Deuxième visite en moins de cinq mois — la première a eu lieu début mai dernier — de Mme Micheline Calmy-Rey Présidente de la Confédération suisse, qui est également chef de la diplomatie. Cette fois-ci pour participer à la première réunion de la "Task force UE-Tunisie", qui vient d'être créée pour coordonner l'appui international à la transition démocratique en Tunisie. Elue pour la deuxième fois à la tête de la Confédération helvétique, cette socialiste entend donner, avant son retrait prévu pour la fin de l'année en cours, une forte impulsion aux relations avec notre pays, relations marquées par une certaine inertie du temps de l'ancien régime. Décontractée, joviale et toujours le sourire aux lèvres, elle s'est entretenue, hier après-midi à la résidence de l'ambassadeur suisse à Tunis, avec un groupe de journalistes avant de prononcer un discours à l'ouverture de la "task force". "C'est un plaisir pour moi de me retrouver en Tunisie pour réitérer le soutien de la Suisse à la transition démocratique engagée dans ce pays depuis janvier dernier", confie-telle, ajoutant que "le réchauffement des relations entre les deux pays traduit une volonté commune de dépasser les aléas et les soubresauts qui les ont marquées au cours des dernières années et notamment depuis l'organisation du Smsi". La Suisse, faut-il le rappeler, a été le premier pays à avoir annoncé le gel des avoirs de l'ancien président et de ses proches. "La restitution des avoirs illicites est en tête de nos priorités et se trouve au cœur du soutien que la Suisse entend apporter en faveur du processus de transformation en Tunisie", a affirmé la Présidente de la Confédération suisse. Beaucoup a été dit et écrit sur ces avoirs, leur volume exact et la disposition du gouvernement et des banques helvétiques à les restituer. Le montant déclaré de 60 millions de francs suisses se trouve contesté par les Tunisiens qui estiment que le volume réel dépasse de loin ce chiffre. "Certes ce montant paraît faible par rapport aux sommes gelées sur le plan international et qui se chiffrent en milliards selon des estimations, mais cela tient d'abord au fait que le régime président déchu n'entretenait pas de sympathie particulière ni de liens étroits avec la Suisse, étant donné les critiques émises par la Suisse à l'égard de ce régime", explique Mme Micheline Calmy-Rey, ajoutant que "la législation suisse est très stricte en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, soumettant les instituts financiers à des obligations de diligence et de communication étendues". Pour un peuple spolié, la récupération des biens mal acquis est une véritable gageure, car il faut dans ce cas compter sur le bon vouloir des Etats sollicités et des banques "soupçonnées" d'abriter des comptes des personnes poursuivies par la justice de leur pays. C'est un processus à la fois complexe et compliqué. Le secret bancaire auquel sont astreintes les banques suisses leur interdit de transmettre à des tiers des informations au sujet de clients. "Il est garanti depuis 1934 par l'article 47 de la Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. Ses infractions relèvent du droit pénal, c'est-à-dire qu'elles sont poursuivies d'office, et punies de peines allant jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et d'amendes pouvant atteindre 250.000 francs". "La Suisse étant un Etat de droit, les avoirs bloqués ne peuvent être restitués que si leur origine illicite est prouvée dans le cadre d'une procédure pénale, et que cette démarche exige la collaboration des autorités tunisiennes", rappelle la présidente de la Confédération. Toutefois, elle a exprimé la volonté de son gouvernement "de coopérer avec les autorités tunisiennes pour trouver une issue favorable à cette question. Dans ce contexte, la Suisse a proposé à la partie tunisienne une série de mesures visant à accélérer le traitement des demandes d'entraide judiciaire. Ainsi, plusieurs missions ont été organisées pour permettre des rencontres directes entre responsables de l'entraide judiciaire en Tunisie et en Suisse". Evoquant le cas de la Libye, elle a précisé que "c'est complètement différent dans la mesure où le dégel des avoirs de Kadhafi et de ses proches a fait l'objet d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et que subséquemment, tous les pays concernés doivent s'y conformer. Alors que pour le cas tunisien aucune sanction onusienne n'a été adoptée". Mais il n'y a pas que la question de la récupération des avoirs détournés. "Le soutien au printemps arabe initié par la Tunisie est une priorité pour nous", confie Mme Micheline Calmy-Rey. " Soutien que nous avons exprimé dès les premiers jours parce que nous sommes profondément convaincus que la réussite du processus démocratique en Tunisie rejaillira sur l'ensemble de la région comme ce fut le cas pour la révolution de janvier". D'ailleurs, dans son discours à l'ouverture de "la task force", elle a tenu à affirmer la décision de son pays à "soutenir de manière substantielle et ciblée le processus historique de transition actuellement en cours en Tunisie, en étroit partenariat avec les autorités locales. Nos efforts conjoints visent à promouvoir les structures démocratiques et l'Etat de droit ainsi que l'émergence d'un secteur privé durable". La création d'emplois, une priorité absolue de la Tunisie, ainsi que l'encouragement à l'investissement figurent également dans la stratégie formulée par le gouvernement suisse pour développer la coopération avec la Tunisie. Par sa présence en Tunisie à quelque deux mois de son retrait de la présidence helvétique et sa participation à cette "task force", conjointement initiée par M.Béji Caïd Essebsi et Cathérine Ashton, Mme Micheline Calmy-Rey entend réaffirmer le rôle que doit jouer la Suisse aux côtés des autres pays membres de l'Union européenne pour soutenir la transition en cours et "il appartient aux seuls Tunisiens à la faire réussir", tient-elle à préciser.