A Sousse, dans un hôtel de la place et dans le cadre de la 15e édition du Festival des créatrices arabes, organisé sous le haut patronage de Mme Leïla Ben Ali, épouse du Chef de l'Etat et présidente de l'OFA, le débat continue autour du thème de la modernité. Poétesses, artistes, écrivaines, chercheuses, historiennes de l'art ou femmes de médias se retrouvent en train de s'interroger sur leur rapport à leur culture d'origine et sur la définition de leur identité. Dans leurs interventions, elles retendent le fil de leurs histoires personnelles, évoquent des générations de femmes aux destins chaotiques, des humiliations, des hontes tues, refoulées, et rappellent par ailleurs des intégrations plus ou moins abouties et de grandes réussites dont elles sont fières. Après avoir situé le concept de la modernité dans un contexte historique, Razan El Maghrebi (Libye) a raconté son histoire de vie et son combat de femme moderne. Elle avait peur de ressembler à ces femmes traditionnelles qui n'osaient pas. Sa première école était son père à l'esprit libéral. Puis c'est l'école tout court qui lui a permis de sortir de ce noyau originel et d'énoncer ses principes. Elle ne prétend pas casser toutes les règles, mais elle a besoin de son espace de liberté. Bien sûr, elle en a payé le prix, comme toutes les femmes d'aujourd'hui qui ne se sentent pas obligées de soustraire leur corps au regard concupiscant des hommes. Razan a écrit une nouvelle intitulée Des femmes de vent. C'était avant, ou peut-être après avoir tourné le dos au miroir qui lui renvoyait une certaine image d'elle-même qui ne lui plaisait pas. «Je me suis promis, depuis, de vivre dans la congruence, en accord avec ce que je pense et ce que je fais». Pour elle, c'est ça la modernité. poupées de l'auto-cue L'auto-cue est un terme technique qu'utilisent les gens de la télévision pour désigner cet écran lumineux où défile le texte du présentateur. Et les poupées de l'auto-cue est le titre de la communication signée Dr Barwin Habib des Emirats Arabes Unis. Comment parler de «modernité» et de «création féminine» dans les régions du Golfe, sans dénoncer cette situation difficile et particulière qui conditionne le destin de la femme et limite la manière dont elle peut marquer sa présence dans l'histoire de l'humanité. Dans les chaînes de télévision satellitaires arabes, on n'a pas fini de «chosifier» la femme, explique Dr Barwin. Tout est écrit, du texte sur l'auto-cue au moindre détail de son maquillage. La beauté de la présentatrice est à la limite plus importante que le contenu de l'émission. D'ailleurs, dans son témoignage, la belle poétesse et femme de médias nous a fait part de son expérience personnelle lorsqu'elle a démissionné de la chaîne où elle travaillait. Plusieurs autres l'ont sollicitée pour présenter des émissions «légères»… «C'est dommage de vouloir faire du culturel avec le physique que vous avez», lui a-t-on dit, sans commentaire. «Création et modernité», cette problématique complexe, et parfois intime, révèle que nous sommes au cœur d'un vrai débat social, politique, éducatif et même économique. Le décryptage de ce colloque est très éclairant sur la façon dont les droits des femmes sont pris en otage par les «nouvelles idéologies». La question de la modernité n'est finalement qu'un arbre qui cache la forêt des questions identitaires qui se posent un peu plus chaque jour…