Les opinions sont divergentes autour de l'initiative lancée par certains acteurs politiques et médiatiques en faveur de l'organisation d'un référendum populaire parallèlement aux élections de l'Assemblée nationale constituante prévues le 23 octobre 2011. Dans un communiqué rendu public lundi, ces parties plaident en faveur de la limitation à six mois de la durée de la mission de la Constituante qui, après l'élaboration de la Constitution, se transformera en une instance de contrôle du rendement du gouvernement provisoire et préparera les élections présidentielle et législatives, dans un délai ne dépassant pas les six mois. Elles appellent, également, à «poursuivre le recours à l'organisation provisoire des pouvoirs publics, en prévision de l'élection d'un nouveau président, l'objectif étant d'éviter la dégradation de la situation économique et sécuritaire du pays qui, estiment-elles, ne supporte plus d'autres épreuves expérimentales». Le militant politique indépendant et directeur du Centre «Al-Kawakibi» pour les transitions démocratiques, Mohsen Marzouk, a précisé que cet appel émane d'environ cinquante partis politiques dont le Parti socialiste de gauche (PSG), le Parti démocrate progressiste (PDP) ainsi que 47 partis ayant adhéré à l'Alliance républicaine. Il a été lancé, également, a-t-il ajouté, par plusieurs organisations nationales et de centaines de personnalités dont Cheikh Abdelfattah Mourou et le juriste Sadok Belaïd. Joint par téléphone, M. Marzouk a indiqué à l'Agence TAP que cet appel est venu traduire une unanimité autour du fait que le peuple tunisien est le seul arbitre qui peut trancher les dissensions entre les élites politiques autour de la durée de la mission de l'Assemblée constituante et des prérogatives qui lui seront dévolues. Il a, également, démenti que cette initiative soit orientée contre une quelconque partie, expliquant que toutes les parties soutenant cet appel vont se réunir, dimanche 11 septembre, au centre culturel et sportif d'El Menzah 6, pour lancer officiellement cette initiative. Il a, aussi, assuré qu'aucun établissement de presse n'est derrière cet appel et que sa médiatisation n'est autre qu'une initiative de la société civile. Maya Jéribi et Mouldi El-Fahem, respectivement secrétaire générale et membre du bureau politique du PDP, ont appuyé l'idée d'organiser un référendum sur la durée du mandat et les prérogatives de l'Assemblée nationale constituante parallèlement aux élections de cette assemblée. Ils ont, également, réaffirmé leur attachement à la date d'organisation des élections afin «d'éviter les dérapages consécutifs à la faiblesse de l'autorité centrale, illustrés notamment par la recrudescence de la violence dans plusieurs régions du pays ». Pour Noureddine Bhiri, porte-parole officiel du Mouvement «Ennahdha», le parti s'attache aux mesures et dispositions adoptées par l'ensemble des composantes de la société tunisienne, à la suite de la fuite du président déchu, précisant que le décret-loi du 23 mars 2011 relatif à l'organisation provisoire des pouvoirs publics prévoit la suspension de la Constitution et la dissolution des deux chambres parlementaires, «mais ne confère nullement le pouvoir au président par intérim de convoquer un référendum que ce soit avant, pendant ou après les élections de la Constituante». Selon Bhiri, «cette initiative constitue un coup de force contre le décret-loi précité et le consensus national». Une tentative de confisquer la révolution Quant à Hamma Hammami, président du Parti communiste ouvrier de Tunisie (Pcot), il a estimé que «cet appel en faveur de l'organisation d'un référendum parallèlement aux élections de la Constituante est déraisonnable, dans la mesure où il dissimule une tentative de confisquer la Constituante». «La Constituante qui sera démocratiquement élue est la seule souveraine dans la nomination du pouvoir exécutif », a-t-il relevé, soulignant que «si un référendum est nécessaire, il ne peut être organisé qu'en fonction du projet de Constitution élaboré par la seule Assemblée nationale constituante ». Le secrétaire général de l'Union populaire républicaine (UPR), Lotfi Mraïhi, a qualifié cet appel de "naïf", considérant la tenue d'un référendum pour fixer la durée du mandat de l'Assemblée constituante d'"illogique" étant donné que cette dernière "ne saurait être soumise à aucun contrôle". Délimiter le mandat de la Constituante est contraire à la jurisprudence constitutionnelle, a-t-il affirmé, se demandant "quel serait l'issue si l'Assemblée constituante ne respecte pas les délais fixés par référendum?". Le porte-parole du Mouvement des patriotes démocrates (MPD), Chokri Belaïd, estime que cet appel "est une nouvelle tentative d'instrumentaliser la révolution", précisant qu'il émane de "parties appartenant au RCD dissous et aux vestiges de l'ancien régime". Il considère que les auteurs de cette initiative n'ont pas compris la mission et les prérogatives de l'Assemblée constituante, expliquant qu'il "n'existera aucun pouvoir au-dessus de cette autorité après le 23 octobre. La Constituante, a-t-il dit, sera l'unique source de légitimité dans le pays". Le Mouvement Ettajdid adopte une position nuancée: pour le premier secrétaire Ahmed Brahim, "le défi majeur, pour le pays, est de parvenir à une solution politique consensuelle et d'instaurer le dialogue entre tous les acteurs agissants". Le référendum, a-t-il encore indiqué, ne tranchera pas forcément sur la question polémique des attributions et de la durée du mandat de la Constituante. "Même si Ettajdid est favorable à un mandat ne dépassant pas une année, il considère que l'enjeu majeur, aujourd'hui, est de ne pas engager le pays dans une nouvelle crise politique dont les conséquences pourraient être plus sévères", a-t-il en outre souligné. M. Brahim a, en conclusion, précisé que le Mouvement ne rejette pas le principe d'organiser un référendum sur les prérogatives et la durée du mandat de l'Assemblée constituante le 23 octobre. Le porte-parole officiel de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, Samir Rabhi, a démenti que l'Instance ait reçu une demande officielle dans ce sens.