La communauté des cinéastes amateurs, engagée dans la défense d'un cinéma de résistance bien avant la révolution du 14 janvier, était au rendez-vous, samedi dernier au théâtre de plein air de Kélibia, à l'ouverture de la 26e édition du Festival international du film amateur qui se terminera le 8 septembre avec la cérémonie de remise du palmarès aux meilleurs films de la compétition. Le public, venu nombreux, a rempli les gradins et manifesté un enthousiasme particulier, lors d'une soirée marquée par une chaleur étouffante qu'une légère brise salvatrice est venue, enfin, rompre. Le top de l'ouverture de la session a été donné par Adel Abid, directeur du Fifak, qui a précisé que cette édition est «spéciale», du fait qu'elle est consacrée aux cultures de résistance, dont le film d'ouverture de la Brésilienne Iara Lee «Cultures de résistance» est le meilleur exemple. Mais avant la projection du film, une surprise attendait le public. Hassene Kassi Kouyaté, conteur, musicien, comédien et metteur en scène, fils du grand acteur burkinabé disparu Sotigui Kouyaté, a présenté une performance de 15 minutes en guise de cadeau offert au peuple tunisien, qui a été le premier à réussir sa révolution. L'accueil de l'assistance était si chaleureux qu'il a provoqué la réaction du conteur. «D'habitude, lorsque je commence mes prestations, il me faut 10 minutes pour voir le public à ce niveau d'adhésion». Puis, il s'engage dans des histoires de génie, de jeune homme, de forêt, etc. Un monde magique où «la parole sortie ne s'avale pas», comme il l'a fait remarquer. Une parole partagée avec un public à l'écoute de ce riche et savoureux patrimoine oral. Après cette escapade dans l'univers du conte africain, Iara Lee, qui n'a pas pu être présente à cette soirée, a quand même donné une déclaration filmée au cours de laquelle elle a exprimé son admiration pour «le formidable soulèvement pacifique du peuple tunisien». Son film réalisé durant 7 ans est un long périple à travers le monde. Il soutient l'idée que l'art est la seule arme de résistance contre les guerres, les génocides, la pauvreté notamment dans les pays arabes, africains et sud-américains. Soixante-treize minutes d'images documentaires évoquant les parties les plus conflictuelles dans le monde. Un voyage pénible, parfois insoutenable qui nous conduit d'Afghanistan au Pérou en passant par l'Argentine et le Brésil des favelas, le Nigeria, le Congo, le pays où il y a le plus de minéraux mais où la population crève, le génocide du Rwanda, le massacre au gaz des kurdes de Halabja en Irak, l'Intifadha culturelle en Syrie, les massacres en Palestine, etc. Tout cela à travers différentes formes artistiques réalisées par des artistes qui vont à la rencontre de ces peuples grâce à la musique rap, la danse Capoiera, la calligraphie, le graffiti, la caricature, la photographie et le cinéma. Tous ces artistes sont engagés pour la paix dans le monde tels que les poètes de Medellin, les maîtres de Capoiera du Brésil, les leaders féministes au Rwanda, les cinéastes réfugiés du Liban, des humoristes engagés américains, des activistes indigènes Kayapo de la rivière Xingu, des dissidents israéliens, des artistes hip-hop de Palestine et d'autres. Un alliage d'images filmées sur les lieux des événements et des images d'archives qui donnent à voir la dureté du monde dans lequel nous évoluons. La réalisatrice se laisse guider par les événements et ne prend aucune position contre les conflits armés. Les images sont dures tant elles sont cruelles. Un parti pris voulu par la cinéaste qui met en cause la mondialisation en cherchant à provoquer l'émotion sur les cas de souffrance humaine. Mais la violence des images exprimées chaque jour dans les journaux télévisés prend ici l'allure d'une prise de position contre les agressions de toutes sortes d'où qu'elles proviennent. Que peut l'art dans de telles conditions? La réponse est donnée : il résiste. Le film a reçu un accueil globalement positif, même si certains y ont vu une sorte de provocation, voire une sorte de voyeurisme, concernant certaines images insoutenables de civils, notamment des enfants et des femmes, massacrés par les bombes à gaz. Résistances artistiques contre résistances armées. Pacifisme contre violence. Un bon discours pour la paix contre les effets pervers de la mondialisation.