De notre envoyé spécial à Johannesburg Mohamed Hedi AbDellaoui Le succès de la transition démocratique tunisienne donnera une grande impulsion au reste des pays africains. Toutefois, le programme politique et socioéconomique va faire face à de nombreux défis, notamment celui de voir les partis politiques, se chiffrant actuellement à plus d'une centaine, profiter de l'absence de leadership et de l'absence de progrès économiques tangibles. C'est ce qu'a formulé la mission du Parlement panafricain (PAP) en Tunisie dans son rapport rendu public, hier, dans le cadre des travaux de la cinquième session du PAP qui se déroule à Midrand (Johannesburg) en Afrique du Sud du 3 au 14 octobre. Composée de MM. Charumbira Fortune en tant que président et Ahmed Reza Golam Mamode Issack en tant que membre, ainsi que de M.Azzeddine Abdelmagid, vice-président de la Commission permanente des affaires juridiques et des droits de l'Homme, et M.Jalel Nassir, membre du personnel du PAP, la délégation s'est rendue en Tunisie du 10 au 15 juin 2011 pour un constat suite auquel elle rendra compte au PAP de la réalité socio politique tunisienne après la Révolution du 14 janvier. En effet, après un entretien avec M.Mouldi El Kéfi, ministre des Affaires étrangères, et suite à une série de visites à différentes institutions politiques nationales telles que la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, la Commission supérieure indépendante des élections, la Commission nationale des établissements des faits sur les dépassements et les abus et la Commission nationale d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation, la délégation a souligné que la révolution tunisienne, œuvre des jeunes, a pour origine entre autres la corruption et la malversation, particulièrement celle de la famille de l'ancien président. Tout autant que le sous-développement de certaines régions du pays a fait naître une vague sans précédent de revendications de la part d'une jeunesse anéantie par le chômage et assoiffée de liberté et de démocratie. Au fil de son intervention, M.Charumbira a observé que la Tunisie connaît actuellement une conjoncture économique des plus difficiles, vu que bon nombre des institutions ont été détruites par l'ancien régime. D'où la nécessité de procéder à leur reconstruction. Le rapport de la mission note également qu'avec la libération de 7.000 détenus dont certains se sont adonnés au pillage, provoquant incendie de biens, d'usines ainsi que les barrages, les sit-in et les grèves, ce qui a fortement perturbé certains projets ayant démarré en 2008, la situation économique en Tunisie nécessite l'union de tous les efforts pour aider le pays par les temps délicats qu'il traverse. Répercussions de la crise libyenne sur l'économie tunisienne De surcroît, l'intervenant a observé que les événements sanglants que connaît la Libye ne sont pas sans répercussions néfastes sur l'économie tunisienne. Dans ce sens, il a laissé entendre que la Tunisie reçoit chaque année près de 1.700.000 touristes libyens et développe des échanges commerciaux estimés l'année dernière à 1 milliard de dollars américains. Toutefois, cette coopération économique de taille, a-t-il ajouté, qui est en nette régression, affecte en premier lieu les secteurs du tourisme et des transports qui font vivre près d'un million de Tunisiens. Abondant dans le même sens, l'intervenant a indiqué que les recettes du secteur touristique sont estimées à quatre milliards de dinars tunisiens, dont la moitié sera perdue cette année suite aux troubles qu'a connus le pays. Par ailleurs, M.Charumbira a fait remarquer que comme le confirment des économistes avérés, la Tunisie est capable de renouer, six mois après les élections, avec l'investissement dont les résultats seront plus perceptibles deux ans après les élections législatives et présidentielles. Une durée qui, a-t-il fait remarquer, peut être écourtée si l'on procède rapidement à l'élaboration de la nouvelle Constitution, à l'organisation des élections présidentielles et à la mise en place en toute urgence d'un plan devant permettre au pays de relancer son économie pendant les quatre années à venir. Parmi les observations enregistrées par la mission d'information en Tunisie, figure également le mécontentement de certains partis politiques quant à la composition de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, qui ne compte qu'une dizaine de partis sur un total de plus de 100 partis politiques actifs, selon le même rapport. Se mobiliser pour le soutien d'un pays modèle L'Union africaine et le Parlement panafricain pourraient jouer un rôle important dans le processus de démocratisation en Tunisie, même si la délégation du PAP est arrivée en Tunisie six mois après la révolution. Un retard qui ne fait que traduire la faible présence des institutions continentales africaines pendant les temps de crise survenus dans certains pays africains. Telle est la position de la délégation confrontée, en Tunisie, à des questions du genre : le PAP appartient-il à l'Afrique ? Par ailleurs, les délégations parlementaires non africaines telles que l'Union européenne (UE) et le Congrès américain ont été les premiers à soutenir la révolution tunisienne, s'est exclamé l'intervenant avec l'acquiescement de bon nombre de parlementaires présents. Sur cette même lancée, en formulant les recommandations de la délégation, il a affirmé que le PAP est appelé à exhorter l'Union africaine à aider la Tunisie dans sa marche vers la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'Homme. Comme il faut veiller à ce que la feuille de route concernant la tenue des élections soit respectée. De ce fait, le PAP devrait envoyer, a-t-il ajouté, une mission d'observation pour les élections du 23 octobre. M.Charumbira a finalement appelé le PAP à lancer un appel de toute urgence pour un soutien économique au pays afin de réduire le chômage et la pauvreté et éviter une contre-révolution. Des recommandations fort appréciées par l'ensemble des parlementaires ayant formulé leur admiration pour «la Révolution du jasmin», comme ils aiment à le dire, compte tenu de son caractère pacifique. Une admiration qu'un parlementaire a choisi de traduire en lançant: «Prions tous pour la réussite de la transition démocratique tunisienne, elle aura des répercussions positives sur le reste des pays et nations du continent africain».