La mère SOS est la plaque tournante et la principale ressource du système d'accueil familial SOS, notamment lors des moments forts de l'année. L'Aïd El Fitr, mot magique pour ces mômes synonyme de joie familiale, de jolie surprise, d'agréable moment et de souvenirs immuables qui marqueront à jamais la mémoire des enfants, même de ceux que la vie n'a pas choyés. Il est 10h00 à l'Association tunisienne des villages d'enfants SOS Gammarth‑: les enfants sont sur leur trente et un, peu soucieux de la compétition sociale, qui est un concept inconnu dans leur tête. Aussi épanouis que les autres d'ailleurs, il ne leur faut pas plus pour croire en leur bonheur, eux qui se distinguent par un profil singulier, une forte personnalité forgée par les épreuves de la vie, l'affection et le savoir-faire de leur mère SOS qui leur apporte affection, sécurité, équilibre et valeurs humaines. La revanche sur le destin et la compensation affective à travers la présence d'une mère se lisent dans les yeux de ces enfants. Jouets, vêtements neufs et une lueur de joie dans les yeux qui attendrissent le plus dur des adultes, une complicité et un sens développé de la fraternité font de l'Aïd El Fitr, au village d'enfants SOS, un Aïd plein d'émotions où des enfants qui ne se connaissaient pas se sont trouvés liés par les liens sacrés de la fraternité à travers leur mère adoptive. Mère Dalila, mère Mounira, mère Naïma, toutes ces mères SOS dévouées, qui parlent de l'importance du côté affectif pour un enfant car, expliquent-elles, «il suffit parfois d'un battement de cils, de l'envol d'un papillon pour que la vie d'un enfant bascule et qu'il perde son sourire»… «Ces enfants sont fragilisés. Il leur faut beaucoup d'attention et d'amour, mais il faut aussi orchestrer les moments forts de l'année, en l'occurrence l'Aïd, autour de la joie, de la vie conviviale. A cet effet, j'essaie de créer une ambiance propre à l'Aïd, dans l'intimité familiale où chaque enfant est fier d'être chez soi et de vivre une vraie vie de famille, notamment lors des fêtes religieuses», affirme Naïma, mère SOS depuis 25 ans. Dans sa maison familiale, ses huit enfants semblent soudés derrière un objectif noble : réussir dans la vie. Naïma en est à sa 3e génération d'enfants. Cette femme, originaire de Kairouan, laisse entrevoir une assurance sans faille. Avec une modestie désarmante elle lance : «Mes enfants sont diplômés de l'Ihec et de l'académie militaire . Toutes les générations que j'ai élevées ont réussi leur parcours professionnel et social. L'Aïd El Fitr est pour moi l'occasion propice pour créer une ambiance familiale et véhiculer les normes d'une éducation religieuse, humaine et responsable afin de développer chez eux des sentiments nobles». En jetant un regard discret sur la disposition du salon, on remarque que rien n'est laissé au hasard. Des portraits de remise de diplômes sont accrochés aux murs. Dalila est une autre mère SOS de la nouvelle génération. Initiée aux méthodes modernes de prise en charge de l'enfant, sensible et touchante et dont le plus jeune enfant, haut comme trois pommes, s'appelle Adam, elle indique avoir choisi les vêtements de ses enfants depuis le début de Ramadan. Habillés soigneusement, ses enfants reflètent un goût plutôt sobre. En notre présence, la jeune mère dénonce le «look down» de la société envers cette catégorie d'enfants et lance un appel pour qu'on arrête la stigmatisation envers ces enfants afin d'optimiser leur chance d'intégration dans la société. L'Aïd dans ces familles d'adoption, dans un village rythmé par le quotidien parfois un peu amer de ces enfants, semble doté d'une note magique et porte en lui la connotation particulière d'une fête qui sera à jamais gravée dans la mémoire de ces petits.