L'autre soir, sur les ondes de la radio nationale, l'émission nocturne Assrar el Bahr (les secrets de la mer) est un brin décalée. La conversation tourne autour de l'or, sa valeur et ses qualités. L'invité n'est pas un spécialiste en la matière, encore moins un bijoutier. C'est tout juste un écrivain de théâtre dont le nom figure au panthéon du 4e art en Tunisie. C'est Ezzedine Madani. Il faut avouer que le matériau est riche et qu'il y a donc matière à disserter. Pendant qu'à longueur de journées, on nous bassine avec des débats sur les futures élections : qui va faire quoi, quoi servira à qui, etc. Voici donc une émission qui nous renvoie aux choses simples de la vie. Ezzedine Madani ne se présente pas en érudit. Il est même parfois dubitatif sur certaines questions. Il raconte une histoire, dont on ne sait pas exactement sur quoi elle devait aboutir. Raconter un récit, voilà le fin mot de l'histoire. Savoir raconter, ce que nombreux de nos politiciens ont du mal à faire. Savent-ils que la politique c'est aussi donner à rêver aux citoyens. Leur présenter un projet séduisant qui leur donne espoir en l'avenir. Leur raconter une histoire crédible proche de la réalité. Cela ne suppose pas leur mentir, mais leur servir un programme vraisemblable. Revenons à Ezzedine Madani et son histoire de l'or. Il a les mots qu'il faut pour raconter dans un arabe dialectal châtié. Il a aussi la manière de ponctuer son récit par des fhimt alala (vous avez compris). Parfois des moments de silence, puis il repart sur de nouveaux arguments. L'or est un matériau précieux avec lequel on ne badine pas. Les mariages traditionnels ou même modernes accordent une place importante aux bijoux en or que l'époux se doit d'offrir à sa future épouse. «Ça se négocie entre familles», explique Madani, et de partir sur d'autres explications, toujours avec la même truculence et la même vivacité d'esprit. Et lorsque l'animatrice, Saïda Zoghbi, lui pose la question de la découverte de l'or aux Etats-Unis et de cette image stéréotypée reproduite dans les films américains, il pense à ce grand film de Charlie Chaplin La ruée vers l'or qu'il considère comme l'une de ses meilleures œuvres. Puis, elle lui coupe la parole pour lui demander si Christophe Colomb est le premier à avoir découvert l'Amérique. Il hésite, puis répond : «On dit que ce sont sans doute les Noirs d'Afrique qui seraient les premiers arrivants». Puis, sans perdre le fil de ses idées, il revient sur la question de ce métal et de son importance au niveau même d'un Etat, notamment au moment des grandes crises économiques. Il nous conduit, ensuite, en Irak, où, se souvient-il, lors de la première guerre du Golfe, il a vu des gens brader leurs bijoux d'une valeur considérable parce qu'il n'avaient pas de quoi manger. Tout cela pour dire qu'il est possible de parler de choses sérieuses pouvant toucher au plus près les auditeurs avec des mots simples et convaincants sans grande prétention. Tout est dans la manière d'aborder les sujets. Celle de Ezzedine Madani est à la fois instructive et plaisante. Il n'en faut pas davantage pour captiver l'auditoire.