Par Soufiane Ben Farhat Sur le site Presseurop, l'article de Bernard–Henri Lévy paru dans Le Point, est accompagné d'une photo de BHL à Ajdabiya, près de Benghazi posant devant des blindés kadhafistes détruits par l'aviation française. Drôle de posture pour quelqu'un qui se dit philosophe et humaniste de surcroît. Il est vrai qu'en frontispice de son blog on peut lire : l'art de la philosophie ne vaut que s'il est un art de la guerre. Ce faisant, il épouse le démon de l'absolu du néo-platonisme qu'il prétend combattre. Il s'agit en fait d'un article à vous donner des frissons dans le dos. On y lit notamment ceci : "Les rebelles, appuyés par la France et par leurs autres alliés, ont écrit une nouvelle page de l'histoire de leur pays. Ils ont, par-delà leur pays, inauguré une ère dont il est difficile de penser qu'elle sera sans effet dans l'ensemble de la région et, notamment, en Syrie. Et cette anti-guerre d'Irak, cette intervention militaire venant, non parachuter la démocratie sur la tête d'un peuple silencieux, mais appuyer une insurrection qui la réclamait déjà et s'était dotée, pour cela, d'une représentation transitoire mais légitime, restera, elle aussi, dans les annales. Ce qui meurt : une conception ancienne de la souveraineté où tous les crimes sont permis pourvu qu'ils se déroulent à l'intérieur des frontières d'un Etat. Ce qui naît : l'idée d'une universalité des droits qui ne serait plus simple vœu pieux mais ardente obligation pour quiconque croit vraiment en l'unité de l'espèce humaine et en la vertu du droit d'ingérence qui en est le corollaire". Seulement, ceux qui s'ingèrent militairement sont toujours les pays capitalistes nord-atlantiques et ceux qui subissent sont toujours au Sud de la planète. Et cela dure depuis des siècles. Pourtant, il y a bien des régimes non démocratiques au Nord et des Etats démocratiques au Sud. N'empêche, la dialectique impériale tordue et univoque Nord-Sud perdure. Bien sûr, on n'a guère vu Bernard-Henri Lévy à Gaza. Pis, il s'est fait le chantre des campagnes militaires particulièrement meurtrières de l'armée israélienne au Liban, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Et il promet déjà d'être "de la partie et au rendez-vous" en Syrie. C'est la réponse du berger à la bergère. Nos peuples avaient acquis leur indépendance de haute lutte. Pourtant, la partie ne semble toujours pas définitivement gagnée. Sous couvert pseudo-démocratique, la mise au pas néocoloniale sonne la cloche de la fin des souverainetés nationales. Dans notre région, l'enjeu a plusieurs significations. On sait qu'Israël a de tout temps fait bon ménage avec les régimes injustes et iniques dans le monde arabe. Impérialisme, sionisme et réaction arabe constituent l'ossature du dispositif stratégique qui enserre les peuples arabes dans un carcan d'injustice multiples et de sous-développement latent. Et Israël cultive une peur farouche des peuples arabes libérés du joug des dictatures. Alors Israël et ses intellectuels à gage disséminés dans les tissus institutionnels, médiatiques et associatifs occidentaux veillent au grain. Ils n'ont de cesse de vouloir confisquer les révolutions arabes et les infléchir à leurs desseins. En Tunisie et en Egypte, ce n'est guère facile ni évident. Ailleurs, ils tentent le coup. Il va de soi que pareilles postures n'entachent en rien la légitimité et la crédibilité des peuples montés à l'assaut des vieilles puissances autocratiques et oppressives. A Tunis, comme au Caire, à Tripoli, à Damas ou à Sanaa, les ténors du Printemps arabe sont mus par le même élan libertaire. Une lame de fond qui épouse la nécessité historique. Mais il semble bien que certains grands manipulateurs soient déterminés à camper des postures diaboliques. Tapis entre l'écume et la crème, ils affichent leur soutien aux luttes des peuples arabes. Mais leurs desseins inavoués les embarquent ailleurs. Dans le giron de vieilles forces impériales soucieuses d'instrumentaliser le mouvement à leur avantage. Les lubies de Lévy en Libye s'inscrivent dans cette optique démentielle.