En cette période de transition démocratique, la scène syndicale connaît une agitation sans précédent, annonciatrice de changements profonds au niveau du mouvement syndical. Les nombreux et successifs sit-in et grèves observés au cours des derniers mois ont été, en effet, relayés dans la foulée par la création de deux organisations syndicales, la Confédération générale tunisienne du travail et l'Union tunisienne du travail, qui revendiquent une référence historique liée au mouvement syndical tunisien de la première heure. Mais si le multipartisme politique a été une revendication de la révolution du 14 janvier, tout comme la liberté d'expression, le pluralisme syndical a été perçu comme de l'opportunisme par certains politiques et défenseurs des droits de l'Homme, qui ont exprimé des inquiétudes quant au devenir des droits des travailleurs dans le cadre d'un conflit d'intérêts entre les organisations syndicales. Ce que conteste catégoriquement le secrétaire général de la CGTT, M. Habib Guiza, qui considère que le pluralisme syndical consacre les libertés individuelles et les droits de l'Homme en général. "La liberté syndicale permet au travailleur de choisir le syndicat qu'il juge capable de défendre ses droits et partant, elle permet d'enrichir le dialogue social et consolider l'action syndicale ", explique M. Guiza, lors d'un point de presse organisé hier pour présenter la CGTT et ses objectifs. Et c'est à ce titre que ce syndicaliste de longue date, qui est à la tête aujourd'hui d'une organisation comptant déjà plus de 30.000 adhérents, dont des représentants de l'élite du monde du travail (cadres, médecins, ingénieurs, pilotes, etc., ndlr), critique et dénonce l'exclusion de la CGTT des dernières négociations sociales pour cause de faible représentativité. Selon le secrétaire général de la CGTT, les critères réels de représentativité ne tiennent pas seulement compte du nombre des adhérents mais comptent également le respect des valeurs de la République et la transparence. "Or ces critères n'ont jamais été définis ni appliqués en Tunisie", souligne-t-il. A ce jour, l'UGTT ne couvre pas plus de 10% des travailleurs tunisiens. Pour M. Guiza, cela signifie qu'il y a de la place pour plus d'une organisation syndicale, d'autant qu'au regard de la conjoncture actuelle, le mouvement syndical fait face aujourd'hui à des défis structurels et idéologiques qui entérinent la rupture totale avec l'époque du syndicat unique, du parti unique et de la pensée unique Sur un ton insistant, le secrétaire général de la CGTT a souligné que l'organisation compte bien se faire une bonne place sur la scène syndicale, appelant le gouvernement de transition à discuter les critères de représentativité avec les représentants de la CGTT et à les finaliser. Il précisera également que pour les membres de l'organisation, la méthode de travail préférée demeure l'entente avec les autres organisations syndicales et surtout la coordination avec elles pour des actions concertées et au besoin communes.