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Toute la lumière sur les biens mal acquis par les clans Ben Ali et Trabelsi
Enquête
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 08 - 2011

• 251 affaires ont été portées devant la justice pour la désignation de séquestres ou d'administrateurs judiciaires dont 243 ont eu une issue favorable
• 320 sociétés confisquées et 155 décisions prises pour l'enregistrement de titres fonciers au nom de l'Etat
• Les créanciers ont jusqu'au 13 septembre prochain pour déposer leurs requêtes
Les biens mal acquis, un concept peu connu par les Tunisiens avant la révolution et qui signifie selon le Centre national de coopération et de développement (Cncd), en Belgique, «tout bien meuble ou immeuble, tout avoir ou fonds susceptible d'appropriation privative soustrait illégalement du patrimoine public et qui a pour effet d'appauvrir le patrimoine de l'Etat». Pour être plus explicite, ce sont les biens obtenus de manière illicite par le moyen de détournement de fonds, de malversation, de corruption ou encore par abus de pouvoir. Les investigations et les procédures engagées après le 14 janvier dernier sur les fortunes de l'ancien président, de sa femme et de leurs familles respectives ont permis de découvrir comment la loi a été instrumentalisée pour faire profiter ces deux clans et leurs affidés. Et comment leurs pratiques délictueuses ont été couvertes pour leur permettre de s'enrichir par l'utilisation de mécanismes opaques, de sociétés écrans et l'extorsion de fonds publics.
C'est dans un vieil immeuble sis rue du Niger, jouxtant l'avenue Hédi-Chaker et à quelques mètres de la rue de Palestine que la direction générale du contentieux de l'Etat a élu domicile. Devant le bureau du chef du contentieux, des citoyens venus s'enquérir de l'issue de leurs dossiers attendent d'être reçus par le premier responsable dont le bureau ne désemplit pas. Entre deux réunions, il nous reçoit pour les besoins de notre enquête. Sur son bureau s'amoncellent des dossiers. «Ce sont des requêtes de citoyens, des plaintes en justice, des dossiers des biens, confisqués et autres» confie M. Mahmoud Chaouchen, le chef du contentieux général de l'Etat, qui vient d'être nommé à ce poste au mois de mai dernier. Tâche harassante en ce début de mois de Ramadan et avec cette chaleur étouffante. «Le volume de travail est énorme et les moyens humains et matériels sont restés les mêmes. Avec 6.000 nouvelles affaires tous genres confondus dont 500 ayant trait aux malversations dans lesquelles sont impliqués l'ancien président, sa famille et celle de sa femme, nous croulons sous le poids des dossiers. Mais nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur», ajoute le chef du contentieux qui se présente comme l'avocat de l'Etat. En fait, c'est lui qui représente tous les ministères, les établissements publics à caractère administratif et même les établissements publics à caractère non administratif et les entreprises publiques, s'ils en font la demande, devant les différentes juridictions, pénale, civile, administrative aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Le contentieux général de l'Etat n'agit pas de son propre chef. Il reçoit mandat de la part d'un ministère ou d'un organisme public pour le représenter auprès de la justice et déposer plainte en son nom. Auparavant, il doit étudier le dossier, bien l'examiner avant de le transmettre à la justice. Comme il peut se trouver dans le cas inverse dans le rôle de défendeur quand c'est l'Etat qui est en cause.
C'est pourquoi il est chargé d'assurer le suivi auprès de la justice de tous les dossiers de malversation. «La situation est exceptionnelle et nous devons assumer notre mission jusqu'au bout», assure-t-il.
Travail sous pression
Avant la promulgation du décret-loi n° 13 du 14 mars 2011 relatif à la confiscation des biens mobiliers et immobiliers des 114 personnes soupçonnées d'être impliquées dans des opérations de malversation et d'avoir acquis leurs biens de manière douteuse, le contentieux général de l'Etat a reçu des dossiers et des requêtes de la part du doyen des juges d'instruction, de la propriété foncière ou encore de simples citoyens. «Plus de 500 dossiers que nous sommes dans l'obligation de traiter un à un avant de prendre les décisions qui s'imposent», ajoute M.Chouchène. A son tour, la propriété foncière a préparé une liste des biens immobiliers inscrits aux noms de personnes suspectes. Des plaintes ont alors été déposées devant les tribunaux pour mettre la main, celle de l'Etat, sur ces biens en demandant la nomination de séquestres s'il s'agit de personnes physiques ou d'administrateurs judiciaires s'il s'agit de personnes morales, c'est-à-dire des sociétés. Au total, 251 affaires ont été portées devant la justice dont 243 ont eu une issue favorable. Les autres ont été rejetées mais le contentieux général a interjeté appel et il est même allé jusqu'à se pourvoir en cassation. Trois cas ont suscité beaucoup de réactions de part et d'autre. Celui, d'abord, de Hédi Jilani, l'ancien patron de l'Utica, qui a gagné l'affaire en appel. Le deuxième cas est celui de Moncef Materi, père de Sakher Matéri le gendre de l'ancien président qui, également, a obtenu gain de cause en appel. Le troisième cas est celui du producteur de télévision Sami El Fehri qui a, également, gagné l'affaire en appel mais le contentieux général de l'Etat a demandé et obtenu la non-application de la sentence en attendant l'arrêt de la Cour de cassation. C'est une mesure conservatoire qui l'a empêché de débloquer l'argent avant l'issue finale de la plainte. Et le cas de l'ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi ? «C'est une supercherie qui a été relayée par certains médias sans vérification préalable» répond-il, ajoutant que «ce n'est pas le contentieux général de l'Etat qui a déposé la plainte contre l'ancien Premier ministre, mais plutôt le collectif des 25 avocats». Cette plainte concerne une affaire qui remonte au début des années 1990 alors que M. Ghannouchi était à la tête du ministère de la Coopération internationale. A l'époque l'ancien président avait nommé par décret non publiable au JORT l'une de ses filles de son premier mariage comme chargée de mission au cabinet du ministre de la Coopération internationale avant de l'affecter au bureau tunisien aux Nations unies à New York où elle y était restée pendant 14 mois avant de rentrer à Tunis. Un emploi fictif en somme. D'ailleurs, l'affaire a été classée pour prescription.
«Nous travaillons sous pression et nous faisons face à des difficultés de plusieurs ordres. Manque de personnel mais aussi au niveau de la gestion de ces biens», précise le chef du contentieux général de l'Etat. Certains administrateurs judiciaires ou séquestres ont reçu des menaces non pas de la part «des propriétaires» mais de la part de citoyens qui estiment que ces biens leur reviennent de droit. Certains n'ont pas hésité à occuper de force des terres agricoles. Il exhibe la démission d'un administrateur judiciaire que sa secrétaire vient de lui déposer sur le bureau. Cet administrateur a été désigné pour gérer une société de mise en valeur d'une superficie d'environ 200 hectares, sise au Nord-Ouest. Ce ne sont pas «les propriétaires» qui l'ont menacé mais plutôt quelques voisins. Tout comme dans cette autre société au Cap Bon, la récolte n'a pas été ramassée à temps ce qui a poussé quelques téméraires à pénétrer par effraction dans les champs et procéder à la moisson pour leur propre compte. C'est que les administrateurs ne sont pas toujours originaires des régions concernées, ce qui affecte énormément leur rendement.
Et l'argent détourné et placé dans des banques étrangères ? Et les biens immobiliers et les sociétés créées en dehors du pays ? «Là c'est une autre paire de manches», réplique Mahmoud Chouchène. Une commission spéciale a été créée et présidée par le gouverneur de la Banque centrale. Et le rôle du contentieux général de l'Etat consiste à saisir les tribunaux étrangers. Mais les procédures sont à la fois longues et compliquées. Et les cabinets d'avocats étrangers contactés pour les besoins de la cause se sont montrés intransigeants quant à leurs honoraires allant jusqu'à demander de prendre ces affaires en contrepartie d'un pourcentage élevé (Lire encadré : les voies de l'argent sale sont impénétrables).
Mutation des propriétés à l'Etat
La création auprès du ministère des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières d'une commission de confiscation ne semble pas avoir allégé outre mesure les charges du contentieux général de l'Etat ni aplani les difficultés qui résident dans la réalisation de l'inventaire des sociétés surtout, car certains ont plus d'une société où ils sont actionnaires dans d'autres. Cette commission créée par le décret-loi susmentionné est présidée par un haut magistrat, Adel Ben Ismail en l'occurrence. Installée dans de nouveaux bureaux au 6e étage de l'ancien immeuble de la Banque de l'Habitat qui abrite trois autres commissions, l'Instance supérieure de la réalisation des objectifs de la révolution, la Commission d'établissement des faits et la commission des investigations, cette commission est une véritable cellule de crise qui s'active pour inventorier, recenser et arrêter les listes des biens mal acquis. Ce qui n'est pas une sinécure. «Opération à la fois compliquée et délicate», explique son président. S'emparant d'une feuille de papier et d'un stylo, il explique comment il faut procéder pour extirper les parts des membres des familles de l'ancien président et de sa femme, sans toucher aux droits des autres associés. Le capital d'une société qui «est une somme de valeurs acquises d'avance» est divisé en «actions attribuées aux personnes ayant participé à la création de l'entreprise». Les prises de participations peuvent être directes ou indirectes et, par conséquent, il faut agir avec beaucoup d'adresse et de doigté pour ne pas léser et les associés et l'entreprise et surtout les employés dont les droits doivent-être sauvegardés voire consolidés. Or, ajoute M.Ben Ismail, «certains agissements ont contribué à compliquer la situation» donnant l'exemple «d'une entreprise qui a rompu unilatéralement son contrat avec une société de gardiennage qui lui doit une somme de 800 mille dinars pour engager une autre en la payant au comptant. Ce qui est une erreur puisque cette première société a porté l'affaire devant les tribunaux qu'elle a gagnée et il a fallu négocier pour renouveler son contrat et arrêter la procédure judiciaire fortement préjudiciable à toutes les parties». La commission a, aussi, pour mission d'intervenir pour régler les problèmes qui surgissent, qu'ils soient d'ordre social ou financier ou encore de gestion. Certains créanciers ont recouru aux tribunaux pour demander la mise sous séquestre de biens ou de sociétés appartenant au clan de l'ancien président et de sa femme. Or, dans le cas d'espèce, ils doivent déclarer leurs créances à la commission dans un délai de six mois comme le stipule le décret-loi du 13 mars précédemment cité. C'est-à-dire au plus tard le 13 septembre prochain. Toutefois, le ministère des Finances est appelé à s'acquitter des dettes dues aux personnes et aux sociétés confisquées et contre lesquelles un jugement définitif a été prononcé, et ce, dans la limite de ce qui est disponible. Quant aux personnes physiques et morales ayant contracté des dettes vis-à-vis des personnes dont les biens sont confisqués, elles devaient le déclarer à la commission au plus tard le 12 juin dernier, sinon elles devraient s'acquitter de leurs dettes à l'égard de l'Etat en plus des intérêts et des amendes prévues par la loi.
La commission travaille sur le recensement des biens et des valeurs immobilières, des sociétés, des parts et des actions, des comptes et même des sociétés écrans, pratique courante. Elle coordonne avec les administrateurs judiciaires, les séquestres et les autres intervenants comme la propriété foncière. Elle fait, également, un travail d'investigation et de recoupement d'informations pour déterminer ce que possède chaque personne dont le nom figure sur la liste des 114 en attendant la liste complémentaire qui devra comprendre 47 autres noms. «C'est que, précise le président de la commission de confiscation, il y a des biens qui sont enregistrés et d'autres qui ne le sont pas et la priorité va aux biens qui n'ont pas de titres pour pouvoir mettre la main dessus avant la mutation de la propriété à l'Etat conformément à la règlementation en vigueur». Pour le moment, 155 décisions ont été prises pour l'enregistrement de titres fonciers au nom de l'Etat. En bonne et due forme.
Jusque-là 320 sociétés ont été confisquées par arrêtés dont copies doivent-être transmises aux parties concernées et publiés dans le Journal officiel de la République tunisienne. Mais la commission peut élargir ses opérations de confiscation pour toucher toute autre personne ayant acquis des biens ou des valeurs de manière illicite grâce à la complicité des membres de la famille de l'ancien président. Nul n'est donc à l'abri d'une quelconque confiscation de la part de la commission qui peut demander toutes les informations et tous les documents dont disposent les structures administratives et les établissements publics et privés ainsi que les tribunaux, informations et documents susceptibles de l'aider dans l'accomplissement de ses missions. Pour le moment, la commission a jusqu'au 12 septembre prochain pour remettre son rapport final. Délai jugé trop court. Prorogation en vue.


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