Le mauvais classement de l'université de Jendouba dans le palmarès tunisien et mondial «The 2010 Academic Ranking of World Universités» reflète, dès le début, le mauvais choix qui a été fait pour cette université. En termes d'abord de filières choisies pour cette institution : à sa création en 2001, les filières qui y sont instaurées sont les sciences humaines, les sciences juridiques, les sciences économiques et la gestion, alors que la région est l'une des plus grandes zones céréalières du pays. Dès le début, le choix est mal approprié et ne s'adapte pas aux spécificités de la région. Pourtant, la création d'un pôle universitaire dans le Nord-Ouest, décidée à la fin des années quatre-vingt, répondait à un double objectif: la décentralisation de l'université afin d'atténuer la pression sur les instituts d'enseignement supérieur de la capitale ainsi que ceux de Sousse, de Monastir et de Sfax et la mise en place de spécialités adaptées aux besoins de la région et destinées à la constitution d'un vivier de jeunes compétences, qui, en investissant dans des projets, pourraient créer une dynamique économique dans la région. «L'Université est appelée à participer au développement de la région. Or la formation et les spécialités enseignées par les diverses institutions relevant de l'université ne sont pas adaptées aux besoins réels de la région», déplore M. Hassen Pacha, président de l'université de Jendouba. Une formation mal adaptée aux spécificités de la région qui, pourtant, possède un patrimoine très riche en plantes médicinales et est une grande productrice de céréales. Malgré cela, l'université souffre pourtant de l'absence de spécialités comme la médecine, la pharmacologie, l'ingénierie agroalimentaire, l'hydrologie....privant la zone de compétences précieuses, spécialisées dans les problèmes du sol et de l'eau, ainsi que dans l'étude des plantes médicinales, outre la transformation des produits agricoles et en particulier céréaliers. Pourtant, la formation de compétences dans ces spécialités aurait permis de développer le secteur de l'industrie agroalimentaire ainsi que celui de l'exploitation des plantes médicinales, contribuant à créer des postes d'emploi et à dynamiser l'économie dans cette zone. L'autre maillon manquant de l'université est la recherche : celle-ci n'a pu se développer en raison de l'insuffisance de cadres A (professeurs et maîtres de conférences) rebutés à l'idée de s'installer dans une région jugée par beaucoup inhospitalière, à cause d'une infrastructure pauvre en cités universitaires, théâtre, cinéma, structures de recherche, bibliothèques....Les professeurs, qui doivent enseigner dans la région du Nord-Ouest, préfèrent plutôt faire la navette que de s'installer dans la région. Le motif invoqué : la détérioration des conditions d'enseignement et de recherche. Ces derniers se plaignent de ne pouvoir effectuer des travaux de recherche en l'absence d'une infrastructure adéquate et doivent se rendre dans d'autres universités pour effectuer leur propre recherche. «Nous avons déjà deux cadres A qui ont demandé leur mutation», souligne à ce propos le doyen de la faculté des Sciences juridiques, économiques et de gestion de Jendouba. Cette situation va mettre un frein au développement de la recherche dans la faculté ainsi que dans tous les instituts supérieurs relevant de l'Université de Jendouba. En effet, une école doctorale ne peut être constituée qu'à condition de regrouper au minimum six cadres A et six cadres B de la même spécialité. Or l'université compte en tout et pour tout une dizaine de professeurs et maîtres de conférences dans diverses spécialités. Un chiffre qui est relativement très faible par rapport à d'autres institutions comme l'université de Monastir qui compte des centaines de cadres A, relève le président de l'université. Pour créer des unités de recherche et des écoles doctorales, il faut sédentariser les cadres A. Or ces derniers ne veulent pas rester dans la région. Deux ont déjà demandé leur mutation. L'absence d'unités de recherche pénalise les étudiants qui ne peuvent approfondir leurs études. C'est une perte pour l'Université de Jendouba car nous avons absolument besoin d'étudiants qui effectuent des études doctorales. Ce sont ces étudiants qui pourront un jour , à leur tour, enseigner dans la faculté et les instituts relevant de l'Université de Jendouba et créer, alors, des écoles doctorales, explique le président de l'université. La nécessité de développer la recherche Par ailleurs, l'Université de Jendouba reste le parent pauvre en matière de masters professionnels et de recherche fondamentale. Alors que dans les autres instituts supérieurs, facultés et universités, leur nombre n'a cessé d'augmenter, l'Université de Jendouba ne compte qu'une dizaine de masters pour l'ensemble de ses instituts supérieurs qui s'élèvent à treize. La faculté des Sciences juridiques, économiques et de gestion ne dispose, quant à elle, que d'un master de droit privé, conséquence directe de l'insuffisance de cadres A. Le projet de réforme prévu dans les prochains mois pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour cette université, qui, à sa création, était promue à un bel avenir et qui, aujourd'hui, se retrouve à la traîne. En attendant, le président de l'université pense déjà aux solutions en mettant notamment l'accent sur l'importance d'aménager une infrastructure moderne afin de pouvoir sédentariser les étudiants chercheurs et les cadres A. L'une des autres solutions serait d'adapter la formation de base aux spécificités et aux projets économiques de la région, en développant les filières exactes et en créant des facultés, des instituts et des écoles qui forment des, des médecins, des pharmaciens, des techniciens supérieurs et des ingénieurs dans des spécialités comme l'agroalimentaire, la biotechnologie, l'hydrologie… «A-t-on idée de créer un pôle de textile dans la région de Jendouba alors qu'il s'agit d'une région agricole?, s'interroge M. Pacha. C'est ce qui s'est passé il y a quelques années de cela. Il a été fermé depuis. Il ne faut pas dissocier l'université de son environnement. Au contraire, celle-ci doit être impliquée dans la dynamique économique de la région . A titre d'exemple, cette région a besoin de techniciens supérieurs spécialisés dans les problèmes du sol, de l'eau et de l'agroalimentaire...Nous disposons d'un patrimoine très riche en plantes médicinales. Pourtant, nous ne disposons pas d'unité de recherche spécialisée dans l'étude de ces dernières. Le système universitaire est bancal. Il n'existe pas d'adéquation entre l'emploi et la formation. Il faut non seulement planifier la formation en fonction des besoins de la région mais surtout jeter les bases de la recherche. C'est fondamental. Sans recherche, nous resterons à la traîne et nous ne pourrons pas avancer».