendre la mer ! Une simple virée du côté des marchés aux poissons de la capitale et ses proches banlieues vous rendrait pantois. Un fin gourmet des poissons serait, lui, inconsolable. C'est que, par les temps qui courent, la pénurie est doublée de la cherté des prix. L'envie d'abord. Et cela concerne les poissons frais devenus, hélas, une denrée rare. Très rare même, quand on sait que les quantités destinées à la commercialisation sont d'autant plus insignifiantes qu'on se les arrache en quelques minutes. «Il est proprement révoltant d'avoir à jouer des coudes devant les étalages, pour rentrer finalement bredouille», déplore un citoyen. «Cette situation chaotique, renchérit un autre, nous a fait basculer dans la privation, voire dans l'anxiété, dans la mesure où la pénurie ne fait que persister». Une pénurie qui, renseignements pris auprès des services concernés, est engendrée par trois facteurs principaux, à savoir : - Primo : la baisse de la production. Celle-ci est due aux périodes creuses que connaît traditionnellement ce secteur aux mois de juillet et août de chaque année. - Secundo : les retombées de la crise libyenne, sachant que la Tunisie importe plusieurs tonnes de poissons de ce pays. - Tertio : la persistance de la pêche illicite pour les chalutiers étrangers dans les eaux territoriales. Poissons… noyés Dès lors, on peut parler de fait accompli pour les amateurs de «tables poissonneuses» et à l'odeur d'iode. «Bon, on n'y peut rien», lance l'un d'eux, visiblement dépité, qui indique fatalement qu'il est condamné, la mort dans l'âme, à se rabattre sur les viandes rouges. Pour d'autres, une seule acrobatie : aller à la rencontre des barques de pêche à leur sortie du quai. Ou, pour les mieux nantis parmi les férus de la pêche à la ligne, faire démarrer sa barque (ou son yacht selon les cas) pour prendre le large et rentrer plus tard avec la corbeille de poissons frais, frais, frais… n'en déplaise aux poissonniers du marché ! Les petits pêcheurs, autre partie prenante du circuit pour ne pas se torturer le crâne, ont trouvé la formule magique : vendre au double (parfois même au triple) des prix habituels de leurs cageots de poissons débarqués sur le quai. Et c'est à prendre ou à laisser! «Nous aussi, se défend l'un d'eux, nous prenons la mer avec tous les risques imaginables, sans compter les aléas d'une concurrence de plus en plus impitoyable. Avouez donc que c'est notre droit légitime de réviser nos prix à la hausse». Le congelé est roi Faute de poissons frais, le congelé monte au créneau, soit en pleine conformité avec le proverbe qui dit : «Au pays des aveugles, les borgnes sont rois». Et là, à vous de choisir : il y a le congelé local (vive l'élevage), mais aussi le congelé étranger que certaines grandes surfaces et autres superettes importent de Mauritanie, d'Indonésie et même de… Chine. Paradoxalement, le congelé importé se porte, en ce moment, comme un charme ! «On le vend, croyez-moi, comme des petits pains et avec ‘‘zéro retour'' par-dessus le marché», jubile le tenancier d'une superette de vente de produits alimentaires. «Du congelé, c'est mieux que rien», lui concède un client qui s'étonne que «notre littoral est devenu si avare en poissons». Bon appétit !