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La liberté d'expression entre le texte et le contexte
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 10 - 2011


Par Amin BEN KHALED
On pourra chercher tant qu'on voudra les définitions originales, simples ou authentiques de ce que l'on entend par «liberté d'expression», on pourra ouvrir à cet égard les dictionnaires de philosophie, d'éthique ou de droit, feuilleter les encyclopédies, les ouvrages ou les manuels, lire les penseurs les plus en vogue, les plus excentriques ou les plus classiques, au final pas la peine d'y aller par quatre chemins : la liberté d'expression signifie tout simplement que l'on est libre de s'exprimer. Cependant, ici, la tautologie n'est que passagère, car elle cache de sérieuses et éternelles problématiques.
Contrairement à ce qu'on peut attendre, le présent article ne traitera pas de la question de savoir si on doit être pour ou contre la liberté d'expression. Car la réponse est intransigeante : on doit être pour. Cependant, et si l'on veut être honnête avec soi-même, on devra se poser la question qui dérange, à savoir : la liberté d'expression, jusqu'où ? Car on sait concrètement et c'est l'expérience de la vie quotidienne qui le confirme, que toute liberté a ses propres limites.
En réalité, on ne peut répondre à une telle question tant qu'on n'a pas pris la peine de cerner ce qu'est cette «chose» qui constitue l'objet de la liberté d'expression.
On est libre d'exprimer ... des idées rationnelles
C'est la conception originelle et classique de la liberté d'expression. En réalité, cette conception est née d'une exigence rationaliste. Pour Jean Stuart Mill, par exemple, toute société (le philosophe et économiste anglais postule que la société est un ensemble d'individus rationnels), doit organiser son « marché des idées ». Dans un tel marché, les idées émanant de chaque citoyen ou de chaque groupe de citoyens se confrontent les unes les autres. Par conséquent, aucune idée ne doit être censurée afin que le plus de vérité possible apparaisse. La liberté d'expression, donnée à chacun et sans aucune restriction, est la seule garantie pour faire confronter le maximum d'idées. De ce fait, les idées hérétiques, par exemple, seront confrontées aux idées « orthodoxes ». Si les premières sont dans le vrai, elles remplaceront les secondes. Dans le cas contraire, on n'aura rien perdu à les confronter ensemble, cela ne fait que corroborer les idées tenues pour vraies. En tout état de cause, si on se limite qu'aux idées admises sans les confronter constamment à d'autres, celles-ci se transformeront en dogmes oppresseurs qui fausseront la rationalité des individus, rationalité nécessaire à toute dynamique sociale.
Dans son acception classique la liberté d'expression est absolue ... tant qu'on exprime des idées rationnelles.
L'expression comme une idée en puissance
Cependant, force est de constater que la conception classique de la liberté d'expression est à la fois idéaliste et archaïque. Idéaliste tout d'abord, parce qu'elle considère que toute expression est rationnelle, ce qui n'est pas le cas surtout en matière artistique, domaine expressif par excellence dans lequel l'expression est souvent irrationnelle, parfois même burlesque et provocatrice. Conception archaïque ensuite, parce qu'elle appréhende l'acte de communication d'une manière fort simpliste : elle se focalise sur le contenu de l'expression, alors qu'en réalité, beaucoup considèrent aujourd'hui que c'est l'expression elle-même, et non l'idée à laquelle elle renvoie, qui constitue la quintessence même de toute communication constructive.
Ainsi selon une conception plus moderne, plutôt que de considérer l'expression comme un instrument platonicien permettant de découvrir une vérité jusque-là cachée ou inconnue, il faudra considérer l'expression comme un moment créateur de l'idée. Dans cette optique, les choses sont inversées. C'est l'expression qui crée l'idée, par conséquent l'expression doit être libre. Censurer l'expression, c'est avorter la naissance d'une idée. Bref, pour employer un terme si cher à Aristote, on dira ici que selon la conception moderne, l'expression est perçue comme étant une idée en puissance.
Et l'autonomie du citoyen ?
Cette vision moderne de la liberté d'expression se base sur un présupposé: l'autonomie du citoyen. Si toute expression est libre, fût-elle choquante, c'est parce que le citoyen est autonome. Il ne conviendrait donc pas de limiter la liberté d'expression au nom des conséquences néfastes qu'elle pourra produire, parce qu'au final chacun est libre, et donc responsable de ses actes. Toujours selon cette conception, l'Etat ne peut intervenir au niveau de ce qui pourrait motiver une personne à agir de telle ou telle manière. L'Etat ne peut intervenir que pour sanctionner les actes illégaux indépendamment de leurs motivations. Au final, pour cette conception plus libérale et plus extensive de la liberté d'expression, toutes les expressions, indépendamment de leur contenu, ont une valeur intrinsèque, elles doivent par conséquent être protégées.
Paradoxalement, en se proposant comme une approche pragmatique et réaliste, l'approche moderne de la liberté d'expression ne peut que tomber dans des spéculations idéalistes. L'autonomie du citoyen est, qu'on le veuille ou non, une vision idéale de l'individu dans la société, tout comme l'était la rationalité du sujet dans la vision classique. En réalité, il y a trois types d'objection émanant de ceux qui critiquent la notion d'autonomie du citoyen : 1/ il y a des messages qui peuvent conditionner les individus et les rendre dangereux à l'égard de la société, comme l'appel répétitif à la haine, les expressions racistes, violentes ou choquantes ; 2/ autonomie du récepteur ne veut pas dire indifférence de ce dernier, notamment lorsqu'on est en présence d'expressions qui infligent une violence morale aux autres ; 3/ il y a des personnes qui présentent une autonomie faible ou affaiblie (les enfants ou les personnes fragiles) et qu'il convient de protéger contre certaines expressions qui présentent pour eux un danger potentiel.
Entre «texte» et «contexte» : le juste milieu
Au final, la problématique de la liberté d'expression demeure insoluble. Prétendre la dépasser en disant simplement que la liberté d'expression constitue un principe et que tout principe souffre d'exceptions, ne fait pas avancer le débat. Cependant, une chose est sûre : il s'agit d'une problématique universelle qui se pose dans toutes les cultures et dans toutes les sociétés, qu'elles soient libérales ou conservatrices, modernes ou archaïques. C'est le caractère universel de la question qui permettra de voir les choses sous un angle nouveau indépendamment des lectures particulières et différentes propres à chaque société.
En effet, le schéma universel de toute communication suppose au moins deux choses : 1/ un texte, c'est-à-dire l'expression en question (aussi bien la forme que le contenu de l'expression) 2/ un contexte, qui englobe : a/ l'auteur du texte ; b/ l'environnement de l'auteur. Ainsi, lorsqu'on s'exprime, on communique malgré tout quelque chose, indépendamment du fait que ce que l'on dit soit vrai, faux, dangereux ou absurde. C'est le contexte qui va donner à notre communication un sens, ce n'est ni l'expression, ni l'idée à laquelle elle renvoie. Par exemple : si un patient raconte une histoire absurde à son psychiatre, ce dernier va lui administrer des soins. Si un comédien raconte la même histoire dans une pièce de théâtre burlesque, le public va s'amuser. Si un prix Nobel de littérature tient les mêmes propos dans un séminaire à l'université, les étudiants, qui ne comprendront rien considéreront ces propos comme manifestation éclatante de son génie.
L'expression, aussi libre soit-elle, se heure donc à un obstacle : le contexte. C'est le contexte qui donne un sens non seulement à l'expression mais c'est aussi lui qui est libre d'interpréter l'esprit même de celui qui s'exprime. Ainsi, défendre la liberté d'expression revient à défendre non seulement la liberté de l'œuvre, mais aussi défendre la liberté d'interprétation que le contexte donnera à l'œuvre. En dernière analyse, la liberté d'expression, en tant que principe vital nécessaire à toute société, constitue ce juste milieu entre deux libertés : la liberté de celui qui exprime quelque chose, et la liberté de celui qui reçoit la chose de l'interpréter.


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